Une nouvelle ligne de fracture se dessine entre Québec et Ottawa. Cette fois, c'est l'intention du fédéral d'aller de l'avant avec un régime pancanadien d'assurance-médicaments qui alimente les tensions.

La ministre québécoise de la Santé, Danielle McCann, a lancé un avertissement très clair, mercredi.

« Si le gouvernement fédéral va plus loin avec un programme d'assurance-médicaments, on peut penser qu'on va utiliser notre droit de retrait avec compensation complète pour notre dossier », a-t-elle lancé en mêlée de presse.

« Ce serait certainement une avenue qu'on pourrait prendre. Nous avons un bon système d'assurance-médicaments au Québec, un modèle, il fonctionne bien et dans ce sens-là, nous allons vouloir le défendre », a ajouté Mme McCann.

Et par ailleurs, « l'assurance-médicaments, c'est un champ de compétence du Québec », et « pour nous, ce sera important que ce principe-là soit vraiment maintenu », a fait valoir la ministre à l'Assemblée nationale.

Sur l'autre colline, à Ottawa, le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, ne semblait pas voir les choses du même oeil.

« Je ne partage pas cette opinion-là. [...] On va avoir des discussions », a-t-il signalé en mêlée de presse lorsqu'on a soulevé la question de l'empiètement sur le champ de compétence du Québec en matière d'assurance-médicaments.

Informé de la sortie de la ministre McCann, un peu plus tard, le ministre LeBlanc n'a pas voulu dire à La Presse canadienne si le fédéral accepterait que Québec se prévale de son droit de retrait avec pleine compensation.

Le ministre Marc Garneau, pour sa part, a cherché à tempérer les ardeurs. « On reconnaît et on respecte toujours la compétence du Québec sur l'assurance-médicaments. Ça, c'est toujours de mise pour nous », offrait-il en sortant de la réunion du caucus.

Dans le camp néo-démocrate, on a semblé procéder à un ajustement de stratégie. Le parti réclame depuis des semaines un régime d'assurance-médicaments national et public, mais mercredi, son chef Jagmeet Singh a dit que Québec peut ne pas embarquer si tel est son désir.

« Oui, absolument, c'est leur droit. Mais c'est notre travail comme néo-démocrates de montrer qu'on a un chemin à suivre, où on peut réduire les coûts pour tous les Canadiens, incluant les Québécois », a-t-il soutenu en point de presse après la rencontre de son caucus.

Le plan fédéral

Dans le budget qu'il a déposé mardi, le gouvernement de Justin Trudeau a posé le premier jalon de la mise sur pied d'un régime national d'assurance-médicaments. Les libéraux disent attendre le dépôt d'un rapport final sur cette question, au printemps, avant de s'avancer davantage.

Le budget fédéral fait toutefois état de « trois éléments fondateurs du régime national », dont la création de l'Agence canadienne des médicaments. Une somme de 35 millions sur quatre ans, à compter de 2019-2020, a été mise de côté à cette fin.

La facture associée à ce qui constituerait un vaste chantier n'est cependant pas dans le budget 2019, le dernier avant la campagne électorale.

Le budget évoque aussi un « formulaire national », une liste complète des médicaments sur ordonnance reconnus, qui serait élaborée par la future agence et permettrait une certaine uniformité entre les provinces quant à l'inscription des médicaments sur la liste.

Le troisième pivot consiste en une Stratégie nationale pour les médicaments coûteux pour le traitement des maladies rares. Pour ces médicaments plus coûteux, le budget alloue 1 milliard sur deux ans, à compter de 2022-2023, puis 500 millions par année par la suite.

La FTQ réagit

Du côté de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), on a mal digéré les propos de la ministre McCann.

« C'est faux de prétendre que le régime actuel fonctionne bien. Nous avons besoin d'un régime public et universel », a réagi mercredi par voie de communiqué le président de la centrale syndicale, Daniel Boyer.

« C'est pour cela que, depuis plusieurs mois, nous sommes en campagne pour réclamer du gouvernement du Québec - et aussi du gouvernement canadien - l'implantation d'un véritable régime d'assurance médicaments public et universel », a-t-il ajouté.

Selon la FTQ, près de 10 % de la population québécoise « n'est pas en mesure de se payer ses médicaments d'ordonnance en raison des coûts ».