Le coeur est quelque chose d'important pour Jean-Pierre Senécal. Le sien est à la fois abîmé - il a subi une opération délicate il y a 20 ans - et généreux. Car après être passé sous le bistouri, M. Senécal a fait des années de bénévolat à l'Institut de cardiologie de Montréal. À l'aube de ses 79 ans, il tire sa révérence.

Jean-Pierre Senécal avait 58 ans lorsqu'il a fait un infarctus du myocarde. Il a dû subir un triple pontage, et on lui a installé une valve mécanique. C'était en 1991. Aujourd'hui, il est non seulement encore en vie, mais il a également aidé des milliers de patients à passer au travers d'une épreuve similaire. Pour souligner ses années de bénévolat, La Presse et Radio-Canada nomment Jean-Pierre Senécal Personnalité de la semaine.

Un programme de parrainage

C'est lors d'une visite de routine à l'Institut de cardiologie de Montréal, quatre ans après son opération, que Jean-Pierre Senécal a appris l'existence d'un programme de parrainage. Le but: que des personnes ayant été opérées au coeur apportent leur soutien à celles qui le sont à leur tour. À l'époque, M. Senécal venait de prendre sa retraite. Il n'a pas hésité une seconde. «Rendre service aux autres, ça fait partie de moi», affirme-t-il.

C'est ainsi que pendant 15 ans, M. Senécal s'est rendu à l'Institut de cardiologie un soir par semaine, parfois deux, pour rencontrer des patients. Certains devaient être opérés le lendemain, d'autres l'avaient été trois jours auparavant. Tous étaient anxieux et appréciaient les conseils d'un ex-opéré. «C'est inquiétant, une opération comme ça, dit M. Senécal. Ils étaient contents de voir quelqu'un qui s'en était sorti, qui avait continué à vieillir...»

Fait cocasse, les patients l'ont parfois confondu avec le curé venu donner les derniers sacrements. «Très souvent, ils me prenaient pour l'aumônier. J'étais le seul qui ne portait pas de chemise blanche!»

Dans son travail, Jean-Pierre Senécal s'intéressait à la dimension humaine des patients. «Les médecins s'occupaient du pedigree médical, et moi, du pedigree social, explique-t-il. Je leur demandais, par exemple, ce qu'ils faisaient dans la vie.»

Mais même s'il ne passait qu'une quinzaine de minutes avec chaque patient, la tâche s'avérait éreintante et ses séances à l'Institut de cardiologie le laissaient vidé. «Ça n'a l'air de rien, mais à la fin de la soirée, j'étais au coton», dit-il. Il lui est même arrivé d'assister à la mort d'un patient. «On est obligé de se faire une carapace.»

Dans les bonnes années, il pouvait rencontrer jusqu'à 15 personnes par soir. En tout, quelque 7500 patients ont bénéficié de ses conseils, en grande majorité des hommes. A-t-il gardé contact avec certains d'entre eux? «Non. Ça ne faisait pas partie du mandat», affirme-t-il.

Parmi la poignée de bénévoles, c'était lui le vétéran. «J'étais le plus vieux en âge, mais pas nécessairement en sagesse, par contre!»

Aider un jour...

Psychoéducateur de formation, Jean-Pierre Senécal a travaillé pendant presque 40 ans avec des enfants, notamment à la Protection de la jeunesse. Son bénévolat à l'Institut de cardiologie lui a permis de changer de clientèle. «J'avais le goût d'aller auprès des adultes. Parce que j'avais donné, pour les enfants.»

«Pour moi, le bénévolat, ça me tenait plus qu'occupé, poursuit-il. Ça comblait quelque chose, c'était un besoin chez moi.» Son action bénévole s'est étendue bien au-delà des frontières de l'Institut de cardiologie. Il a notamment accompagné des cancéreux en phase terminale et fait partie de plusieurs conseils d'administration.

Jean-Pierre Senécal aura 79 ans à l'automne. Il est fatigué et a besoin de se reposer. «La motivation, ce n'est pas quelque chose qui s'achète à la pharmacie. Je sentais que je n'avais plus l'enthousiasme de mes 20 ans.»

Il a donc mis fin à toutes ses activités de bénévolat. Mais après ces nombreuses années, il arrête avec le sentiment du devoir accompli. «Pas de regrets, pas de nostalgie», affirme-t-il. Le coeur léger.

Le bénévolat, ça me tenait plus qu'occupé. Ça comblait quelque chose, c'était un besoin chez moi.