Les progrès en génétique ont été spectaculaires depuis quelques années. Cependant, il reste de nombreuses voies inexplorées qui fascinent les chercheurs, notamment Philippe Gros. Ses découvertes lui ont valu en 2008 l'un des Prix du Québec: le prix Wilder-Penfield. Il y a quelques mois, il a aussi remporté le prestigieux prix Killam dans la catégorie Sciences de la santé, assorti d'une bourse de 100 000$.

Philippe Gros est l'un des chercheurs principaux du Complexe des sciences de la vie de l'Université McGill, inauguré l'an dernier. Il est à la tête du Groupe des caractéristiques complexes. Avec son équipe, il se penche sur l'interaction entre les facteurs environnementaux et les gènes qui prédisposent aux maladies. Il est également professeur titulaire au département de biochimie de la même université.

 

Pour souligner l'apport remarquable de Philippe Gros à la compréhension de la santé humaine, La Presse et Radio-Canada le nomment Personnalité de la semaine.

Faire une différence

De nombreuses maladies infectieuses accablent encore des populations entières sur la Terre. Elles sont à l'origine de 17 millions de morts par année. «La malaria, par exemple, est hyper endémique et tue entre 1 et 2 millions de personnes par année, dont une majorité d'enfants. On en parle peu», souligne le chercheur. Et il faudrait ajouter la tuberculose et la lèpre, qui font toujours des ravages.

Les recherches sur les anomalies génétiques qu'il a menées en collaboration avec des chercheurs italiens ont permis des découvertes importantes sur le spina-bifida. Il faut rappeler qu'un enfant sur 1000 naît avec cette malformation congénitale grave. On en connaît maintenant les facteurs génétiques. Le diagnostic sera raffiné, de même que l'évaluation des risques.

Philippe Gros s'intéresse également à la résistance aux médicaments. Pourquoi deux personnes atteintes d'un cancer réagissent-elles différemment aux médicaments anticancer? Philippe Gros a publié en 1986 le résultat de ses recherches, qui ont mené à la découverte d'un gène qui cause cette résistance. «Une composante génétique intrinsèque, forte ou faible, différencie les individus», précise-t-il.

Alors il continue de chercher, notamment à partir de modèles génétiques de la souris. Plus de 25 années de recherche ont fait de lui le chef de file mondial de l'application de modèles de souris aux découvertes génétiques chez l'humain.

«La recherche en laboratoire est un travail d'équipe essentiellement. On devient interactifs entre étudiants et autres chercheurs.» Bien sûr, il faut un directeur. Une impulsion à donner. À propos du genre de leadership qu'il exerce, il tente une réponse: «Je suis une personne dynamique, très concentrée. J'aime interagir avec d'autres chercheurs. À la suite d'un échec, mes étudiants ont quelquefois besoin d'être encouragés, remotivés.»

Un chercheur acharné

En résumé, l'important, c'est que tous rament dans la même direction.

En recherche scientifique comme dans les arts, souvent, tout commence par une belle et grande idée. Souvent une intuition. Le scientifique entend l'appel de l'infiniment petit et complexe et se penche là-dessus avec tout son savoir. Parvenir à déjouer un virus intelligent qui se modifie presque à volonté devient un défi extraordinaire.

Philippe Gros a fait des études en biochimie et en immunologie à l'Université de Montréal. Au moment du doctorat, il s'est dirigé vers l'Université McGill et y a rencontré un mentor important, un modèle, le professeur Emil Skamene. Déjà, la recherche en génétique moléculaire inspire l'étudiant, qui décide dès lors, avec une passion qui ne s'est jamais démentie, ce que sera sa vie professionnelle.

Il poursuit des études postdoctorales à l'Université Harvard et au Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Boston. En 1985, à peine âgé de 29 ans, il se joint à l'équipe professorale de l'Université McGill. Quand on le qualifie de génie précoce, il répond: «Non, j'ai eu une enfance simple et j'ai été un étudiant moyen.»

Natif de Cavaillon, petit village du sud de la France où son père enseignait, il est arrivé au Québec à 7 ans. Brillant élève bien qu'il s'en défende, il est entré à l'université à 16 ans! Il s'est rapidement adapté aux us et coutumes de son nouvel environnement en pratiquant le hockey, ce qu'il fait encore, du reste. «Je suis un fan des pages de sport du journal.»

Il est père de quatre enfants, qu'il ne cherche pas à influencer sur le plan carrière. Et quand il est en vacances en famille, il joue au hockey, à la balle molle, au golf, fait de la moto, reçoit ses amis... Il n'a pas le temps d'aller au cinéma.

Le plus joli film, il le tourne dans sa tête, au microscope: «Je suis sans cesse émerveillé par la beauté de la nature, par son charme, son élégance. Quand on y regarde de plus près, sa complexité et son harmonie sont de toute beauté.»

Je suis sans cesse émerveillé par la beauté de la nature, par son charme, son élégance. Quand on y regarde de plus près, sa complexité et son harmonie sont de toute beauté.