Un ou deux verres par jour pour les femmes, deux ou trois pour les hommes, pas plus de cinq fois par semaine ? Ces repères doivent être revus à la baisse, estime un comité d’experts canadiens, selon qui le risque devient « élevé » à partir de sept consommations par semaine.

Lundi, le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) a rendu public son projet d’actualisation des Directives de consommation d’alcool à faible risque du Canada. Ce rapport est d’abord présenté à la population avant la publication des résultats finaux, le 15 novembre.

Selon le groupe d’experts coprésidé par la sociologue québécoise Catherine Paradis, « la science évolue » et « les recommandations concernant les quantités d’alcool doivent changer ».

Le rapport propose donc un « continuum de risque » à la population, basé sur des données internationales et une modélisation mathématique. Le risque lié à l’alcool serait ainsi « négligeable à faible » avec un ou deux verres par semaine, « modéré » avec trois à six verres par semaine, et « élevé » avec six verres et plus par semaine.

« On est bien conscients que ces nouveaux repères vont être surprenants, déstabilisants, choquants pour certaines personnes, mais la population a le droit de savoir », dit Catherine Paradis, directrice associée intérimaire à la recherche au CCDUS.

Ces nouveaux repères ont « trois raisons d’être » : l’alcool peut causer au moins sept types de cancer, dont le cancer du sein et celui du côlon ; l’alcool n’est « pas bon pour le cœur » ; et enfin, l’alcool augmente le risque de violence.

« L’alcool est une substance cancérigène, et contrairement à la croyance populaire, les données actuelles montrent que boire un peu d’alcool ne diminue pas de façon significative le risque de cardiopathie. Quand il est question de consommation d’alcool, moins, c’est mieux », résume Catherine Paradis.

Consultez le rapport

Le groupe entend recommander à Santé Canada d’adopter un règlement pour rendre obligatoire l’étiquetage de ces nouveaux repères canadiens, de mises en garde sur la santé et de renseignements nutritionnels.

Soulignons que les recommandations actuelles proposées par Éduc’alcool (10 ou 15 verres par semaine) proviennent d’une analyse menée par le CCDUS entre 2009 et 2011. À l’exception de Catherine Paradis, aucun scientifique québécois n’a siégé au comité d’experts qui a piloté le nouveau rapport.

Réactions partagées

Directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal, le DMartin Juneau siège au comité scientifique « indépendant et bénévole » d’Éduc’alcool. Il est vrai, dit-il, qu’on banalise la consommation d’alcool au Québec et que bien des Québécois boivent trop. Boire une bouteille de vin à deux, tous les soirs, « c’est trop ».

« Là où je ne suis pas d’accord avec la nouvelle recommandation, c’est que pour eux, la seule consommation correcte, c’est zéro », dit le DJuneau. Selon sa lecture de la littérature scientifique, même la plus récente, il existe un effet protecteur associé à une faible consommation de vin pour les maladies cardiovasculaires.

« Si on prend les consommateurs de vin par quintile, du moins gros buveur au plus gros, il y a un effet protecteur du vin qu’on ne voit pas avec les spiritueux et la bière », dit le DJuneau, selon qui la fenêtre est « étroite » : un verre par jour, maximum deux.

Le DJuneau se questionne aussi sur l’effet de ces nouveaux repères d’un point de vue de santé publique.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le DMartin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal

Un à deux verres par semaine ? Écoutez, personne ne va écouter ça.

Le DMartin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal

Le cardiologue souligne que les conseils en matière de consommation d’alcool devraient varier d’une personne à l’autre, chaque cas étant différent.

Le DRéal Morin, médecin spécialiste en santé publique et en médecine préventive à l’Institut national de santé publique, voit pour sa part dans le rapport du groupe d’experts du CCDUS un travail rigoureux.

« C’est un rapport produit par des chercheurs de haut niveau, des scientifiques très qualifiés, qui ont fait un travail très approfondi, dit-il. Nous allons certainement nous appuyer sur ces travaux pour réfléchir à nos propres dossiers sur l’alcool et la santé publique. »

L’alcool est un facteur de risque, rappelle le DMorin, et sa portée est mal connue de la population. Selon lui, le rapport réfute cette idée selon laquelle l’alcool peut être bon pour la santé. « Non, l’alcool n’est jamais bon pour la santé », dit le DRéal Morin, qui accorde crédit aux scientifiques qui remettent en question l’effet protecteur de l’alcool. « Le moins est toujours mieux, dit-il. C’est quelque chose d’important à savoir pour le public. »

Éduc’alcool n’a pas souhaité commenter les conclusions du rapport, mardi, préférant d’abord analyser le contenu du projet d’actualisation avec ses conseillers scientifiques.

Appel à tous

Avez-vous l’intention de vous limiter à six consommations d’alcool par semaine ou moins pour limiter les risques pour la santé ?

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  • 60 %
    Portion des Canadiens qui consomment six verres ou moins par semaine
    Source : Statistique Canada