(Québec) Un photojournaliste qui attendait sur le trottoir la bonne luminosité afin de capter l’image parfaite du célèbre Château Frontenac a reçu un constat d’infraction de 230 $ pour flânage, en plus de finir menotté dans le fond d’un véhicule de patrouille de la police de Québec.

L’Association canadienne des journalistes (ACJ) se dit « consternée » par cet évènement et demande des excuses du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).

« Quand des choses comme ça se produisent dans un pays lointain, on se dit : “OK, ça peut arriver en Corée du Nord ou en Chine”, lâche le photojournaliste John Morris. Mais quand au Canada un policier remet à un citoyen un constat d’infraction alors qu’il prend simplement des photos dans l’espace public, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. »

Ce photographe de l’Île-du-Prince-Édouard était à Québec pour capter quelques clichés du Vieux-Québec. M. Morris produit à l’occasion des photos de presse pour Reuters, le Globe and Mail ou encore pour l’Agence QMI. Mais il réalise aussi des calendriers ou des casse-têtes avec ses plus belles photos. C’est précisément pour cela qu’il était à Québec mardi.

PHOTO FOURNIE PAR JOHN MORRIS

Le photographe attendait que les nuages recouvrent davantage le ciel près du Château Frontenac. Voici une de ses photos prises mardi.

L’homme s’est rendu en face du consulat des États-Unis sur un trottoir avec une vue plongeante sur le Château. « Je mettais en place une composition pour le Château Frontenac, mais il me manquait un peu de nuages dans la photo. Je savais qu’ils s’en venaient, et je devais simplement attendre », raconte M. Morris.

Soudainement, un agent de sécurité du consulat est venu le voir, selon la version que le photographe a donnée à La Presse. Celui-ci lui aurait dit qu’il n’avait pas le droit de prendre des photos ici.

Je lui ai répondu que c’était un trottoir, un espace public, et que j’avais le droit.

John Morris, à propos de l’agent de sécurité du consulat des États-Unis

Quelques minutes plus tard, des policiers du SPVQ sont arrivés. Le SPVQ confirme avoir reçu un appel mardi vers midi signalant « une personne suspecte près du consulat américain ». La porte-parole Sandra Dion ne peut toutefois dire d’où provenait l’appel et notamment s’il venait du consulat.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

John Morris était muni de son trépied et attendait la lumière parfaite quand des policiers l’ont arrêté.

« Une fois sur place, les policiers constatent une infraction en vertu du règlement municipal », explique Mme Dion, soit « avoir flâné, vagabondé ou dormi dans une rue ou un endroit public sans motif raisonnable ».

Menotté et fouillé

L’appareil photo de l’homme est pointé vers le Château. Il explique au policier qu’il attend le moment propice pour capter sa photo. « J’ai demandé : n’est-ce pas un trottoir public ? » Les policiers lui demandent de s’identifier. Il refuse et leur demande s’il est en état d’arrestation.

Quand j’ai vu où ça s’en allait, j’ai simplement dit aux policiers que j’allais commencer à filmer, ils m’ont dit de mettre les mains derrière mon dos.

John Morris, photographe

« À partir du moment où la personne est en infraction, elle doit s’identifier, et si la personne refuse, on doit l’arrêter pour l’identifier en vertu du Code de procédure pénal », explique Mme Dion.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DE JOHN MORRIS

Le constat d'infraction qui a été remis à John Morris

Questionnée quant à savoir si un photographe qui attend sur le trottoir est en infraction, en train de « flâner » et s’il doit recevoir un constat d’infraction, la porte-parole du SPVQ n’a pas voulu s’avancer. « Monsieur a droit à une défense pleine et entière », a dit Sandra Dion.

Le photographe a été menotté, fouillé et placé à l’arrière d’un véhicule de patrouille.

Ironiquement, c’est alors que j’étais dans le fond du VUS en train d’expliquer aux policiers mon métier de photographe que les nuages sont arrivés !

John Morris, photographe

L’homme a été relâché avec une contravention de 230 $ pour flânage. Il a déjà plaidé non coupable et entend défendre ses droits au tribunal.

« Au Canada, tant qu’on est dans l’espace public, on peut prendre des photos de ce qu’on veut », dit M. Morris. « Je suis 100 % certain que la police faisait ça parce que le consulat ne me voulait pas là. Le policier m’a dit à la fin que le consulat avait peur que je pointe mon objectif à l’intérieur du consulat. Mais mon objectif était un 55 mm, il est minuscule. »

« Et c’est un trottoir canadien, aux dernières nouvelles ! », lance l’homme.

« Scandaleux »

L’Association canadienne des journalistes estime que l’intervention policière contre M. Morris a dépassé les bornes.

« Le fait que M. Morris a été détenu, menotté et fouillé par la police parce que son objectif, qui n’était même pas muni de zoom, aurait prétendument pu voir à l’intérieur du consulat américain à Québec est scandaleux et défie les limites de la crédulité », s’insurge le président de l’ACJ, Brent Jolly.

« Nous espérons que la contravention de M. Morris pour “flânage sans motif” sera annulée et que des excuses seront faites pour le viol odieux de ses droits fondamentaux », ajoute M. Jolly.

Appelé à commenter la situation, le consulat des États-Unis à Québec n’avait pas répondu à La Presse au moment de publier.