Les substances interdites pullulent dans certains des suppléments qu’affectionnent les sportifs, selon une étude

Les sportifs pensent améliorer leurs performances, mais leurs suppléments alimentaires pourraient au contraire les rendre malades. Une étude américaine révèle que plusieurs produits contiennent des substances interdites, voire dangereuses. Et Santé Canada confirme avoir trouvé plusieurs produits non réglementaires au Québec dans les dernières années.

Une équipe de chercheurs américains a analysé 57 marques de suppléments alimentaires pour sportifs. « Nous avons constaté que 89 % des produits présentaient de manière erronée ce qui se trouvait réellement dans le flacon », dit le DPieter Cohen, auteur principal de l’étude parue lundi et professeur associé à l’École de médecine de Harvard, en entrevue avec La Presse.

Plusieurs marques contenaient également des médicaments interdits par la Food and Drug Administration (FDA) américaine, notamment des produits pharmaceutiques provenant de Russie et d’Europe, ainsi qu’un stimulant qui n’a jamais été approuvé dans aucun pays.

En d’autres mots, on a autant de chances d’avoir un produit qui contient exactement ce qui est mentionné sur l’étiquette que d’avoir un produit qui contient des médicaments interdits. C’est un véritable chaos.

Le DPieter Cohen, auteur principal de l’étude

Pour être admissibles à l’étude, les produits devaient contenir des ingrédients d’origine végétale, soit de la méthyllibérine, de l’halostachine, de la rauvolfia vomitoria, de l’octopamine ou de la turkesterone.

Dans 40 % des produits, l’ingrédient d’origine végétale indiqué sur l’étiquette ne se trouvait pas dans les suppléments. À l’opposé, dans certains échantillons, la teneur de l’ingrédient naturel s’est avérée jusqu’à 330 % plus élevée que celle mentionnée sur l’étiquette.

« C’est préoccupant », dit la présidente de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec, Joëlle Emond. Elle ne se dit toutefois pas surprise par les résultats.

On avait déjà souligné le fait que l’étiquetage en termes de suppléments pour sportifs n’est pas toujours fiable.

Joëlle Emond, présidente de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec

Six produits contenaient par ailleurs des stimulants synthétiques interdits. Une marque de suppléments renfermait quatre médicaments interdits différents. « Ces médicaments peuvent mettre le corps à rude épreuve en augmentant la pression artérielle, le rythme cardiaque et les contractions du cœur », déplore le DCohen.

Puisque les marques sont anonymisées dans l’étude, il n’est pas possible de confirmer que les produits problématiques sont aussi offerts au Canada. « Je suis certain que plusieurs de ces produits sont disponibles au Canada ou vont l’être éventuellement, estime toutefois le DCohen. Aujourd’hui, le marché des suppléments alimentaires pour sportifs est devenu mondial. »

« En raison du fait que les suppléments peuvent aussi être achetés sur l’internet, en provenance d’autres pays, il est certainement possible que ceux qui figurent dans l’étude en question se trouvent au Canada », ajoute la gestionnaire principale du programme canadien antidopage au Centre canadien pour l’éthique dans le sport, Elizabeth Carson.

Un problème présent au Canada

Entre septembre 2019 et février 2020, Santé Canada a d’ailleurs analysé 25 produits de santé naturels destinés à l’entraînement. Au total, sept produits ne respectaient pas les exigences, dont quatre vendus au Québec.

Deux produits vendus chez Jean Coutu et chez Minotaure Nutrition contenaient un pathogène soupçonné, soit la bactérie Clostridium sp. Deux autres produits vendus chez Shop Santé ne contenaient pas les teneurs indiquées sur l’étiquette.

Ailleurs au pays, un produit vendu au Manitoba contenait plus de plomb que la limite permise, tandis que deux produits, un en Ontario et un en Alberta, contenaient plus de caféine qu’indiqué.

Au Canada, les fabricants de produits de santé naturels, incluant les suppléments alimentaires, doivent se procurer une licence accordée par Santé Canada. Or, la qualité de ces produits est seulement basée sur les déclarations des fabricants.

Santé Canada continue donc « de trouver des produits sur le marché canadien qui ne répondent pas aux exigences réglementaires canadiennes », peut-on lire sur le site internet du gouvernement fédéral.

« Le marché est hors de contrôle »

Joëlle Emond et le DPieter Cohen estiment que l’encadrement des produits naturels devrait être plus rigoureux. « Les compagnies introduisent ce qu’elles veulent sur le marché et attendent de voir qui devient malade et qui se retrouve aux urgences. Le marché est hors de contrôle », dit le DCohen.

Une étude américaine publiée en 2015 a révélé que 23 000 patients se retrouvent aux urgences chaque année aux États-Unis en raison d’effets indésirables liés à des suppléments alimentaires. « C’est principalement des suppléments sportifs qui posaient problème », précise le DCohen.

Les sportifs de compétition peuvent également être pénalisés par des suppléments qui ne contiennent pas ce qui se trouve sur l’étiquette, note Joëlle Emond.

Il y a une difficulté à garantir l’absence de substances illicites qui peut mener à la disqualification d’un athlète lors d’une compétition. Même s’il ingère la substance à son insu, il demeure pleinement responsable.

Joëlle Emond, présidente de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec

Mme Emond rappelle donc l’importance de s’informer auprès de personnes qualifiées, comme les diététistes-nutritionnistes ayant une spécialisation en nutrition sportive, avant de choisir un supplément sportif et pour déterminer si on en a besoin.

Lisez l’étude parue lundi dans la revue médicale JAMA Network Open (en anglais)

Comment choisir ?

Au Canada, les programmes de certification « Certified for Sport® » de NSF et « Informed Sport » permettent aux sportifs de choisir des suppléments alimentaires sûrs. L’organisme indépendant NSF s’assure que les produits ne contiennent pas de niveaux dangereux de contaminants, de substances interdites et que ce qui figure sur l’étiquette correspond à ce qui se trouve dans le produit. De son côté, Informed Sport teste régulièrement les produits pour des substances interdites dans le sport. Les produits certifiés par les programmes se trouvent sur leur site internet respectif.

En savoir plus
  • 87 %
    Proportion des athlètes canadiens qui consomment des suppléments alimentaires.
    Source : Étude réalisée en 2012 par le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES)