Laurent V. Joli-Coeur, 15 ans, a remporté le prix du meilleur projet de la 51e Expo-sciences pancanadienne. L'élève de troisième secondaire, du Collège Jean-de-Brébeuf de Montréal, a réussi à prouver scientifiquement que la planète Jupiter projetait une ombre perceptible. Pour ce faire, il a lui-même conçu un instrument inspiré du cadran solaire, dans lequel, il a glissé un appareil photo. Selon les lecteurs du populaire magazine scientifique Discover, il serait le tout premier astronome à avoir photographié l'ombre jovienne (causée par la lumière de Jupiter). Pour cet exploit, La Presse et Radio-Canada nomment Laurent V. Joli-Coeur Personnalité de la semaine.

Au moment de l'entrevue, Laurent V. Joli-Coeur revenait tout juste de Toronto. Le passionné d'astrophotographie s'y était rendu pour prendre des centaines de clichés du transit de Vénus (lorsque cette dernière passe devant le Soleil), un événement qu'il ne voulait absolument pas manquer. «Le prochain aura lieu en 2117, dans 105 ans. Je ne crois pas que je serai encore en vie, quoique... on ne sait jamais.»

Mordu de robotique, de physique et surtout d'astronomie, le jeune prodige est très à l'aise en entrevue. Il éprouve beaucoup de plaisir à parler de son projet, baptisé La quête de l'ombre jovienne. «Tous les chercheurs aiment partager leurs découvertes», assure-t-il, ce qu'il fait sur son blogue www.youngastronomer.com.

Certains astres, comme le Soleil et la Lune, tout comme la Voie lactée, sont des sources lumineuses reconnues pour projeter des ombres perceptibles. Vénus figure sur cette liste très sélecte depuis peu. L'astronome britannique Peter Lawrence a réussi à prouver l'existence d'une ombre vénusienne, lors de travaux effectués en 2005. Avant cette expérience, personne n'avait réussi à démontrer qu'une planète pouvait projeter une ombre.

Il n'en fallait pas plus pour piquer la curiosité du jeune scientifique. Ces quatre objets sont-ils vraiment les seuls à créer des ombres? Qu'en est-il de Jupiter, cette immense planète gazeuse, avec son diamètre 11 fois plus grand que celui de la Terre? Ainsi, l'astronome en herbe s'est-il engagé dans une recherche et a trouvé quelques rapports, dont un datant de 1905, qui mentionne une observation de l'ombre jovienne, mais sans plus. L'élève émérite s'est donc mis en tête, non seulement de prouver l'existence de l'ombre de Jupiter, mais aussi de la photographier.

Un cadran jovien

Son projet lui demandera presque une année entière, en comptant la recherche, la préparation, la collecte des données et leur analyse. Plusieurs mois ont été consacrés à l'élaboration et à la fabrication de son «cadran jovien». Avec l'aide de son mentor, Sébastien Gauthier, fondateur d'une boîte de communication scientifique, le jeune inventeur a réalisé une sorte de cadran solaire modifié, fixé sur une monture afin de compenser la rotation de la Terre. Une vis y fait figure de gnomon (l'objet projetant l'ombre sur un cadran solaire) et un appareil Nikon prend des photos. «Mon appareil pèse près de 100 livres en tout et nécessite deux heures et demie pour l'installation», ajoute-t-il.

Dès qu'il aborde cette nuit où l'expérience a eu lieu, au mont Mégantic pour s'éloigner de la pollution lumineuse, on imagine tout de suite Laurent entouré d'astronomes réputés, tout près de la célèbre coupole qui abrite le télescope. Mais la réalité est tout autre. «J'étais dans un champ, tout seul, avec mon père qui était revenu de Chine, la veille. Après avoir tenté de rester éveillé en chantant des chansons du groupe Coldplay à tue-tête, il a passé une bonne partie de la nuit à dormir dans la voiture pendant que je travaillais.»

Questionné sur son niveau de stress, le chercheur de 15 ans avoue que c'est le facteur temps qui l'a rendu le plus nerveux. «En tenant compte de la luminosité de Jupiter, j'avais une fenêtre de deux semaines, qui se terminait le 3 novembre 2011, pour effectuer mon expérience. J'ai réalisé mes recherches dans la nuit du premier du mois, presque à la toute fin de la période où la luminosité était la plus forte.» À l'aube, après une nuit d'expérimentation et de correction d'alignement, le jeune homme aura finalement réussi à prendre trois clichés montrant, avec succès, son gnomon (la vis) avec une ombre projetée par la lumière de l'immense planète gazeuse.

Le brillant élève, déjà primé en 2010 par le Royal Observatory of Greenwich (2e du Young Astronomy Photographer of the Year) et en 2011 par la Fédération des astronomes amateurs du Québec (prix Les Pléiades), venait ainsi de faire sa première contribution à l'astronomie et au monde de la science. Depuis, sa découverte ne cesse de lui rapporter des prix, comme cette bourse de 10 000$ rattachée à la mention du meilleur projet de l'Expo-sciences pancanadienne.

Bien qu'il investisse un pourcentage de sa bourse dans l'achat de matériel pour ses expérimentations, c'est à ses études supérieures qu'il compte réserver la plus grosse part de la somme.

Il a d'ailleurs été accepté, dès septembre, à la Phillips Academy, école privée très réputée de la région de Boston. Le jeune homme, polyglotte, maîtrise déjà à la perfection le français, l'anglais et le latin. Pour la suite des choses, Laurent V. Joli-Coeur est torturé. «Plusieurs disciplines me passionnent et je trouve qu'il est embêtant de devoir choisir.» Puisqu'il adore aussi manier l'épée dans ses temps libres, il avoue qu'un duel est à prévoir entre l'astronomie et l'architecture.