L’engorgement du réseau de la santé influe sur le bien-être des bébés naissants, suggère une nouvelle étude. D’après celle-ci, plus les unités de soins intensifs néonatals sont remplies, plus les risques de complications graves chez les grands prématurés sont élevés.

« Par exemple, lorsque le taux d’occupation des lits se situe à 50 % de la capacité de l’unité, le pourcentage de complications graves est de 30 %. Ce pourcentage grimpe à 40 % lorsque 80 % des lits sont occupés, et à 50 % lorsque l’unité est à 110 % de la capacité », affirme en ce sens le professeure titulaire à la faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec, Bruno Piedbœuf.

Dans les derniers mois, son groupe, mené par le néonatologiste et épidémiologiste à la faculté de médecine de l’Université McGill Marc Beltempo, a analysé les cas de « 1870 enfants nés entre la 23semaine et la 32semaine de grossesse ». Ces nouveau-nés sont essentiellement des « grands prématurés » ou « très grands prématurés », selon les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les sujets étudiés devaient par ailleurs avoir été admis dans une unité de soins intensifs néonatals québécoise. Résultat : des 1870 bébés, « 823 ont eu des complications sérieuses, dont 153 décès », lit-on dans l’étude dirigée par M. Piedbœuf. « Les principales pathologies rapportées touchaient les poumons, le système nerveux, le système digestif et les yeux », y indique-t-on.

45 % de risques à pleine capacité

Ultimement, le risque de complications graves atteint 45 % chez les grands prématurés lorsque tous les lits d’une unité sont occupés. D’ailleurs, ce risque de complications graves augmenterait surtout « pendant le premier quart de travail et pendant les 24 premières heures qui suivent l’admission de l’enfant ». L’étude pourrait donc bien « refléter un manque de ressources pendant les périodes de pointe », selon le professeur.

Mais tout n’est pas noir pour autant. « Il y a eu beaucoup d’amélioration sur le plan technique » dans les dernières années, affirme M. Piedbœuf, en soulignant que le taux de survie des enfants prématurés naissant après la 28semaine est aujourd’hui de 95 %, un progrès marqué par rapport aux dernières décennies.

Néanmoins, ajoute le médecin, il demeure que l’étude démontre qu’« il y a encore du travail à faire du côté de l’organisation du travail pour assurer de meilleurs soins aux grands prématurés » au Québec. Notons que l’étude en question a été rendue publique mardi dans la revue scientifique internationale Archives of Disease in Childhood : Fetal & Neonatal.

« Les grands prématurés ont une santé fragile et il faut continuellement veiller sur eux. Le temps de réaction du personnel soignant est crucial. Idéalement, il faudrait avoir un ratio d’une infirmière ou d’un infirmier par enfant pour assurer des soins optimaux », affirme également M. Piedbœuf, dont les conclusions devraient être transmises aux autorités.

En septembre 2021, La Presse avait rapporté que la « hausse marquée » du nombre de naissances, combinée au manque de personnel, pousse à cran les unités de soins en néonatalogie, au point d’obliger des femmes de bébés prématurés à accoucher à des centaines de kilomètres de chez elles. L’organisme Préma-Québec, qui a pour mission d’améliorer la qualité de vie des enfants prématurés, réclame une sorte de statut juridique pour les bébés prématurés, qui leur reconnaîtrait le droit d’être soignés plus près de chez eux.

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