Alors que la ville de Léry, en Montérégie, se prépare à adopter un nouveau plan d'urbanisme, près de la moitié des élus du conseil municipal pourrait se trouver en conflit d'intérêts. C'est du moins ce qu'affirme un citoyen qui a porté plainte au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT). La Ville, elle, rejette ces accusations du revers de la main, affirmant que tous les élus agissent en conformité avec les règles d'éthique en vigueur.

Guy Turcotte, citoyen de Châteauguay, ville voisine de Léry, demande au MAMROT d'enquêter sur les «comportements» d'au moins trois conseillers municipaux à Léry. Le conseil compte six membres en plus du maire, Yvon Mailhot. Selon M. Turcotte, les conseillers Adrien Desrochers, Olivia Goodfellow et Thomas Oliver n'auraient pas dû participer aux démarches menant à l'adoption d'un nouveau plan d'urbanisme. Ce plan pourrait avoir pour effet «de modifier la valeur marchande de terrains liés à leurs intérêts.» «Ces conseillers auraient dû se retirer au moment du vote puisqu'il y a apparence de conflits d'intérêts dans leur cas», affirme Guy Turcotte. 

Les terrains en question sont situés dans le corridor forestier Châteauguay-Léry, identifié comme un boisé prioritaire dans le Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD). Guy Turcotte est le porte-parole d'un regroupement de citoyens qui s'oppose à la destruction de la forêt sur le territoire de Léry. La Ville soutient que ses pouvoirs règlementaires ne lui permettent pas d'empêcher le développement en zone blanche sur son territoire.

Informé de la plainte déposée au MAMROT, le directeur général de Léry, Dale Stewart, a tenu à rappeler que M. Turcotte est bien connu à la ville. «Il a toujours dit qu'il ferait tout pour empêcher le développement dans la forêt de Léry.» M. Stewart soutient qu'il ne peut y avoir de conflits d'intérêts puisque le conseil ne fait qu'adopter un plan d'ensemble qui affecte la ville au complet. «La loi exige qu'un conseiller doive être propriétaire (sic) ou habiter la ville où il siège comme élu. Faudrait-il alors demander à tous les conseillers de ne pas voter sur cette question?» demande-t-il. 

En plus de sa résidence principale, le conseiller Adrien Desrochers est propriétaire de terrains totalisant 295 000 pieds carrés dans la forêt de Léry. La conseillère Olivia Goodfellow est la fille de David Goodfellow qui possède plusieurs terrains dans les limites du corridor forestier Châteauguay-Léry. Quant à Thomas Oliver, il est l'ex-mari de Janice Goodfellow dont la famille détient aussi plusieurs terrains dans la forêt de Léry. La famille Goodfellow a par ailleurs retenu les services du lobbyiste Bernard Armand afin de réaliser ses projets de développement à Léry. Joint par La Presse, Thomas Oliver affirme n'avoir aucun intérêt à défendre les propriétés qui appartiendraient à son ex-femme. «Nous avons divorcé il y a 14 ans et ce ne fut pas un divorce amical», a-t-il tenu à préciser. Adrien Desrochers et Olivia Goodfellow n'ont pas n'a retourné les appels de La Presse

Le maire de Léry, Yvon Mailhot, n'a pas voulu répondre aux questions de La Presse. Par courriel, le directeur général Dale Stewart nous a informés que la «Ville n'émettra pas d'autres commentaires sur cette plainte.» «Elle sera examinée par le ministre des Affaires municipales et, le cas échéant, transmise à la Commission municipale du Québec qui tiendra son enquête à huis clos.»

Entre l'arbre et l'écorce 

La Ville de Léry a adopté le 10 juin dernier un projet de plan d'urbanisme, entre autres afin de se conformer au nouveau schéma d'aménagement exigé par le PMAD, adopté par la Communauté métropolitaine de Montréal en 2011. Or, selon Guy Turcotte, la ville a un plan de développement résidentiel qui aurait pour effet de détruire 90% de la forêt de Léry.

Le PMAD, rappelons-le, a été adopté pour mieux encadrer le développement du territoire des 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Il prévoit entre autres préserver 17% du couvert forestier du Grand Montréal, qui est présentement évalué à 19%. Le corridor forestier Châteauguay-Léry est identifié comme l'un des 31 bois prioritaires du PMAD. 

La Ville de Léry affirme qu'elle se retrouve entre l'arbre et l'écorce puisqu'elle ne peut empêcher le développement en zone blanche et qu'elle n'a pas les moyens d'acheter le boisé de Léry, dont les terrains seraient évalués à 38 millions de dollars. La municipalité a récemment adopté une résolution pour demander au gouvernement du Québec et à la CMM de préciser «combien ils consacreront à l'achat de terrains dans le boisé et quand ils envisagent d'en faire l'achat.» Une enveloppe de 150 millions de dollars est prévue pour acheter des terrains situés dans secteurs jugés «prioritaires» par la CMM