(Edmonton) Des chercheurs albertains cherchent à prévoir les risques liés à la prescription d’opioïdes grâce à l’intelligence artificielle.

Les médecins disposent déjà d’un protocole établi pour identifier les patients à risque de dépendance aux opioïdes. Mais le Dr Dean Eurich, directeur du programme d’épidémiologie clinique de l’Université de l’Alberta, pense que l’intelligence artificielle « pourrait faire un meilleur travail ».

Grâce à cet outil, les médecins pourraient prédire les effets d’un opioïde sur les patients et leur éviter des visites inutiles aux urgences ou même la mort dans les 30 jours suivant le début du traitement.

Le Dr Eurich est le chercheur principal d’un article publié en décembre dans le Journal of the Americain Medical Association Network, qui a analysé les données médicales de plus de 850 000 Albertains de manière anonyme et a prédit les meilleurs résultats pour les patients.

La Dre Fizza Gilani du Collège des médecins et chirurgiens de l’Alberta a affirmé que l’apprentissage des machines pourrait être un moyen efficace de réduire les hospitalisations et la morbidité des patients.

Parfois, a-t-elle ajouté, les méthodes actuelles ne prédisent pas les origines du risque et les solutions médicales pourraient être plus compliquées que de juste réduire la dose d’opioïdes d’un patient.

L’algorithme a été alimenté avec des données liées à divers facteurs de santé pour déterminer les risques pour un patient, notamment les antécédents de blessure, d’obésité, de dépression, de diabète et de psychose. Celles-ci ont été combinées avec des diagnostics, des visites en centres hospitaliers et des informations concernant notamment le lieu de résidence du patient.

« L’idée n’est pas d’amener les médecins à cesser de prescrire des opioïdes, mais de minimiser le risque après l’exposition aux opioïdes », a soutenu la Dre Gilani.

Les chercheurs ont examiné environ trois millions d’ordonnances d’opioïdes par an de divers professionnels de la santé ― médecins, infirmières praticiennes, dentistes ― à plus de 600 000 patients albertains. Ceux qui avaient un cancer ou recevaient des soins palliatifs ont été exclus.

Le Dr Eurich a noté que 20 % des patients prenaient des opioïdes avec d’autres médicaments à haut risque, « augmentant le risque d’effets indésirables ».

Le Dr Eurich, qui travaille avec l’intelligence artificielle depuis plus de trois ans, a déclaré que le système peut « prédire correctement pour quatre patients sur cinq » qui est à haut risque et court plus de chances d’être hospitalisé dans les 30 premiers jours suivant la prescription du médicament.

La cofondatrice de l’organisme Moms Stop the Harm, Petra Schulz, a de son côté fait valoir que la plupart des décès liés aux opioïdes dans la province sont dus aux drogues illicites et non aux prescriptions.

« Ce type d’intelligence artificielle pourrait limiter l’accès aux solutions plus sûres, craint-elle. C’est comme si vous faisiez un travail de détective et que vous vouliez comprendre ce qui ne va pas pour le patient au lieu de développer une relation de confiance médecin-patient, qui permet au patient de parler ouvertement. »

La Dre Gilani était d’accord avec l’observation de Mme Schulz sur la crise des opioïdes, mais a rappelé qu’il existe un « lien indirect » entre une foule de facteurs introduits dans le système d’intelligence artificielle et que l’outil pourrait aider à réduire ces décès en se basant sur les données.

Selon le Dr Eurich, une « bonne partie » des conséquences négatives liées aux opioïdes n’est pas alimentée par les drogues illicites, mais par l’utilisation d’ordonnances ― en particulier au début.

Il a expliqué que les patients continuent d’être exposés aux opioïdes pour traiter la douleur et finissent par utiliser le système de santé pour « magasiner leur médecin et obtenir des quantités massives d’opioïdes ».

Il a ajouté que son système fournirait « une bonne continuité des soins » même lorsque les patients changent de médecin.

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne.