La Ville de Mascouche a enfreint la loi d'une multitude de façons de 2009 à 2010, notamment en favorisant certaines firmes dans l'attribution de contrats et en accordant des «extras» illégaux à deux sociétés bien connues: celle d'un ami du maire et celle du ministre du Travail de l'époque, David Whissell.

C'est ce que révèle un nouveau rapport accablant du ministère des Affaires municipales.

Près de trois mois après l'arrestation du maire par l'escouade Marteau, les vérificateurs du Ministère dévoilent ainsi un grand nombre de nouvelles irrégularités dans la municipalité de la couronne nord.

Ils ne reprochent rien aux entreprises bénéficiaires des contrats, mais sont lapidaires envers l'administration municipale.

«À notre avis, la Ville de Mascouche présente des lacunes quant au respect des dispositions législatives prévues à la Loi des cités et villes», écrivent les auteurs du rapport.

Deux cas concernent des contrats qui ont subi des «modifications non conformes à la loi» ayant eu pour effet de gonfler les coûts.

Dans le cas d'ABC Rive-Nord, entreprise détenue en partie par David Whissell, le contrat initial prévoyait la construction d'une piste cyclable sur le chemin Sainte-Marie pour 260 000$. Des travaux additionnels se sont ajoutés, au point où le coût du contrat a grimpé à 491 000$. Selon les vérificateurs du Ministère, le contrat a carrément changé de nature en cours de route et la Ville aurait dû faire un nouvel appel d'offres.

Urgents et justifiés

La Ville réplique que la dégradation de la route a justifié des travaux additionnels urgents «vu les dangers y étant associés et les inconvénients majeurs causés à la population».

À l'époque, David Whissell était ministre du Travail et avait placé ses actions d'ABC Rive-Nord dans une fiducie sans droit de regard. Il ne gérait pas les affaires courantes de l'entreprise. Joint hier, il a assuré n'être pas au courant de l'existence de ce contrat, dont la valeur est bien faible en regard du chiffre d'affaires de la firme, selon lui.

«Je n'ai rien à cacher, moi, mais j'ignore tout de ce contrat-là. Il faudra faire sortir le dossier des archives pour voir les détails», a-t-il expliqué, en soulignant qu'une entreprise ne peut être tenue responsable de la façon dont une Ville gère ses dossiers.

L'autre contrat modifié illégalement concernait la construction d'une conduite d'eau par Transport et Excavation Mascouche. L'entreprise appartient à Normand Trudel, ami du maire et coaccusé dans la foulée de l'enquête de Marteau. Le coût prévu était de 4,6 millions.

Plutôt que de procéder par excavation comme prévu, la société avait obtenu l'autorisation de procéder à du forage, ce qui avait engendré un coût additionnel de 645 000$.

Un troisième cas de modification illégale n'impliquait pas d'extras, mais plutôt la permission pour une entreprise «d'ajuster» le contrat après la fin de l'appel d'offres. Le bénéficiaire était la firme d'évaluateurs Leroux Beaudry Picard, qui appartient en partie à Jean Leroux, arrêté lui aussi par Marteau en avril.

La firme avait été seule à soumissionner pour le contrat d'évaluation municipale, mais son prix de 2,2 millions était trop élevé pour le budget de la Ville. Sans retourner en appel d'offres, la Ville a réduit la portée des travaux et permis à la firme d'abaisser son prix à 1,8 million. Pourtant, s'ils avaient été connus, ces nouveaux paramètres auraient peut-être incité d'autres entreprises à soumissionner.

Parmi les nombreuses autres entorses aux règles, le rapport fait état d'au moins deux appels d'offres contenant des «clauses discriminatoires» permettant d'écarter les concurrents de certaines firmes. C'était le cas pour le contrat de conduite d'eau de 4,6 millions accordé à Transport et Excavation Mascouche.

La Ville a aussi enfreint les règles lorsqu'elle a procédé par invitation pour l'appel d'offres relatif au contrat d'entretien ménager dans les bureaux de la police et des pompiers. L'entreprise PR Maintenance avait remporté le contrat d'une valeur de 123 000$ sur trois ans, un montant qui aurait normalement nécessité un appel d'offres public.

Réaction mitigée

La municipalité a réagi de façon mitigée, hier. Elle s'est dite en désaccord avec certaines conclusions du rapport, mais a pris acte de certaines recommandations.

L'attachée de presse du ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, a souligné que le gouvernement Charest a adopté une foule de nouvelles mesures sur l'éthique et la gouvernance municipale depuis l'époque examinée. «La vie n'est vraiment plus la même pour les municipalités aujourd'hui», dit-elle.

Depuis janvier 2011, le conseil municipal de Mascouche a lui-même adopté de nouvelles grilles d'évaluation pour les appels d'offres. Mais une partie de celles-ci favoriseraient toujours certaines firmes d'ingénieurs, d'architectes et d'architectes-paysagistes, selon le rapport.

Le chef de l'opposition officielle au conseil municipal, Stéphane Handfield, est outré.

«Le plus préoccupant, c'est que ces contrats ont été approuvés par le conseil municipal et que, pour la plupart, les conseillers sont toujours en poste. Il faut qu'il y ait des élus qui soient tenus responsables à un moment donné!», lance-t-il.

- Avec la collaboration de William Leclerc