Le gouvernement Legault a annulé le contrat de desserte maritime des Îles-de-la-Madeleine, qui est contesté devant les tribunaux, hier. Il a accusé le précédent gouvernement libéral d'avoir bâclé son attribution pour des motifs « électoralistes ».

Le ministre des Transports, François Bonnardel, a annoncé qu'il annulait le contrat de service de 20 ans accordé à une filiale de la Coopérative de transport maritime et aérien (CTMA).

Cette entente de gré à gré a été annoncée le printemps dernier, et confirmée par un décret publié quelques jours avant les élections. Elle prévoyait une aide financière à l'entreprise pour qu'elle achète un nouveau navire et lui garantissait l'exclusivité de la desserte de l'archipel.

Selon le ministre Bonnardel, le gouvernement libéral a bâclé le processus. Le ministère des Transports et la Société des traversiers du Québec (STQ) ont été tenus à l'écart des délibérations. Et à ce jour, le montant que l'État aurait dû allonger pour appuyer l'entreprise reste inconnu.

« Quand j'ai demandé d'obtenir les chiffres, [...] il était à peu près impossible de définir quelle serait l'enveloppe globale. On ne parle pas de dizaines de millions, mais bien de centaines de millions, sinon d'un milliard ou plus », a indiqué M. Bonnardel.

Il ne soupçonne personne de malversation, mais il reproche au gouvernement Couillard d'avoir agi de manière précipitée pour des motifs « électoralistes ».

Dans un souci de « saine gestion » des fonds publics, il reprend donc le processus à zéro. Dans les prochaines semaines, une consultation sera menée auprès des Madelinots afin de cerner leurs besoins. L'exercice se terminera d'ici le 12 juin.

« Une gifle »

La décision du gouvernement caquiste a été promptement dénoncée aux Îles-de-la-Madeleine.

« Nous sommes extrêmement déçus que le gouvernement du Québec remette en question le service aux Madelinots et la gouvernance locale bâtie par la CTMA depuis 75 ans », a indiqué la porte-parole de CTMA, Claudia Delaney.

Le maire de la municipalité insulaire, Jonathan Lapierre, a fait valoir que le navire qui relie l'archipel au reste du Québec était désuet et qu'il devait être remplacé au plus vite. Il s'explique mal que Québec reprenne tout le processus du début.

« Pour nous, pour les Îles, c'est une douche froide, c'est une gifle au visage, a déploré M. Lapierre. C'est comme si on balayait d'un revers de main tout ce qui a été fait depuis les six dernières années, parce que les consultations, elles ont eu lieu. »

L'ancienne ministre libérale, Dominique Anglade, a assuré que son gouvernement avait accordé le contrat à CTMA dans le strict respect des règles.

« L'objectif était de faire du développement économique avec ce projet pour les Madelinots, a dit Mme Anglade. Alors non seulement on retarde le projet - c'est une évidence qu'on le regarde -, mais on le met en péril, on crée une incertitude très claire pour la région. »

Le député péquiste des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, s'est dit « surpris » et « déçu » de la décision de Québec.

« On parle de consulter les Madelinots, mais nous, on pensait que les besoins étaient déjà connus, que les études avaient été faites et qu'on était rendus à l'étape de la décision », a-t-il dit.

« Irrégularités graves »

La Presse a révélé en novembre que le chantier Davie s'était adressé aux tribunaux pour faire suspendre le contrat entre Québec et CTMA. Le constructeur naval allègue que son attribution a été entachée par des « irrégularités graves ».

Davie accuse Québec d'avoir voulu « contourner » les règles en chargeant une entreprise privée d'organiser un appel d'offres pour l'achat d'un navire subventionné par les fonds publics.

M. Bonnardel n'a pas caché que cette poursuite avait pesé dans sa décision d'annuler le contrat.

Le porte-parole de Davie, Frédérick Boisvert, s'est réjoui de la décision du ministre.

« Ce à quoi on a assisté, c'est une décision d'un gouvernement nationaliste qui a décidé de prendre l'économie du Québec en main, a-t-il indiqué. C'est un premier pas dans la bonne direction pour nous. »

Le contrat de CTMA a fait controverse au cours des derniers mois. Le gouvernement libéral a imposé à l'entreprise une exigence de contenu québécois de 30 %, un seuil jugé insuffisant par l'opposition et des gens d'affaires.