(Montréal) En pleine pénurie de préposés aux bénéficiaires, Québec s’apprête à mettre fin à une prime de 180 $ qui leur est versée lorsqu’ils travaillent en CHSLD, a appris La Presse canadienne.

En plus de ces préposés aux bénéficiaires, la mesure touchera également des ouvriers spécialisés qui travaillent dans le secteur public — électriciens, plombiers — qui vont aussi perdre, après la fin des conventions collectives le 30 mars, une prime qui leur est accordée par Québec.

L’interruption de ces primes touchera aussi deux autres catégories de travailleurs : les psychologues, ainsi que les travailleurs qui œuvrent auprès des clientèles qui ont des troubles graves du comportement (centres jeunesse, services liés à la toxicomanie).

Ces primes avaient été instaurées par le biais de lettres d’entente, lors de la négociation des conventions collectives 2015-2020, parce qu’il y avait pénurie dans ces métiers et professions. Or, la pénurie s’est pourtant aggravée depuis que les négociations avaient eu lieu entre les parties en 2015-2016.

« En beau joual vert »

En entrevue mercredi, le président de la FTQ, Daniel Boyer, était outré de l’attitude du gouvernement Legault. « Il a trouvé la bonne façon de mobiliser nos membres. Nos membres vont être en beau “joual vert”. Ceux qui recevaient ces primes-là et qui, le 1er avril prochain, ne les recevront plus, qu’est-ce que vous pensez qu’ils vont faire ? » a tonné M. Boyer.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Daniel Boyer

Un préposé aux bénéficiaires touche une prime de 180 $ par bloc de 750 heures s’il travaille dans un Centre d’hébergement et de soins de longue durée. Le salaire horaire y est de 20,55 $ au premier échelon et de 22,35 $ au cinquième et dernier échelon.

Pourtant, Québec offre même des bourses de 7500 $ pour convaincre des gens d’étudier pour devenir préposé. Et on recrute même à l’étranger pour en trouver. Et le premier ministre François Legault lui-même a déjà affirmé qu’il voulait accorder des augmentations de salaire plus élevées aux préposés aux bénéficiaires qu’aux autres employés de l’État, parce qu’il s’agit d’un métier difficile et qu’il y a pénurie, particulièrement en CHSLD.

Réplique du gouvernement

En réplique, une source gouvernementale a assuré que dans le cas des préposés aux bénéficiaires, « il y a des discussions présentement pour permettre de trouver une solution pour qu’elles continuent à être versées après le 30 mars ».

Cette source assure qu’« on veut donner plus aux préposés » mais que, pour ce faire, il faut que les syndicats s’assoient aux tables et négocient.

Interrogée à ce sujet à Montréal, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a limité ses commentaires : « actuellement, il y a des négociations collectives qui se passent et on garde l’orientation de valoriser le travail des préposés aux bénéficiaires ».

Les ouvriers

Pour les ouvriers spécialisés, la prime est de 10 %. Selon l’échelle de rémunération du Conseil du trésor, le taux horaire d’un électricien dans une commission scolaire est de 24,76 $ l’heure, celui d’un électricien classe principale de 26,83 $.

« L’électricien qui avait 10 % de son salaire (en prime) et qui ne l’aura plus le 1er avril, qu’est-ce que vous pensez qu’il va lui arriver ? 10 % du salaire, ce n’est quand même pas rien ! Il va être en beau “joual vert” ! Et si on lui offre une job à 5, 6, 7 ou 10 $ de l’heure de plus dans la construction, ça se peut qu’il aille se faire voir là », a prévenu M. Boyer.

Le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec fait valoir que la décision du gouvernement est d’autant plus étonnante que dans le cas des ouvriers spécialisés, il y avait même consensus pour maintenir ces primes après la fin des conventions collectives, le 30 mars.

M. Boyer appréhende même des départs, puisqu’il existe en plus un écart de rémunération important face au privé dans ces métiers et professions. « Y mettre fin de façon draconienne au 31 mars prochain, bien on se tire dans le pied. Ceux qui avaient l’intention de partir vont avoir encore plus l’intention de partir », a-t-il prévenu.

En plus de ces primes pour ces quatre métiers et professions en pénurie, la CSN a fait savoir qu’une autre prime va prendre fin à la même date : cette fois pour les travailleurs dans le Grand Nord. Dans leur cas, la prime varie de 5000 $ à 12 000 $ par salarié.