(Québec) Oui à un élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes inaptes, comme celles souffrant d’alzheimer, mais pas pour les personnes dont le seul problème médical est un trouble mental, tranche une commission transpartisane.

Dans son rapport très attendu, déposé à l’Assemblée nationale mercredi, cette commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie recommande qu’« une personne majeure et apte puisse faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir à la suite d’un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l’inaptitude », comme un trouble neurocognitif.

« Nous croyons que la société québécoise non seulement souhaite mais est prête pour la mise en place de la demande anticipée d’aide médicale à mourir. Avec la proposition, c’est une véritable avancée que nous mettons de l’avant, et à nouveau le Québec est précurseur sur la voie du respect de la personne malade et de ses volontés », a soutenu la députée péquiste et marraine de la Loi concernant les soins de fin de vie Véronique Hivon, entourée des autres membres de la commission spéciale réunissant tous les partis.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La députée péquiste et marraine de la Loi concernant les soins de fin de vie Véronique Hivon

La commission propose un encadrement à cet accès élargi à l’aide médicale à mourir. Seule une personne ayant reçu un diagnostic de maladie grave et incurable qui entraînera son inaptitude pourrait formuler une demande anticipée. Un adulte en parfaite santé ne pourrait pas en faire une en prévision d’une inaptitude éventuelle à la suite d’un accident, par exemple.

Lors de la rédaction d’une telle demande anticipée, le médecin devrait s’assurer « du caractère libre » et « éclairé » de la décision de la personne, sans pressions extérieures. La personne pourrait modifier la demande tant qu’elle est apte. Elle devrait « désigner un tiers de confiance chargé de faire connaître sa demande anticipée d’aide médicale à mourir et de réclamer en son nom le traitement de la demande au moment opportun ». En l’absence d’un tiers de confiance ou en cas d’empêchement, il faut que « la responsabilité de protéger la volonté du patient et d’agir soit assumée par un membre de l’équipe de soins ».

Toujours selon les recommandations de la commission, « lorsque le tiers de confiance dépose la requête sur la demande anticipée », le médecin doit examiner « les deux, la requête et la demande anticipée, les prend en considération et y donne suite sans délai ».

Avant d’administrer l’aide médicale à mourir, le médecin doit s’assurer que la personne respecte certains critères, comme avoir « des souffrances physiques ou psychiques, y compris existentielles, constantes, insupportables [ne pouvant] être apaisées dans des conditions jugées tolérables ».

Un rapport d’experts remis au gouvernement en 2019 avait recommandé d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes inaptes, comme celles souffrant d’alzheimer, à certaines conditions. Les membres de la commission spéciale vont donc dans le même sens au terme de leurs vastes consultations publiques.

« Nous avons pu constater une mobilisation significative en faveur de cette mesure. Les principaux ordres professionnels du secteur de la santé, comme le Collège des médecins et l’Ordre des infirmières et infirmiers, se montrent favorables à cette idée. L’appui à la demande anticipée semble aussi fort au sein de la population », a affirmé Vincent Marissal, de Québec solidaire.

Un projet de loi « le plus tôt possible »

En vertu de la Loi sur les soins de fin de vie adoptée en 2014, seule une personne apte à donner son consentement, qui a une maladie incurable et dont le déclin est avancé et irréversible, peut obtenir l’aide médicale à mourir. Une personne souffrant d’alzheimer ou de démence qui se retrouve dans la même situation ne peut l’obtenir en ce moment parce qu’elle est inapte à exprimer son consentement. La commission spéciale, lancée à la fin de 2019, avait reçu le mandat d’étudier cet enjeu et de faire des recommandations.

Elle rejette toutefois l’idée d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental. « Il n’existe pas un consensus parmi les professionnels de la santé quant à l’incurabilité des troubles mentaux, pas plus sur le caractère irréversible de ceux-ci. Or, ces critères font partie des balises fondamentales de la loi actuelle. Les doutes qui persistent sur l’évaluation de ces deux critères nous incitent à faire preuve d’une grande prudence », a expliqué le député libéral David Birnbaum.

Pour Véronique Hivon, cette décision fait la preuve que « le but n’est pas d’ouvrir toujours plus, toujours plus grand, mais d’ouvrir ce qui est juste pour le respect de la personne tout en protégeant les personnes vulnérables ».

Comme l’a indiqué sa présidente, la caquiste Nancy Guillemette, la commission spéciale réclame que le gouvernement dépose « le plus tôt possible » un projet de loi dans le sens de ses recommandations.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, dit prendre connaissance du rapport « avec grand intérêt, afin de tirer les conclusions nécessaires quant à l’élargissement de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir, de manière cohérente avec les valeurs des Québécoises et des Québécois et les enjeux éthiques soulevés par ces questions ». C’est un son de cloche favorable.

77

Nombre de groupes et de personnes entendus lors des audiences publiques de la commission

3421

Nombre de personnes qui ont répondu au questionnaire en ligne de la commission