L'histoire de la maison patrimoniale Boileau, à Chambly, en Montérégie, a pris fin jeudi sous le pic des démolisseurs.

Ce triste dénouement, qui a pris les citoyens par surprise, vient clore de manière inattendue et abrupte une courte et curieuse saga pilotée par la Ville de Chambly depuis deux ans.

C'est le directeur général de la ville, Michel Larose, qui a personnellement pris la décision de démolir la maison en raison de son état lamentable.

« C'est surtout la question de sécurité qui m'a fait réagir », a-t-il dit en entrevue avec La Presse canadienne.

Il a précisé qu'il n'avait pas avisé le côté politique de sa décision.

« Nous ne sommes pas assujettis par la loi à avoir une résolution du conseil pour démolir, surtout quand ce sont des bâtiments qui appartiennent à la municipalité. Je n'ai pas besoin d'avoir l'aval du maire ou de son conseil ; ça fait partie de mes prérogatives de directeur général », a-t-il précisé.

Arrestation

L'arrivée de la machinerie a toutefois mobilisé quelques citoyens qui ont tenté de mettre un frein à la démolition, mais sans succès. La démolition a tout de même pu aller de l'avant.

Le candidat du Parti québécois dans la circonscription de Chambly aux dernières élections, Christian Picard, a même été appréhendé pour méfait et libéré par la suite. La Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent a remis le dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales qui décidera si l'affaire aura des suites en justice.

La maison avait été abandonnée par ses propriétaires en 2016 parce qu'elle n'était plus habitable en raison de moisissures et d'un risque d'effondrement.

La Ville avait alors prévu la démolir, mais devant les protestations de plusieurs citoyens, avait finalement décidé de s'en porter acquéreur, prévoyant la rénover pour l'utiliser comme bureau d'information touristique.

La municipalité avait payé 550 000 $ pour l'achat de la propriété en septembre 2016.

L'investissement s'est finalement avéré un mal de tête : des ingénieurs avaient évalué la remise en état à 1,8 million en novembre 2017, une facture qui, selon le directeur général Larose, dépasserait aujourd'hui 2 millions.

« On a été surpris quand on a fait l'analyse du bâtiment. On voyait bien qu'il n'y avait pas eu de rénovations ou que ce qui avait été fait n'avait pas été fait selon les règles de l'art, ce qui a permis à ce bâtiment de se désagréger », a raconté le haut fonctionnaire municipal.

« Elle tenait par la peur »

Sauf qu'entre-temps, une entreprise appelée à sécuriser temporairement les lieux a fait pencher la balance.

« On étudiait la possibilité de la restaurer, a reconnu M. Larose. On avait demandé à un contracteur de venir poser des supports au cas où et, quand ils ont dénudé la maison, on s'est rendu compte qu'elle était vraiment vétuste. Elle tenait de peur. »

La maison, bâtie vers 1820, avait été érigée par René Boileau, qui fut député de Kent de 1792 à 1796 à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada pour le Parti canadien, qui allait devenir le Parti patriote en 1826.

Son fils, un notaire aussi appelé René Boileau, y avait tenu de nombreuses assemblées politiques réunissant des patriotes et sa fille, Émilie Boileau, était mariée à l'un des leaders du soulèvement de 1837, le docteur Timothée Kimber.