Plus de 150 000 élèves manquent présentement l’école, tandis que près d’un enfant hospitalisé sur quatre combat plus d’un virus respiratoire

La multiplication des virus balayant le Québec cet automne malmène particulièrement les enfants. Davantage d’élèves sont présentement absents des écoles qu’au sommet de la vague Omicron et près d’un enfant sur quatre qui est hospitalisé en raison d’un virus respiratoire combat plus d’une infection, a appris La Presse.

Pas moins de 150 280 élèves sont présentement absents des écoles québécoises, toutes causes confondues, a indiqué le ministère de l’Éducation mardi. Cela représente 12,06 % des élèves du préscolaire, du primaire, du secondaire, de la formation professionnelle et de l’éducation des adultes.

C’est nettement plus qu’en février dernier, alors que le variant Omicron déferlait sur le Québec. À l’époque, le réseau scolaire avait rapporté un sommet d’un peu moins de 130 000 absences.

Autre signe de l’ampleur de la vague d’absentéisme, les directions d’école évaluent que le taux d’absence observé tourne habituellement davantage autour de 5 à 7 %.

Contrairement à l’hiver dernier, la COVID-19 n’est pas la principale responsable. En effet, celle-ci est associée à seulement 17 469 des 150 280 absences scolaires. Les 132 811 autres absences répertoriées sont dues à des raisons autres, non précisées par le Ministère.

Avec la COVID-19, le virus respiratoire syncytial (VRS), l’influenza et les rhinovirus, la transmission des virus respiratoires est omniprésente cet automne. « Normalement, ces virus-là circulaient sur toute l’année, mais là, ils se sont mis à tous circuler pendant l’automne. C’est très inhabituel », illustre la Dre Rodica Gilca, responsable de la surveillance des hospitalisations associées aux virus respiratoires à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Les jeunes, fortement exposés aux virus, se trouvent ainsi plus à risque de développer une infection… ou plusieurs à la fois. « Les enfants se partagent les virus et ils n’ont pas encore acquis une bonne immunité, donc on trouve souvent des co-infections. On peut trouver deux, trois ou même quatre virus en même temps », explique la Dre Gilca.

À l’heure actuelle, 22 % des enfants hospitalisés pour un virus respiratoire en combattent plus d’un, selon le programme de surveillance des hospitalisations de l’INSPQ, qui suit six hôpitaux au Québec. À titre de comparaison, seulement 2 % des adultes hospitalisés pour des virus respiratoires sont atteints de co-infections.

Les cas les plus fréquents de co-infection se produisent avec le VRS et les rhinovirus, qui causent le rhume, indique la Dre Gilca.

Appel à la vigilance

À l’Université du Québec à Montréal, le virologue et professeur au département des sciences biologiques Benoit Barbeau affirme qu’il n’est « pas surprenant » que les enfants contractent plus de co-infections que les adultes. Ces infections à répétition doivent néanmoins être limitées le plus possible, surtout chez les plus jeunes, selon lui.

« Deux virus dans le système immunitaire d’un enfant, ça peut vouloir dire plus d’inflammation et plus de vulnérabilité face à de potentiels problèmes respiratoires », explique-t-il. La Dre Gilca précise toutefois que ces co-infections ne sont pas nécessairement synonymes « de maladie plus sévère ».

Chose certaine, M. Barbeau appelle la population à la vigilance. « On a retiré les mesures sanitaires, même si on recommande fortement le port du masque. On traverse une première saison hivernale sans mesures sanitaires. Ça donne libre cours aux virus. Il faut en être conscients », juge l’expert.

Un portrait incomplet

Dans la dernière semaine, 896 cas d’influenza ont été recensés au Québec, surtout en milieu hospitalier. C’est deux fois plus que la semaine précédente. Pendant la même période, on a aussi compté 606 infections au VRS. Quant à la COVID-19, le Québec a enregistré 5341 infections par test PCR.

Or, ces cas sont probablement grandement sous-évalués, estime le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal. Ce dernier juge en effet que l’enjeu principal est que le Québec ne dispose que de peu de capacités de dépistage pour l’influenza et le VRS, du moins nettement moins que pour la COVID-19.

En principe, les tests pour identifier le VRS et la grippe sont effectués en centre hospitalier, mais pas pour tous les patients, précise la Dre Gilca. « Par exemple, pour le VRS, il n’y a pas de traitement spécifique, donc le médecin n’a pas vraiment de justification du point de vue clinique de demander le test », avance-t-elle.

À l’extérieur de l’hôpital, seuls les tests pour identifier la COVID-19 sont offerts, ajoute le DOughton.

Les tests pour les deux autres virus existent, mais on ne les distribue pas. Ça veut dire que toutes ces personnes moins à risque, qui contractent la maladie et qui restent à la maison, elles sont carrément invisibles [pour le gouvernement].

Le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif

Selon le DOughton, l’INSPQ aurait d’ailleurs tout intérêt à intégrer le VRS et l’influenza dans son analyse des eaux usées. « On le fait déjà pour la COVID, donc on a les outils. Ça donnerait un bien meilleur portrait de la situation dans la communauté », explique-t-il.

À l’INSPQ, le porte-parole Aurèle Iberto-Mazzali confirme que l’organisme n’analyse « pas actuellement ces virus dans les eaux usées ». « D’un point de vue scientifique, l’INSPQ évaluera dans les mois à venir les avenues d’intérêt pour le développement du programme, soit les autres pathogènes ou contaminants, par exemple, en fonction des besoins de santé publique et des dernières connaissances scientifiques », conclut-il, en rappelant cependant que les décisions relèvent du gouvernement provincial.

Avec Pierre-André Normandin et Marie-Eve Morasse, La Presse

Les urgences demeurent achalandées

Le taux d’occupation dans les urgences demeure élevé au Québec alors que la moyenne était de 118 % dans la dernière semaine. Ce taux demeure beaucoup plus élevé que la cible du gouvernement, qui est de 85 %. Dans la dernière semaine, pas moins de 10 008 personnes se sont présentées aux urgences. Au total, 51 % des visites ne nécessitaient pas de s’y rendre, selon les indicateurs de performance du réseau de la santé et des services sociaux.