Après six ans à la Fondation CHU Sainte-Justine, Michael Fortier cède son fauteuil de président du conseil. Et il fait don de 1 million de dollars. Le financier raconte son cheminement et le « grand éveil » des Québécois à la philanthropie.

Une reconnaissance

« Ce n'est pas un hôpital comme les autres, dit Michael Fortier. C'est un bijou. » Sainte-Justine soigne les enfants, fait de la recherche de pointe et forme la grande majorité des pédiatres au Québec. « Tous les cas problématiques, à peu d'exceptions près, que ce soit en traumatologie, en cardiologie ou autres, y passent, ajoute-t-il. Ils sont traités par des médecins de réputation mondiale. Alors que des chercheurs renommés s'activent à découvrir de nouveaux traitements. » C'est en reconnaissance de tout ce travail que le vice-président du conseil de RBC Marchés des capitaux apporte sa contribution.

Hommage à sa mère 

Une plaque au nom de Teresa Martin et de la famille Fortier soulignera le don. Elle sera dévoilée le 20 novembre dans le parc pour enfants, devant l'entrée principale. « Je veux honorer la mémoire de ma mère », dit l'ex-ministre fédéral. Cette femme hors du commun, anglophone d'origine irlandaise, a eu le souci du partage toute sa vie. « Même si on était une famille modeste de six enfants, elle donnait des denrées et des vêtements aux gens dans le besoin, dit-il. Déterminée, elle nous amenait avec elle. Si elle était née 40 ans plus tard, elle aurait été chef d'entreprise ou politicienne. »

Un mentor en philanthropie 

Une autre personne a influencé son engagement. « J'avais l'exemple de ma mère, poursuit-il, mais Pierre Boivin a été le déclencheur. Il est très généreux. Il donne tellement de son temps et de son argent, par altruisme, sans rien demander en retour. » Du coup, Michael Fortier a été emporté par osmose. « À côtoyer un gars comme lui, ajoute-t-il, tu réalises à quel point tu dois t'impliquer à ton tour. » C'est pourquoi il a accepté l'offre du président de Claridge. Il l'a remplacé, à partir de septembre 2012, au poste de président du conseil de la fondation.

Le goût de s'engager 

Arrivé en poste, il amorce une réflexion avec sa conjointe Michelle Setlakwe. « On se pensait généreux parce qu'on donnait ici et là, dit-il. Mais on ne l'était pas. » À voir les médecins, les infirmières et les chercheurs se dévouer pour guérir ou sauver des enfants, la famille décide alors de faire plus. « Il ne faut pas être pauvre pour donner 1 million, précise-t-il. Mais je ne suis pas, non plus, hyper riche comme le sont les grandes familles d'entrepreneurs. » Le couple établit une règle : donner autant que possible. « Les enfants nous appuient dans cette décision », précise-t-il.

Une étape excitante

Cette prise de conscience se réalise aussi en marge d'une nouvelle tendance. Au cours de ses deux mandats à la présidence du conseil, Michael Fortier a constaté une transformation dans le monde philanthropique au Québec. « On vit une étape super excitante, dit-il. Il s'est créé de la richesse au Québec depuis 15 ans. Et il y a de plus en plus de gens qui réalisent que leurs sous peuvent faire une grande différence. » Cela se traduit par des annonces plus fréquentes de dons importants. « Le potentiel est là », dit-il. À cet éveil des donateurs, il en voit un deuxième.

Un double éveil

« C'est l'éveil de l'industrie philanthropique qui adapte ses façons de faire », explique-t-il. Oui, le publipostage, les courriels et les événements caritatifs demeurent, car ils font leurs preuves. Mais l'univers québécois de la collecte de fonds prend un virage plus proactif. « Depuis quelques années, les fondations se sont organisées pour identifier les donateurs potentiels », dit-il. Elles utilisent leurs réseaux et les technologies pour aller au-devant d'eux. Elles s'équipent pour savoir, par exemple, qui a vendu, contre 45 millions, une entreprise dans Lanaudière. Et lui offrir un encadrement pour un don, selon ses goûts : santé, éducation, culture, etc.

Protéger Sainte-Justine

Cette approche a été utilisée lors de la dernière campagne record de 255 millions de la Fondation CHU Sainte-Justine. Tout ça pendant les mesures d'austérité imposées, à l'époque, par l'ex-ministre Gaétan Barrette. Et au moment où l'État a des moyens limités. « Dieu merci, la Fondation est venue en aide à l'hôpital, lance l'ex-président du conseil. Mais il y a des limites à ce qu'elle peut faire. » Michael Fortier espère donc que le gouvernement Legault « ne sera jamais dans la position de faire de coupes » en santé. Et qu'il respectera, « lui », le fait que Sainte-Justine n'est pas un hôpital comme les autres...