(Montréal) Une exposition à l’arsenic n’a rien de banale et doit être prise au sérieux, d’autant plus que les risques pour la santé augmentent en même temps que la durée de l’exposition, prévient une experte interrogée par La Presse canadienne en lien avec le dossier de la controversée Fonderie Horne, dans la région de Rouyn-Noranda.

Selon des chiffres récemment dévoilés dans la presse par Émilise Lessard-Therrien, la députée solidaire de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, le ministère québécois de l’Environnement aurait fixé la cible d’émissions de la fonderie à 200 nanogrammes par mètre cube d’air (200 ng/ m3) en 2007.

La fonderie devra abaisser ses émissions à 100 ng/ m3 en 2021, même si la norme nationale a été fixée à 3 ng/ m3 en 2011.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Émilise Lessard-Therrien

« J’ai un peu de misère à m’expliquer qu’on accepte que les émissions dépassent les normes. Ces normes-là sont là pour une bonne raison, elles sont là pour protéger la santé publique », a commenté Maryse Bouchard, qui est professeure agrégée au département de santé environnementale et de santé au travail de l’Université de Montréal.

Un nanogramme correspond à un millionième de milligramme ou un milliardième de gramme. Et si cela peut paraître infime, Mme Bouchard assure qu’il n’en est rien.

« Ce sont des chiffres qui semblent peut-être petits, mais les poisons opèrent à des doses toutes petites, comme les médicaments d’ailleurs, a-t-elle dit. Les normes d’exposition maximales établies par les instances gouvernementales reposent sur des évaluations de risque, qui sont des analyses quantitatives et rigoureuses des risques. »

Le quartier Notre-Dame, à Rouyn-Noranda, se trouve à seulement une centaine de mètres des installations de Glencore Fonderie Horne. Une étude de biosurveillance réalisée en 2018 par la Direction de santé publique locale a constaté que l’exposition à l’arsenic des enfants du quartier âgés entre neuf mois et moins de six ans était 3,7 fois supérieure à celle d’une population comparable dans la ville d’Amos.

La moyenne géométrique (qui permet notamment de mesurer des taux moyens) était de 110 ng/g d’ongle d’arsenic à Amos, mais de 420 ng/g dans le quartier Notre-Dame.

La Direction de santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue juge ces résultats « préoccupants » et « considère que des actions concrètes doivent être mises en place ».

Risque de cancer

L’arsenic est une substance cancérigène qui augmente notamment les risques de cancer de la peau et des poumons. Il est partiellement éliminé par l’urine, mais les dommages perdurent et s’accumulent avec le temps.

« Les émissions de cette fonderie-là sont vraiment très élevées et je pense que c’est une situation qui perdure depuis longtemps, a dit Mme Bouchard. Dans une situation comme celle-là, ce qu’on observe, c’est une accumulation des émissions. On a des particules d’arsenic qui vont venir se déposer dans toute la région autour, particulièrement sous le panache de fumée, et en fonction des vents dominants, il va y avoir une zone qui sera particulièrement contaminée. »

La population pourra être exposée simplement en respirant. Le sol pourra aussi être contaminé, ce qui représentera un risque pour les récoltes, mais aussi pour les enfants qui ont plus tendance à jouer par terre et à porter à leur bouche tout ce qu’ils trouvent.

« Les enfants sont une population à risque pour plusieurs contaminants parce que comme ils sont petits, et comme ils sont en croissance, ils mangent plus et ils boivent plus par unité de poids corporel, donc leur dose d’exposition est beaucoup plus élevée que pour un adulte, a expliqué Mme Bouchard. Si on a des enfants qui sont exposés dès l’enfance, puis pendant de nombreuses années après, alors les risques de cancer sont là. Ils ont le temps de développer des cancers, donc ce n’est vraiment pas l’idéal de grandir dans un environnement contaminé comme celui-là. »

Elle évoque une étude de Santé Canada qui s’est intéressée aux émissions de différentes fonderies au Canada et qui a conclu que la surexposition aux métaux (arsenic et autres) provenant des fonderies représentait « un risque significatif et trop élevé et beaucoup plus élevé que d’autres types de pollution industrielle ».

« Autrement dit, c’est une industrie particulièrement sale que celle des fonderies », a-t-elle dit.