Le maire de Saint-Bruno-de-Montarville, sur la Rive-Sud de Montréal, vient de perdre un privilège controversé. Depuis près de 100 ans, le premier magistrat de la Ville était membre d'office du Mount Bruno Country Club (MBCC), un club de golf privé parmi les plus prestigieux du Québec.

La Presse a appris que les dirigeants du club et le nouveau maire, Martin Murray, ont décidé la semaine dernière, d'un commun accord, de mettre fin à cette pratique, dont a néanmoins profité l'ancien maire Claude Benjamin.

Le MBCC compte parmi ses membres des dirigeants des plus grandes entreprises du Québec et au moins un sénateur, Paul Massicotte, qui pilote également un projet immobilier contesté à Saint-Bruno. Le club refuse de dévoiler sa grille tarifaire, tout comme le nombre de membres, mais selon les informations recueillies par La Presse, il en coûterait plusieurs milliers de dollars par année pour être membre.

Selon le MBCC, le maire de Saint-Bruno n'avait cependant pas le statut d'un membre régulier, mais plutôt celui d'un «membre honoraire de courtoisie». Il pouvait y jouer au golf gratuitement, mais les repas étaient à ses frais.

Le maire actuel, Martin Murray, affirme qu'il a été informé récemment que sa fonction lui donnait droit à ses entrées au Mount Bruno Country Club. En entrevue avec La Presse, il signale qu'il n'était pas question pour lui d'accepter un tel privilège. «En tout temps, je n'accepte aucune récompense et cela m'apparaît comme une forme de récompense.»

La situation pourrait être d'autant plus délicate que la Ville a proposé au printemps dernier un nouveau plan de conservation des milieux humides sur son territoire. Saint-Bruno souhaite notamment protéger des terrains entourant le club de golf. Le MBCC a alors embauché une lobbyiste, Marie-Claude Aubin, pour le représenter auprès de la Ville.

La Presse a tenté de joindre le président du MBCC, Yves-André Godon, mais c'est plutôt Pierre Guillot-Hurtubise, associé principal chez Octane, firme de relations publiques, qui a relayé ses réponses par courriel. Le président signale notamment que les dirigeants du club ont décidé que cette pratique n'aurait plus cours, «en prenant aussi en compte la réflexion québécoise sur la saine gouvernance».

«Quatre ou cinq» parties

Au cours de ses deux mandats (2005-2013), l'ex-maire Claude Benjamin reconnaît s'être rendu «à quatre ou cinq reprises» au MBCC pour y jouer au golf, dont une fois avec l'un de ses conseillers municipaux, Michael O'Dowd. Celui-ci a dû cependant payer son droit de jeu de 95$. Le maire admet aussi y être allé manger à «une ou deux reprises», mais dans un tel cas, il payait alors son repas, mentionne-t-il.

M. Benjamin affirme qu'il n'y a jamais rencontré le sénateur Massicotte et qu'il ignorait même que celui-ci était membre du MBCC. «J'y allais très peu souvent, et surtout pour faire honneur au fait qu'on m'avait offert une place de membre honoraire.» Il n'a jamais songé d'ailleurs à refuser l'offre du club. «Si j'avais cru que ça pouvait poser un problème, je n'aurais pas accepté d'être membre», précise-t-il.

À l'automne 2013, le commissaire au lobbyisme du Québec avait conclu que des activités de lobbyisme illégales avaient été menées dans le cadre du projet de Paul Massicotte, dans le Bois des Hirondelles. Le commissaire François Casgrain affirmait notamment que «les élus et les fonctionnaires de la Ville n'étaient pas complètement au fait des règles entourant les activités de lobbyisme». M. Benjamin avait réfuté vivement les affirmations du commissaire.

Rappelons que les terrains visés par le projet immobilier de Paul Massicotte ont été rachetés du club de golf en 2006 pour 1,9 million de dollars. L'entente avec le MBCC prévoyait un paiement initial de 600 000$ et un solde de 1,3 million payable seulement après avoir obtenu toutes les autorisations de la Ville et du ministère de l'Environnement, ou au plus tard cinq ans après la signature de l'acte de vente.