À l’approche des Fêtes, les hôpitaux pour enfants sont sous pression en raison des virus respiratoires. Les médecins lancent un appel aux parents : évitez les urgences si votre enfant n’a pas besoin de soins immédiats.

Ce qu’il faut savoir

Les hôpitaux pour enfants enregistrent des taux d’occupation très élevés en raison des virus respiratoires.

Quelque 130 000 Québécois contractent chaque jour un virus respiratoire, selon un sondage de l’INSPQ.

Le temps d’attente provincial moyen pour parler à une infirmière du 811, pour la journée du 3 décembre, a été de 90 minutes.

« On arrive dans la période des Fêtes et le virus de la grippe est déjà à nos portes. On est en train de voir une augmentation de ce virus-là et on est déjà pris avec le virus respiratoire syncytial (VRS) qui cause beaucoup de problèmes chez les jeunes bébés », a déclaré le chef de l’urgence du CHU Sainte-Justine, le DAntonio D’Angelo, lors d’un point de presse mercredi matin.

Le taux d’occupation des urgences se situait en moyenne à 172 % au CHU Sainte-Justine à la fin du mois de novembre. À l’Hôpital de Montréal pour enfants, il s’établissait à 157 %. « Depuis plusieurs semaines, on a vécu des taux d’occupation très élevés avec des volumes plus importants », dit le DD’Angelo. Il s’attend à une hausse dans les prochaines semaines avec la saison de la grippe qui s’entame.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La Dre Laurie Plotnick, directrice médicale des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants, et le DAntonio D’Angelo, chef des urgences du CHU Sainte-Justine

Beaucoup d’enfants se rendent aux urgences même s’ils n’ont pas besoin d’y être, indique la Dre Laurie Plotnick, directrice médicale des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Elle invite les parents dont les enfants ne nécessitent pas de soins immédiats à contacter la ligne 811 pour obtenir des conseils ou un rendez-vous médical.

Retour de la triple épidémie

Tout comme l’hiver dernier, le Québec est frappé de plein fouet par une triple épidémie de virus respiratoires. En effet, pas moins de 130 000 Québécois contractent chaque jour un virus respiratoire, selon les sondages hebdomadaires effectués par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Du lot, la COVID-19 représente le tiers des nouvelles infections respiratoires. On compte d’ailleurs pas moins de 2214 personnes hospitalisées positives au coronavirus. On ignore toutefois quelle part d’entre elles a été hospitalisée en raison de leur infection.

Outre la COVID-19, le virus respiratoire syncytial (VRS) continue aussi de circuler abondamment.

Pas moins de 11,4 % des tests de dépistage effectués depuis une semaine sont positifs au VRS. L’influenza A connaît également une forte hausse, les tests de dépistage affichant un taux de positivité de 3,8 %.

Le DD’Angelo conseille à la population de faire preuve de prudence en évitant les rassemblements en cas de maladie, en portant un masque et en se lavant les mains régulièrement. Il recommande également de se faire vacciner contre la COVID-19 et la grippe.

Propagation de Mycoplasma pneumoniae

« On voit des enfants avec des pneumonies, mais on ne voit pas une grande hausse des cas de Mycoplasma pneumoniae », indique la Dre Laurie Plotnick. Elle précise toutefois qu’elle ne teste pas régulièrement les patients à cette bactérie.

Les cas d’infections respiratoires liées à la bactérie Mycoplasma pneumoniae sont en hausse dans plusieurs pays du monde, notamment en France, au Danemark et en Chine. Il est toutefois impossible de savoir si le Canada observe également cette hausse : ni l’Agence de la santé publique fédérale ni le ministère de la Santé du Québec ne suivent ces cas d’infection.

La plupart des gens infectés se rétablissent sans traitement, mais certaines personnes peuvent avoir besoin d’antibiotiques ou devront être hospitalisées. Les jeunes adultes et les enfants d’âge scolaire sont les plus touchés.

De longues attentes pour le 811

Le temps d’attente provincial moyen au service 811 d’Info-Santé pour parler à une infirmière, pour la journée du 3 décembre, a été de 90 minutes (avec une attente moyenne au cours de la dernière semaine de 68 minutes), selon les données ministérielles. Des appels de La Presse en fin de semaine se sont traduits à Montréal par 2 heures d’attente dimanche matin et par 4 h 30 min d’attente il y a deux semaines.

Le service 811 vise à donner des renseignements et des conseils aux gens et éviter, si ce n’est pas nécessaire, des visites aux urgences.

Le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, indique être au fait « que les délais sont plus longs qu’à l’habitude », note Antoine de la Durantaye, attaché de presse. « Avec la montée des différents virus, mais aussi avec les différentes journées de grève, c’est l’ensemble du réseau qui est sous pression. »

Le cabinet invite la population à consulter les pharmaciens, les groupes de médecine de famille (souvent inaccessibles, notamment pour ceux qui n’y ont pas de médecin de famille) et Quebec.ca.

Même si les délais sont plus longs sur le 811, nous demandons quand même aux Québécois d’utiliser ces autres options plutôt que de se rendre aux urgences. Même si ce n’est pas l’idéal, il est préférable d’attendre plus de temps au téléphone chez soi que dans une salle d’urgence.

Antoine de la Durantaye, attaché de presse au cabinet du ministre Dubé

Marie-Pierre Blier, des relations avec les médias au Ministère, souligne que le Tribunal administratif du travail a confirmé un nécessaire maintien de service d’Info-Santé à 60 %.

La moyenne quotidienne de la première semaine de décembre démontre que 42,3 % des appelants au 811 ont raccroché avant d’avoir obtenu une réponse. Pour la ligne pédiatrique, ce sont 27,4 % des appels qui ont été abandonnés au cours des sept derniers jours.

« On n’est toujours pas capables d’envoyer les gens qui ont besoin de soins non urgents ailleurs qu’aux urgences », se désole Paul Brunet, président-directeur général du Conseil pour la protection des malades.

Mathieu Charbonneau, directeur d’Action Santé Outaouais – un autre organisme de défense du droit à la santé –, fait observer que le 811 était lui-même à l’origine « une tentative de solution à un problème d’accès à la première ligne. Là, le 811 devient un problème en soi ».

De façon générale, M. Charbonneau relève que « les plateformes technologiques d’accès aux soins de santé [pour des vaccins, des rendez-vous, des recherches de rendez-vous médicaux] sont des obstacles en eux-mêmes pour de nombreuses personnes avec un handicap ou qui ne sont pas à l’aise avec l’informatique ».

Quand se rendre aux urgences ?

Les parents sont invités à se rendre aux urgences si leur bébé de moins de 3 mois fait de la fièvre ou si leur enfant a de la somnolence ou des confusions inhabituelles, de la difficulté à respirer, des vomissements et des signes de déshydratation, a ingéré un poison, une drogue ou une substance inconnue ou a une éruption cutanée qui ressemble à de petites ecchymoses. Les blessures comme des traumatismes crâniens avec perte de conscience, confusion ou vomissements répétés, des coupures qui nécessitent des points de suture, des blessures aux yeux ou des brûlures entraînant des cloques justifient également une visite aux urgences.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse