(Québec) Fait peu commun, Christian Dubé a soumis en commission parlementaire son « plan de match » pour adopter sa vaste réforme en santé avant Noël. Le ministre de la Santé prépare plutôt le terrain à l’utilisation du bâillon, estime l’opposition.

Au premier jour marquant le début de la dernière ligne droite de la session parlementaire, le ministre Christian Dubé s’est présenté mardi en commission avec en main « une proposition de séquence » pour compléter l’étude détaillée – étude article par article – de l’imposant projet de loi 15. Selon lui, il a suffisamment fait preuve d’écoute et il est temps de passer à la prochaine étape.

« Je vais déposer aux oppositions, avec qui on a beaucoup collaboré […] depuis le début, une espèce de plan de match pour les trois prochaines semaines », a expliqué M. Dubé à son arrivée en commission. « Depuis le début, on a fait 180 heures, il nous en reste 60 […] et je pense qu’il est très réaliste d’être capable de finir [l’étude] du projet de loi avant la fin de la session », a-t-il ajouté.

Christian Dubé a répété plus d’une fois cet automne que son souhait est d’adopter sa réforme d’ici la fin de la session pour créer Santé Québec au printemps 2024. Le projet de loi 15 prévoit une période de six mois après son adoption pour constituer cette toute nouvelle société d’État.

La session parlementaire doit se terminer le 8 décembre, après une semaine de travaux réguliers et deux semaines de travaux intensifs, ce qui veut dire que les élus siégeront quatre jours au lieu de trois. Selon M. Dubé, ces 60 heures de travaux en commission seront suffisantes pour passer en revue les centaines d’articles du texte législatif qui n’ont pas encore été étudiés.

Le projet de loi 15, qui vise à rendre plus efficace le réseau de la santé et des services sociaux, comporte quelque 1200 articles. Les parlementaires ont adopté jusqu’à présent plus de 560 articles et 325 amendements.

Plutôt que de l’inscrire dans sa future loi, Christian Dubé a finalement négocié une entente avec les médecins spécialistes pour les soumettre à de nouvelles obligations. Cet accord conclu la semaine dernière constitue un élément important de sa réforme qu’il n’aura pas à débattre en commission.

De l’avis du ministre, il reste ainsi « deux dossiers importants » à étudier d’ici les Fêtes : les départements territoriaux de médecine et la gouvernance syndicale. Santé Québec deviendra l’employeur unique du réseau de la santé et des services sociaux. Il est aussi prévu que cela entraîne la fusion de l’ancienneté syndicale.

C’est beaucoup 60 heures […]. Je pense que si on travaille bien, comme on a bien fait jusqu’à maintenant, on est capable.

Christian Dubé, ministre de la Santé

Vers un recours au bâillon ?

L’opposition a accepté mardi de « jouer le jeu » du ministre de procéder par blocs d’articles pour faire progresser l’étude détaillée plus rapidement. Or, M. Dubé, en se donnant un échéancier comme celui-ci, envoie le message qu’il aura recours au bâillon une fois les 60 heures écoulées, estime l’opposition.

Le ministre de la Santé n’a d’ailleurs pas écarté le recours à cette procédure parlementaire d’exception pour faire adopter sa réforme.

« Quand le ministre arrive avec un plan de match pour les trois prochaines semaines et qu’à la dernière semaine, on nous dit on va étudier 400 articles, il nous envoie le message que si ce n’est pas ça, on va fonctionner par bâillon », a déploré le député libéral de Pontiac, André Fortin. Selon lui, « ce n’est pas une façon de faire pour un projet de loi aussi mal ficelé » qui a nécessité autant d’amendements.

Selon la feuille de route de M. Dubé, les parlementaires adopteraient environ une centaine d’amendements pour les deux prochaines semaines et plus de 400 dans la semaine du 5 décembre, dont la majorité sont des articles de concordance.

« Je ne le souhaite pas, le ministre a dit qu’il ne le souhaitait pas, mais réalistement, on va appeler un chat un chat : adopter 400 articles dans la dernière semaine […] je pense qu’on est capable de faire les calculs mathématiques », a soutenu pour sa part le député de Québec solidaire Guillaume Cliche-Rivard.

Selon le Parti québécois, les délais évoqués par M. Dubé « sont artificiels » alors que l’étude du projet de loi pourrait se poursuivre à la reprise des travaux en janvier. « On crée une circonstance artificielle de pression. Ça n’augure pas bien, compte tenu de tous les lumineux rouges, toutes les interventions, qui nous demandent d’être prudents », a indiqué le chef Paul St-Pierre Plamondon.