Les mères porteuses pourraient être compensées pour les heures de travail manquées en raison de leur grossesse. Cette mesure ouvre la porte aux dérives de la marchandisation du corps de la femme, selon le regroupement Pour les droits des femmes du Québec (PDF).

« Pour moi, c'est de la pure hypocrisie, s'est indignée la présidente du groupe, Diane Guilbault. On ne le fait pas explicitement, mais éventuellement ils vont le faire. »

Santé Canada a émis un projet de règlement vendredi après-midi pour clarifier les dépenses remboursables encourues par ces femmes pour la première fois depuis l'adoption de la Loi sur la procréation assistée en 2004. Une consultation sera en cours jusqu'au 10 janvier 2019. La rémunération des mères porteuses est interdite au pays, mais pas le remboursement de leurs frais durant la grossesse.

Ces modifications sont suggérées alors qu'un projet de loi d'initiative parlementaire du député libéral montréalais Anthony Housefather est devant la Chambre des communes pour décriminaliser les grossesses rémunérées. PDF Québec et le Conseil du statut de la femme s'opposent à la rétribution des mères porteuses. Le gouvernement du Québec s'était également opposé au projet de loi en mai pour les mêmes raisons.

« On nous vend un projet altruiste, alors que c'est une grosse "business" », a remarqué Mme Guilbault.

« La journée où il y aura des femmes de ministres qui feront ça pour des femmes d'un quartier défavorisé, je pourrai croire à l'altruisme, a-t-elle ajouté. Mais actuellement ce qu'on voit, ce sont toujours des femmes qui sont en situation d'infériorité par rapport aux commanditaires et aux agences. »

Elle critique le fait que les couples qui font appel à des mères porteuses peuvent avoir un droit de regard sur plusieurs aspects de leur vie privée, comme la fréquence de leurs relations sexuelles.

Dans une séance d'information technique pour les journalistes, un fonctionnaire a expliqué que Santé Canada n'ouvrait pas la porte à la rémunération des mères porteuses puisqu'elle demeure illégale en vertu de la loi actuelle. Il s'agit « d'un remboursement et non d'un paiement », a-t-il dit. L'absence du travail d'une mère porteuse pour des raisons de santé devra être justifiée par un médecin.

Les femmes qui décident de porter un enfant pour un autre couple pourront également se faire rembourser leurs frais juridiques, leurs frais de déplacement et leurs vêtements de maternité. Elles devront fournir une preuve documentaire, mais un plafond de dépenses n'est pas précisé dans le règlement.

Pour le député Housefather, cette liste n'est pas la solution au problème des couples hétérosexuels infertiles ou homosexuels qui désirent avoir un enfant.

La loi actuelle s'appuie sur des constats datant de la fin des années 1980, a-t-il fait valoir, lorsque le gouvernement de Brian Mulroney avait créé la Commission royale sur les nouvelles technologies de reproduction.

« On a dépassé ce stade, a-t-il dit en entrevue. Il faut décriminaliser. Les gens ne devraient pas aller en prison pour avoir payé une mère porteuse. Ça se fait déjà indirectement par l'entremise des États-Unis. »

Le premier ministre Justin Trudeau avait affirmé en avril que la réflexion sur cet enjeu était nécessaire. « C'est une réflexion que nous devons avoir en tant que société », avait-il déclaré.

Santé Canada indique dans les documents remis aux médias vendredi qu'il examinera la loi « pour déterminer si des modifications législatives sont nécessaires », ce qui inclut une « étude approfondie de la question » et « une vaste consultation auprès des Canadiens ».

Le projet de règlement de Santé Canada ouvre également la porte aux dons anonymes de sperme d'hommes homosexuels ou bisexuels. Les donneurs masculins qui ont eu des relations sexuelles avec d'autres hommes étaient exclus à vie. Ils devraient s'abstenir d'avoir des relations sexuelles six mois avant leur don.