Le conflit s'envenime entre le ministre des Affaires municipales et la mairesse de Longueuil. Caroline St-Hilaire s'indigne d'apprendre que Pierre Moreau a rencontré hier trois maires de son agglomération pour discuter d'un dossier aujourd'hui devant les tribunaux.

Hier matin, les maires de Brossard, Saint-Lambert et Saint-Bruno se sont rendus aux bureaux du ministre Moreau, au centre-ville de Montréal, pour discuter des problèmes de fonctionnement de l'agglomération de Longueuil. Or ce dossier se trouve devant les tribunaux, rappelle Caroline St-Hilaire.

Brossard, Saint-Lambert et Saint-Bruno estiment que Longueuil leur a imposé une facture gonflée de 40 millions pour leur participation à l'agglomération. Les trois villes liées ont présenté une requête à la Commission municipale du Québec, un tribunal administratif, tandis que Longueuil s'est adressé quant à lui à la Cour supérieure.

«Comment le ministre peut-il vouloir s'immiscer dans ce dossier? J'aurais aimé qu'il ait autant d'enthousiasme à régler le problème des taxes que pour écouter les maires qui veulent sortir de l'agglomération», a dénoncé Caroline St-Hilaire.

En plus de Pierre Moreau, le ministre Gaétan Barrette et la présidente du caucus libéral, Nicole Ménard, étaient également présents à la rencontre d'hier. Le premier est député de La Pinière, couvrant Brossard, tandis que la seconde représente Laporte, dans Saint-Lambert.

«Trois députés, ministres libéraux pour parler d'un dossier judiciarisé, je ne sais pas comment ils vont pouvoir expliquer ça», a commenté la mairesse de Longueuil

Les maires de Brossard, Saint-Lambert et Saint-Bruno disent avoir profité de la rencontre pour exposer aux trois élus provinciaux leurs doléances au sujet de Longueuil. «Ça va très mal. On remet en question la gouvernance de l'agglomération: c'est dysfonctionnel. Longueuil contrôle tout, et nous, on paye. On veut rétablir un rapport de forces, il n'y en a plus», confie le maire de Brossard, Paul Leduc, en entrevue à La Presse.

Pierre Moreau a décliné notre demande d'entrevue hier. Son cabinet a plaidé que le ministre n'avait pas l'habitude de commenter ses rencontres privées. C'est aussi silence radio au cabinet de Gaétan Barrette.

«On n'a pas soulevé ces questions judiciarisées, on n'interférera pas avec le processus judiciaire, répond le maire de Saint-Bruno, Martin Murray. On y est allés en mode exploratoire. On a identifié les problèmes. On n'est pas encore rendus au mode solution. Cette [agglomération] a un potentiel intéressant, mais on veut travailler en collaboration.»

Cette sortie de Caroline St-Hilaire survient alors qu'elle doit rencontrer Pierre Moreau lundi pour la première fois en tête à tête depuis leur affrontement sur les taxes municipales, en décembre. Leurs relations sont tendues depuis que le ministre a publiquement dénoncé la décision de la mairesse d'imputer une partie de la hausse des taxes de ses citoyens au nouveau pacte fiscal.

Depuis décembre, les deux ne se sont pas reparlé, pas même lors de la crise de l'eau à Longueuil, en janvier, ou plus récemment lors de l'effondrement d'une passerelle sur la route 132.

La rencontre prévue lundi entre la mairesse et le ministre devait porter uniquement sur les taxes, Pierre Moreau jonglant avec l'idée de rembourser les Longueuillois. Caroline St-Hilaire estime toutefois que la rencontre survenue hier avec les trois maires l'oblige à aborder la question du fonctionnement de l'agglomération.

Changement à la CMM

La rencontre d'hier entre le ministre et les trois maires survient également alors que le conflit entre Longueuil et ses villes liées a connu un nouveau rebondissement, jeudi soir. Lors d'une séance du conseil d'agglomération, le maire de Brossard a appris que la mairesse St-Hilaire avait décidé de l'évincer du conseil d'administration de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). C'est le maire Jean Martel de Boucherville, seule ville liée ne contestant pas les pouvoirs de l'agglomération, qui le remplacera.

«C'est enfantin», déplore Paul Leduc. L'élu est convaincu que c'est en représailles à la sortie des maires des villes liés en décembre dernier.

Caroline St-Hilaire défend sa décision. «Ça fait longtemps qu'on discute du principe d'alternance et, étant donné que M. Martel croit en cette agglomération, on s'est dit que c'était à propos. Mais je comprends que ça ait pu froisser l'ego de M. Leduc.»

Dix ans après la création des agglomérations, Longueuil n'est pas la seule à éprouver des conflits en matière de gouvernance. Québec et l'une des deux villes qui lui sont liées s'affrontent en ce moment. Le maire de Saint-Augustin accuse le maire Labeaume d'être responsable de la hausse de taxe de 25% dont ont hérité ses citoyens cette année.

- Avec Tommy Chouinard