Les transactions concernant la tour d'appartements d'Elias Khoury ou ses autres projets ont pour la plupart été instrumentées par le notaire Martial Lavoie, proche de la famille Vaillancourt. Or, en plus d'être notaire, Martial Lavoie joue souvent le rôle de promoteur immobilier, a constaté La Presse.

L'homme achète et vend des terrains ou fait des prêts hypothécaires par l'entremise de sociétés incorporées. Et c'est lui-même ou un des membres de son cabinet qui agit comme notaire pour ces transactions, indique le registre foncier.

Ce fut le cas de l'immeuble de la rue Marineau, à Laval, dans lequel l'ex-DG de la Ville, Claude Asselin, et le promoteur lavallois Pierre Grothé ont récemment acheté un appartement de luxe.

En 2007, le notaire Lavoie était copropriétaire du terrain sur lequel a été construit cet immeuble, par l'entremise d'une société à numéro. Avant d'être excavé pour le projet, le terrain a été revendu à deux reprises, entre 2007 et 2009. Chaque fois, c'est le notaire Lavoie qui a agi comme notaire, ou l'un des collègues de son bureau.

Martial Lavoie a également agi comme notaire dans une autre transaction où sa société à numéro faisait un prêt hypothécaire. Il signe aussi des actes notariés dans lesquels l'une des parties est l'entreprise Martial Lavoie inc.

La Loi sur le notariat interdit qu'un notaire instrumente une transaction «dans laquelle lui ou son conjoint est ou représente l'une des parties», afin d'éviter les conflits d'intérêts. Toutefois, cette règle s'applique seulement lorsque le notaire est impliqué directement, pas lorsqu'il le fait par l'entremise d'une société. Les transactions ne sont donc pas illégales.

Par contre, le Code de déontologie stipule que le notaire doit éviter toute situation de conflit d'intérêts, c'est-à-dire «lorsque les intérêts sont tels qu'il peut être porté à préférer certains d'entre eux et que son jugement peut être défavorablement affecté». Si jamais la situation se présente, le notaire doit avoir le consentement des clients par écrit.

Poursuivi par des clients

Par ailleurs, les pratiques d'affaires du notaire Lavoie en ont irrité certains au cours des dernières années. En 2011, plusieurs investisseurs l'ont poursuivi pour un projet de «condo-hôtel»; on lui reprochait d'avoir décaissé des fonds placés dans son compte en fidéicommis sans leur autorisation. Deux investisseurs ont eu gain de cause dans un jugement rendu en juillet dernier. Les autres causes sont pendantes.

Le litige concerne un projet de «condo-hôtel» à Québec appelé Loftboutique Développement International (LDI), pour lequel les investisseurs avaient versé une mise de fonds. LDI a déclaré faillite et les investisseurs ont perdu leurs mises, même si les fonds n'auraient pas dû être décaissés, selon l'interprétation que fait le juge d'un des contrats.

Selon le syndic de faillite, Me Lavoie a versé des commissions de 161 240$ au courtier du projet, PI Global, qui aurait agi illégalement. L'Autorité des marchés financiers (AMF) enquête sur l'affaire.

À la fin des années 90, le notaire Lavoie s'est également vu imposer des amendes totalisant 5200$ par le syndic de la Chambre des notaires pour divers manquements à la profession, dont certains touchaient son compte en fidéicommis.

Joint au téléphone, Martial Lavoie affirme que ses activités sont tout à fait légitimes, que ses clients sont au courant et que la Chambre des notaires n'a rien à lui reprocher. Il ne veut pas faire de commentaires au sujet de l'affaire Loftboutique.