Déjà en 2021, les problèmes de débordement des urgences à l’hôpital Anna-Laberge et de « manque de fluidité hospitalière » étaient décriés dans un rapport du Protecteur du citoyen. De l’aveu même du ministre Christian Dubé, l’établissement tarde à implanter des solutions sur le terrain.

« C’est complètement inacceptable qu’on vive ces situations-là dans nos urgences », a affirmé le ministre de la Santé, mardi. M. Dubé a déploré le fait que certains hôpitaux, dont Anna-Laberge, n’ont pas encore appliqué les solutions déterminées par sa cellule de crise pour désengorger les urgences, il y a un an.

La Presse rapportait mardi que deux décès sont survenus aux urgences bondées de l’hôpital Anna-Laberge la semaine dernière et font l’objet d’enquêtes du CISSS de la Montérégie-Ouest et du Bureau du coroner. Un des deux patients serait mort dans la salle d’attente, selon nos informations.

Christian Dubé a demandé à son nouveau « coordonnateur d’accès » à la première ligne, l’ex-PDG du CIUSSS de la Capitale-Nationale Michel Delamarre, de « prendre contact avec les médecins [d’Anna-Laberge] » afin de faire le suivi de l’application de mesures pour soulager la pression.

Quelque 200 places seront aussi libérées au cours des prochains jours dans les CHSLD et ressources intermédiaires pour accueillir les patients en attente de transfert, qui engorgent les urgences en Montérégie-Ouest.

Rapport de 2021

Le constat du ministre n’étonne pas plusieurs médecins qui travaillent sur le territoire et à qui La Presse a pu parler mardi. « Des solutions existent. Certaines ont été implantées. Mais c’est clair que ça ne va pas assez vite », constate l’un d’eux, qui préfère garder l’anonymat par peur des représailles.

Dans son rapport de 2021 sur l’hôpital Anna-Laberge, le Protecteur du citoyen écrivait que « des soins ne sont pas donnés ou sont offerts dans un lieu inadéquat ou ne répondant pas aux besoins des personnes (salle d’attente, corridor, isolement requis en santé mentale) » et que « des erreurs de médication sont observées ».

Au CISSS de la Montérégie-Ouest, on indique que différentes solutions ont été implantées ces derniers mois pour alléger la pression sur les urgences du territoire. On a notamment triplé le nombre d’heures de soins à domicile. Des gardes infirmières 24/7 en soins à domicile sont maintenant déployées. Une « boîte à outils » pour sensibiliser les résidences pour aînés « aux mesures alternatives afin d’éviter les recours hospitaliers » a aussi été lancée.

D’autres mesures sont à venir. La nouvelle maison des aînés de Châteauguay doit accueillir ses premiers résidants à l’hiver 2024. Le soutien intensif à domicile, déjà en place à Vaudreuil et sur le territoire de l’hôpital du Suroît, sera aussi déployé « dans les meilleurs délais » à Châteauguay, assure le CISSS de la Montérégie-Ouest.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux, on assure que différentes mesures « ont été implantées ou sont en processus d’implantation » à Anna-Laberge depuis le rapport du Protecteur du citoyen. On évoque notamment la création d’un comité de triage et la réaffectation des patients non urgents vers des ressources autres que l’urgence.

« J’aurais dû être prise en charge plus tôt »

Résidante de Candiac, Julie* estime que des solutions doivent être rapidement mises en place pour éviter que d’autres personnes ne vivent la même situation qu’elle. Elle raconte s’être présentée aux urgences de l’hôpital Anna-Laberge, le 22 novembre, avec d’importantes douleurs à l’abdomen. Ce n’est que 48 heures plus tard qu’elle a pu être opérée pour une infection aiguë à la vésicule biliaire, raconte-t-elle à La Presse.

« J’aurais dû être prise en charge plus tôt », dit Julie, qui préfère taire son nom pour ne pas nuire à ses suivis.

Ce jour-là, « la salle d’attente était bondée », dit-elle. Après avoir été vue au triage, on lui a attribué un code de priorité 3. Selon l’Échelle canadienne de triage et de gravité pour les départements d’urgence, un patient de priorité 3 doit obtenir des soins médicaux en 30 minutes.

Mais Julie n’a finalement pu voir un médecin que 17 heures plus tard. Ce dernier lui a prescrit une échographie, qui a révélé qu’elle avait la vésicule biliaire infectée et que l’infection s’était propagée aux reins.

À ce moment, on a annoncé à Julie qu’elle serait opérée dès le lendemain.

On m’a montée aux étages pour la nuit. Mais j’étais dans un corridor. Avec quatre ou cinq autres patients. Parce que l’étage était plein.

Julie (prénom fictif)

En plus des urgences qui sont surchargées, les étages de l’hôpital Anna-Laberge sont fort occupés. Le CISSS de la Montérégie-Ouest confirme qu’il manque actuellement sept médecins pour assurer les hospitalisations aux étages.

Julie a finalement été opérée le 24 novembre. Elle dit avoir été « sous le choc » d’apprendre qu’une personne était morte la semaine dernière dans la salle d’attente de l’hôpital Anna-Laberge. « Ça ne devrait pas arriver. Quand tu vas chercher de l’aide et que tu n’en reçois pas, tu te sens extrêmement vulnérable. Ça ne devrait pas arriver », dit-elle, sans pouvoir retenir ses larmes.

* Prénom fictif

Solutions évoquées pour améliorer la situation dans les urgences de l’ouest de la Montérégie

• Redécoupage des ambulances afin que certains véhicules soient dirigés ailleurs en Montérégie ou dans l’ouest de Montréal

• Augmenter le recrutement de personnel (médecins, infirmières, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, physiothérapeutes…)

• Implantation de paramédicaux communautaires

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  • 201
    Nombre de lits de courte durée à l’hôpital Anna-Laberge
    Source : Portail santé Montérégie