Malgré des années de recherche, le mystère qui entoure la mort subite du nourrisson reste entier. Mais plusieurs pièces du puzzle commencent peu à peu à se mettre en place : certains chercheurs se tournent vers une explication qui relèverait plus de la génétique que de l’environnement.

Certains facteurs de risque bien établis

Coucher le bébé sur le dos, seul, dans un berceau, sur un matelas ferme, sans aucun jouet, peluche, ni oreiller : les recommandations de Santé Canada pour qu’un nourrisson s’endorme dans des conditions sûres sont très claires. Depuis les années 1990, ces consignes ont permis de réduire de 50 % le taux de mortalité liée à la mort subite du nourrisson (MSN). Mais qu’en est-il des 50 % restants ? Peut-on prévenir ces morts inexpliquées, qui sont, encore aujourd’hui, la première cause de décès chez les nourrissons de 1 mois à 1 an ? Pour la Dre Aurore Côté, médecin spécialisée en pneumologie pédiatrique au Centre universitaire de santé McGill, « rien n’a changé depuis les années 1990, les recommandations sont toujours les mêmes. Et malgré des années de recherche, on ne connaît toujours pas ce qui cause la mort subite du nourrisson », déplore-t-elle par courriel.

Même constat du côté de la Dre Nathalie Auger, professeure au département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Celle-ci a pourtant mis en évidence un lien entre une température ambiante trop élevée et une augmentation des cas de mort subite du nourrisson. Mais pourquoi une hausse de la température entraînerait-elle la mort d’un enfant ? « Malheureusement, on ne sait pas exactement pourquoi il y a une telle association », dit en soupirant la chercheuse.

Un changement de perspective

Certains chercheurs envisagent cependant le problème sous un angle différent. Selon eux, le risque induit par un environnement de sommeil non sûr, comme une peluche dans le berceau ou une température ambiante trop élevée, ne serait que la partie visible de l’iceberg. C’est le cas du DRichard Goldstein, chercheur et pédiatre à l’Hôpital pour enfants de Boston et à l’École de médecine de Harvard. « Tout le monde pense que la mort subite du nourrisson est un simple accident qui survient durant le sommeil de l’enfant, mais c’est beaucoup plus compliqué que ça », explique-t-il.

Nous ne pensons pas que ces nourrissons meurent de suffocation. Nous pensons qu’ils ne sont pas capables de réagir à de légers changements dans leur environnement, comme un faible manque d’oxygène ou une augmentation du CO2.

Le DRichard Goldstein, chercheur et pédiatre à l’Hôpital pour enfants de Boston

« Ces enfants-là en meurent, alors qu’habituellement, un nourrisson réagirait simplement en tournant la tête ou en respirant un peu plus fort. »

Selon cette hypothèse, un enfant serait particulièrement à risque s’il présente une fragilité d’origine génétique, biologique ou moléculaire – et une peluche dans le berceau ou une élévation de la température ne serait donc pas la cause principale du décès, mais plutôt un élément déclencheur qui révélerait cette fragilité sous-jacente.

Quelques pièces du puzzle

Il existe plusieurs recherches sur ce qui pourrait causer cette fragilité chez les nourrissons victimes d’une mort subite. Elle pourrait, par exemple, avoir été induite in utero par le tabac : selon le DRichard Goldstein, « si la mère fume pendant la grossesse, le risque de mort subite du nourrisson est doublé, et le risque augmente pour chaque cigarette qu’elle fume par jour ».

Plusieurs études pointent également vers une piste d’origine génétique. « L’une d’entre elles a notamment révélé que les frères et sœurs d’un enfant victime de mort subite avaient un risque quatre fois plus élevé d’en mourir également. Et sur trois générations, c’est plus de neuf fois », souligne le DRichard Goldstein.

Ce dernier a également mené d’importantes recherches qui semblent aller dans ce sens : dans un article publié en janvier 2022 dans le journal Genetics in Medicine, chez une cohorte de 352 enfants morts de la MSN, le chercheur et son équipe ont réussi à identifier chez 11 % d’entre eux certains gènes liés à des maladies graves, comme des maladies cardiaques ou neurologiques. Un déficit en sérotonine – l’un des principaux neurotransmetteurs régulant l’humeur – ou encore un possible lien avec l’épilepsie sont également des pistes sur lesquelles travaillent les chercheurs.

« Je pense que ces études sur la génétique et les biomarqueurs sont très prometteuses, et c’est certainement une direction dans laquelle nous devrions aller », souligne Mary Margaret Murphy, directrice de Souffle de bébé, une fondation canadienne consacrée à la prévention de la mort inattendue du nourrisson. « Mais nous devons faire plus de recherches et trouver des financements, pour continuer à chercher ce qui cause la mort subite du nourrisson. » Et peut-être même pour trouver, un jour, un traitement permettant de protéger les enfants de ce fléau.

La mort subite du nourrisson au Canada

  • 1 nourrisson sur 2000 en meurt chaque année
  • 19,6 % des décès de 1 à 12 mois sont attribués à la mort subite du nourrisson
  • 50 % de diminution du taux de décès attribués à la mort subite du nourrisson entre 1999 et 2004

Sources : Santé Canada, Souffle de bébé

Apprenez-en plus sur la mort subite du nourrisson sur le site de Souffle de bébé Lisez les recommandations de Santé Canada en matière de sommeil sûr pour l’enfant Lisez un article de la Dre Nathalie Auger dans Environmental Health Perspectives (en anglais) Lisez un article du DRichard Goldstein publié dans Genetics in Medicine (en anglais)