Le gouvernement Legault ne ferme pas la porte à une transformation de l’autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain dans la capitale, comme l’exige d’un bloc le conseil municipal de Québec.

Ce qu’il faut savoir

  • L’autoroute Dufferin-Montmorency a été construite dans la controverse en 1978.
  • Elle permet de relier la Haute-Ville au pont de l’île d’Orléans, mais est sous-utilisée.
  • L’ouvrage installé sur les battures de Beauport remblayées bloque l’accès au fleuve.
  • Des groupes citoyens, de même que tous les élus de la Ville de Québec, demandent sa transformation en boulevard urbain.

Le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) est plutôt reconnu pour ses élargissements d’autoroutes qui ont fait l’objet de plusieurs annonces dans les dernières années. Mais dans le cas particulier de Dufferin-Montmorency, « les étoiles semblent alignées », selon les mots d’un expert.

Le cabinet de la ministre des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), Geneviève Guilbault, confirme que « des analyses sont en cours pour bien comprendre quels impacts des changements importants à ce tronçon d’autoroute apporteront, notamment sur le réseau local ».

Le ministre de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, a quant à lui récemment indiqué au Journal de Québec qu’il était en faveur de la transformation de cette autoroute en boulevard urbain.

Une demande d’accès à l’information a aussi permis d’obtenir un document sur Dufferin-Montmorency produit pour Mme Guilbault après les élections d’octobre 2022 et qui aborde la question d’un boulevard urbain.

Le document a été largement caviardé. Mais le porte-parole du MTMD, Nicolas Vigneault, confirme que « le projet fait l’objet de certaines réflexions et discussions au sein du Ministère ».

Ouvrir l’accès au fleuve

En quoi consisterait la transformation de l’autoroute ? Plusieurs groupes citoyens réclament que l’artère à six voies soit rétrécie et que la vitesse maximale de 100 km/h soit réduite.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’autoroute Dufferin-Montmorency, à Québec, avec en arrière-plan la Baie de Beauport.

Les partisans du boulevard urbain veulent décloisonner les quartiers environnants, ouvrir l’accès au fleuve et font valoir que l’autoroute construite dans la controverse en 1978 est nettement sous-utilisée.

« Ça fait des années qu’on en discute, mais là, je pense que les étoiles semblent alignées », indique Jean Dubé, professeur titulaire à l’Université Laval et coauteur du livre Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec ?

Selon lui, un consensus se dessine dans la capitale en faveur du projet qui n’a certainement pas échappé au gouvernement de la CAQ.

En plus, avec le succès de la troisième phase de la promenade Samuel-De Champlain, plusieurs citoyens s’attendent à une quatrième phase dans l’Est. Et c’est difficile de voir comment on pourrait redonner accès au fleuve en maintenant l’autoroute telle quelle.

Jean Dubé, professeur titulaire à l’Université Laval

Il sera intéressant de voir si le gouvernement Legault ira de l’avant avec ce projet. Dans le passé, ses ministres ont souvent insisté sur la nécessité d’élargir des autoroutes. L’ancien ministre des Transports, François Bonnardel, avait annoncé en 2020 la mise en place de plusieurs voies réservées dans la région métropolitaine. Mais ces voies devaient être ajoutées aux axes routiers, et non désignées parmi celles existantes.

CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES LA PRESSE

L’actuel ministre de la Sécurité publique et ancien ministre des Transports, François Bonnardel

« Il n’est pas question pour moi de vol de voies. C’est un ajout que je souhaite avoir, donc de nouvelles voies dédiées », avait dit M. Bonnardel.

Québec ignore la capacité de son autoroute

Les partisans du boulevard urbain, comme la Table citoyenne Littoral Est, estiment que cette autoroute est d’autant désignée pour un régime minceur qu’elle est largement sous-utilisée.

L’autoroute est-elle trop large ? Le débat est mal engagé, car le ministère des Transports dit ignorer la capacité de sa propre autoroute. « Le Ministère ne possède pas d’analyse récente sur la capacité routière de l’autoroute Dufferin-Montmorency », a répondu un porte-parole du MTMD à une demande de La Presse.

L’autoroute aurait une capacité d’au moins 90 000 véhicules par jour, d’après un expert de Polytechnique Montréal consulté par La Presse. Or, selon les données les plus récentes du Ministère, les tronçons de l’autoroute concernés par le projet de boulevard urbain voient passer 30 000 véhicules par jour dans les secteurs les plus occupés, et à peine 18 000 par endroits.

Le Ministère dit percevoir une « congestion normale » dans la bretelle d’accès à Honoré-Mercier. À cet endroit, l’autoroute s’élève dans les airs pour rejoindre le réseau municipal de la Haute-Ville. Il se crée un effet d’entonnoir.

Ces bretelles ont été construites dans le quartier Saint-Roch sur les lieux de l’ancienne paroisse Notre-Dame-de-la-Paix, détruite avec ses logements pour faire place à Dufferin-Montmorency.

Lisez l’article « Est de Québec : des citoyens réclament l’accès au fleuve »