(Québec) Malgré que les urgences débordent, et que deux décès soient sous enquête à l’hôpital Anna-Laberge, Christian Dubé défend sa gestion de la crise qui sévit dans les hôpitaux. Il rétorque que certains établissements n’aient pas encore appliqué sa marche à suivre.

Le ministre de la Santé a été placé sur la défensive mardi alors que deux décès sont survenus en une semaine aux urgences débordées de l’hôpital Anna-Laberge, à Châteauguay. Des enquêtes sont ouvertes. Au moins un des deux patients serait mort dans la salle d’attente, selon nos informations. « C’est complètement inacceptable qu’on vive ces situations-là dans nos urgences », a déploré M. Dubé.

« C’est inacceptable […] je peux vous assurer que le ministre de la Santé est très préoccupé et qu’on va suivre ça de très près », a soutenu François Legault, talonné par le chef libéral intérimaire, Marc Tanguay.

Ces drames surviennent alors que des médecins déplorent une détérioration dans les urgences du Grand Montréal, un an après la création d’une cellule de crise par le gouvernement Legault pour les désengorger. « Aujourd’hui, on est comme on était avant la cellule de crise », rapportait notamment le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence, le DGilbert Boucher à La Presse.

« On est à la période de l’année où il y a les virus donc, c’est ce qui rend la situation semblable », s’est défendu M. Dubé, qui a aussi souligné que les journées de grève ont perturbé les activités dans les hôpitaux, notamment les services d’appel à la ligne 8-1-1. « Maintenant, je veux faire la différence entre l’excellent travail que la cellule de crise a fait et la deuxième étape (de l’application) », a-t-il nuancé.

Le ministre de la Santé déplore que des établissements tardent à mettre en branle les recommandations de la cellule de crise, un an plus tard. « Entre autres à Anna-Laberge, les mesures n’ont pas été appliquées. Donc, c’est plus un problème de cellule de crise […] il faut passer à l’autre étape et c’est ce que j’ai demandé à M. Delamarre de faire [avec les établissements] », a-t-il lancé.

C’est un enjeu qu’on a dans certains hôpitaux et ce n’est pas par manque de collaboration, mais les gens doivent maintenant prendre ces recommandations-là [et les appliquer].

Christian Dubé, ministre de la Santé

Le ministre fait valoir qu’avec sa réforme, les gestionnaires disposeront de nouveaux « leviers » pour opérer les changements attendus. Entre-temps, M. Dubé a réitéré sa confiance envers son « coordonnateur d’accès », l’ex-PDG du CIUSSS de la Capitale-Nationale, Michel Delamarre, nommé en octobre dernier pour reprendre la mission de la cellule de crise.

La Presse révélait mardi que M. Delamarre n’avait pas encore pris contact avec le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence. Ce dernier a depuis communiqué avec le DBoucher. Par ailleurs, le ministre lui a demandé de « prendre contact avec les médecins [d’Anna-Laberge] qu’il fasse le suivi » pour que les mesures de fluidité soient appliquées aux urgences.

« Il fallait qu’il se fasse un plan, qu’il regarde les recommandations. Je vais vous le dire, je le respecte énormément, il connaît le terrain, il est sur le terrain en ce moment […] donnons-lui la chance d’arriver », a plaidé M. Dubé mardi.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Christian Dubé, ministre de la Santé et Sonia Bélanger, ministre déléguée à la Santé et aux Aînés

La ministre déléguée à la Santé, Sonia Bélanger, était aux côtés du ministre pour confirmer que 200 places seront libérées dans les CHSLD et les ressources intermédiaires de la Montérégie-Ouest et de Montréal pour diminuer dans les prochains jours le nombre de patients qui ne nécessitent plus de soins, mais qui sont toujours à l’hôpital par manque d’espace dans les milieux d’hébergement (NSA).

Québec lancera aussi un appel d’offres d’ici les Fêtes pour créer 300 nouvelles places similaires réparties dans le Grand Montréal, la Capitale-Nationale, l’Estrie et l’Outaouais.

Les urgences à éviter

Dans le contexte tendu des dernières semaines, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) invite la population à éviter les urgences autant que possible. « La pression est particulièrement forte sur les services offerts », écrit le MSSS dans un communiqué. « Il est possible que les délais d’attente pour accéder aux services soient plus élevés qu’à la normale au cours des prochains jours », ajoute-t-on.

On demande à la population de privilégier la ligne Info 8-1-1 ou de consulter le Guichet d’accès à la première ligne (GAP) numérique sur le site web gouvernemental. On invite aussi ceux qui le peuvent à consulter leur médecin de famille ou un pharmacien. « Décembre, janvier, c’est peut-être mieux d’attendre au téléphone [que de se présenter aux urgences] », a résumé M. Dubé mardi.

Pour un retour de la cellule de crise

Selon le Parti libéral du Québec, les explications du ministre sont insuffisantes. Les libéraux plaident plutôt pour que le ministre de la Santé réactive sa cellule de crise, dans sa forme initiale. « Il faut revenir à la prise en charge par les médecins de famille et oui à la cellule de crise parce que c’était de la rétroaction qui vient du terrain, c’est très précieux », a fait valoir mardi le chef intérimaire, Marc Tanguay.

« Pendant qu’on fait des réformes de structure, pendant qu’on brasse des organigrammes et qu’on veut recruter des tops gun, sur le terrain, ce qui se passe c’est profondément inquiétant », a déploré pour sa part le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, faisant référence au projet de loi 15 du ministre Christian Dubé, qui vise la création de Santé Québec.

M. Dubé a toujours dans sa ligne de mire de procéder à son adoption de sa vaste réforme d’ici la fin de la session parlementaire, ce vendredi. Les libéraux ont par ailleurs demandé mardi de prolonger les travaux jusqu’à la semaine prochaine pour poursuivre l’étude détaillée du texte législatif. Le ministre, qui pourrait avoir recours au bâillon, n’a pas montré beaucoup d’ouverture à la proposition libérale, mardi.

« Comment on se retrouve dans une situation aussi tragique, puis pourquoi les choses ne s’améliorent pas, même se détériorent. Ce sont des questions parfaitement légitimes. Le gouvernement a la responsabilité de répondre », a fait valoir de son côté, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.