Dure année pour les traversiers québécois : après les problèmes de la traverse Matane–Baie-Comeau–Godbout, c’est au tour du service Rimouski-Forestville d’être interrompu en raison d’un bris. Le problème mécanique a forcé le CNM Évolution à terminer prématurément sa saison de traversées, qui devait s’étendre jusqu’au 16 septembre.

« Une des transmissions du navire est brisée et, pour la réparer, il faut la sortir du bateau, et, pour ce faire, il faut sortir le bateau de l’eau », a expliqué Isabelle Journault, porte-parole de l’entreprise propriétaire du CNM Évolution, Traverse Rimouski-Forestville, au Soleil. « Ça nous aurait amenés fin août au plus tôt [pour la reprise du service] », a-t-elle ajouté.

Des centaines de personnes devront donc dénicher une autre solution pour traverser le Saint-Laurent dans ce secteur.

La mairesse de Forestville, Micheline Anctil, craignait hier l’impact de la fin de service hâtive pour la liaison Rimouski-Forestville sur les visiteurs. 

C’est une très mauvaise nouvelle. Le carnet de réservations était complet et ça nous amenait un bel achalandage. C’est important de rappeler que ce lien maritime est indispensable pour notre développement touristique et économique.

Micheline Anctil, mairesse de Forestville

Mme Anctil entend d’ailleurs interpeller la Société des traversiers du Québec (STQ) afin que la traverse Rimouski-Forestville soit considérée comme celles exploitées par la STQ.

« Même s’il s’agit ici d’une entreprise privée, est-ce que ce lien essentiel ne devrait pas passer dans le giron de la STQ ? En tout cas, il faut revoir cette organisation », a-t-elle martelé.

La mairesse n’a évidemment pas passé sous silence le fait que bien des commerçants de la localité de 3000 habitants pâtiront de cette perte d’achalandage estival. « Il y a beaucoup de gens d’un peu partout qui passent par cette traverse », a-t-elle affirmé en conclusion.

Série de déboires

Cet incident n’est pas sans rappeler la série de déboires touchant une autre traversée de l’est du Québec. La liaison Matane–Baie-Comeau–Godbout, assurée par la Société des traversiers du Québec, a connu son lot de problèmes, plus particulièrement au cours des derniers mois.

Le feuilleton a commencé avec quelque 200 bris mécaniques touchant le traversier NM F.-A.-Gauthier, un navire flambant neuf, entre sa mise en service en 2015 et son interruption en décembre 2018. En décembre dernier, un problème décelé à ses propulseurs a forcé sa mise en arrêt. Son remplaçant, le NM Apollo, n’a pas été en service très longtemps. Après 21 jours de traversées – et deux accidents dans lesquels le bateau a heurté les quais –, le navire de 49 ans, acquis rapidement pour la somme de 2,1 millions, a été mis à la retraite.

Le NM F.-A.-Gauthier devait être de retour dans les eaux en août, après réparation au chantier Davie de Lévis. Sa livraison a été reportée à l’hiver. Les experts ne comprennent toujours pas la nature et les causes des problèmes mécaniques ni des vibrations anormales. 

On investigue encore. On a trouvé des problèmes avec les pièces des propulseurs qui ont probablement causé les vibrations. On travaille sur les causes.

Stéphane Lafaut, PDG de la STQ, à propos du NM F.-A.-Gauthier, au Soleil, il y a trois semaines

Les problèmes de traversiers – et donc d’accessibilité – ont frappé de plein fouet l’industrie touristique de la Côte-Nord et de la Gaspésie. Le ministre des Transports, François Bonnardel, avait promis une aide financière de 115 000 $ pour promouvoir le tourisme dans ce coin du Québec. Les associations touristiques de la région ont affirmé à Radio-Canada il y a deux semaines n’avoir toujours rien reçu.

Du côté de CNM Évolution, Isabelle Journault a assuré que le navire est régulièrement inspecté et qu’au début de la saison, rien ne laissait présager le bris de la transmission. Pour la vingtaine d’employés de l’entreprise, la saison se termine donc plutôt abruptement. D’ici là, l’entreprise tente de joindre les gens qui avaient une réservation afin qu’ils puissent prendre les mesures nécessaires.

Le CNM Évolution se retrouvera bientôt à Sainte-Flavie pour y être réparé afin de pouvoir reprendre ses activités au printemps prochain.

Traversiers

Une année difficile

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le NM F.-A.-Gauthier au quai de Matane, en juin 2015

NM F.-A.-Gauthier

Le NM F.-A.-Gauthier a connu une carrière difficile depuis sa mise en service pour la liaison Matane–Baie-Comeau–Godbout, en 2015. Le navire, pourtant neuf, a connu quelque 200 bris mécaniques en trois ans. Il a été remisé à la fin de 2018, après qu’un problème de propulseurs eut été décelé. Acquis au coût de 175 millions, il remplaçait le Camille-Marcoux, qui avait assuré cette liaison depuis 1974. Les problèmes de traversée ont eu un grand impact sur le tourisme en Côte-Nord et en Gaspésie et sur les travailleurs, en plus des conséquences liées aux transports de marchandises. Le ministre des Transports François Bonnardel a relevé de ses fonctions le directeur général de la Société des traversiers du Québec, François Bertrand, le 1er février dernier.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le NM Apollo au quai de Matane, en février dernier

NM Apollo

Pour assurer la traverse Matane–Baie-Comeau–Godbout, il fallait trouver rapidement un nouveau navire. À la mi-janvier de 2019, la STQ a mis la main sur l’Apollo, un traversier âgé de 49 ans assurant jusqu’alors la liaison Blanc-Sablon–Terre-Neuve, au prix de 2,1 millions. Son utilisation fut de courte durée : après 21 jours de traversées, ponctuées de deux accidents, il était retiré de la circulation. Sa réparation, après qu’il eut heurté les quais de Godbout et de Matane, a été jugée trop chère. L’acquisition et la remise de ce navire avaient causé bien des remous. Il avait été acheté sans inspection préalable de la STQ ni garantie. Les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports du Canada avaient soulevé de sérieux doutes sur la sécurité de l’Apollo lors de leur enquête sur la collision du quai de Godbout.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le NM Saaremaa I au port de Québec, en mai dernier

NM Saaremaa I

Le NM Saaremaa 1 est entré en fonction le 10 juillet dernier pour assurer les liaisons Matane–Baie-Comeau–Godbout. Il a pris la relève du NM Félix-Antoine-Savard, en fonction depuis le 1er juin, qui a connu son lot d’annulations de traversée. Le NM CTMA Voyageur avait assuré les liaisons jusqu’au 31 mai. Le Saaremaa I, bateau construit en 2010, a été acquis de la Norvège. Avant même la confirmation de son acquisition, le Saaremaa I a fait couler de l’encre pour une collision avec un autre bateau pendant des tests, en Allemagne, en mars dernier. Il a coûté 39 millions à l’achat, auxquels s’ajoutent de 5 à 6 millions pour une mise aux normes canadiennes. Le Saaremaa I, qui a été la propriété de la société estonienne Saaremma Laevakompanii, sera rebaptisé.

Autres déboires

En décembre, lorsque le F.-A.-Gauthier a été retiré des eaux, la STQ a offert une liaison aérienne pour remplacer le traversier entre la Gaspésie et la Côte-Nord. Ces traversées ont aussi connu quelques déboires, avec des retards et des annulations. Quelques jours après la mise en place de ce service, l’avion a par exemple connu un bris mécanique pendant les opérations de dégivrage. Un avion de rechange a dû être utilisé. Le quai d’embarquement de Tadoussac, en Côte-Nord, a aussi été le théâtre d’un événement malheureux en juin dernier. Un véhicule a percuté un traversier. Le conducteur du véhicule récréatif est mort et une passagère a été blessée. Il aurait eu un problème mécanique.

— Avec les archives de La Presse, du Soleil et de La Presse canadienne