Avant la souveraineté ou l'identité, Pauline Marois misera sur l'intégrité. C'est sur ce front que son gouvernement péquiste mènera ses premiers combats.

La première ministre déposera demain son projet de loi 1 «favorisant l'intégrité en matière de contrats publics». «Dorénavant, les entreprises qui voudront obtenir des contrats du gouvernement, des villes ou des organismes publics devront faire preuve de probité et d'intégrité», a-t-elle annoncé.

Elle veut que cette loi soit adoptée rapidement, d'ici à l'ajournement des travaux, le 7 décembre.

Le gouvernement entend aussi présenter des projets de loi afin d'instituer des élections à date fixe, de limiter le nombre de mandats des premiers ministres et d'instituer «le financement essentiellement public des partis politiques».

Mme Marois souhaite que la loi sur les élections à date fixe soit adoptée à l'unanimité - seuls les libéraux s'y opposent. Cela permettrait de publier un mois avant le déclenchement des élections un «portrait impartial des finances publiques». Elle abandonne l'idée de créer un poste de directeur parlementaire du budget pour jouer ce rôle, comme l'avait proposé le Parti québécois l'hiver dernier, alors qu'il était dans l'opposition.

Quant à l'idée de limiter à trois le nombre de mandats consécutifs que pourraient accomplir les maires des municipalités de plus de 5000 habitants, la première ministre veut étudier cette possibilité avant de procéder. Les maires de Québec et Saguenay ont déjà dénoncé ce projet.  

Aussi, la limite des dons aux partis politiques devrait passer de 1000 à 100$ par année. Mais les partis municipaux, ceux qui sont le plus éclaboussés à ce jour devant la commission Charbonneau, ne sont pas concernés.

La première ministre étudie toujours cette possibilité. Tout comme elle est encore «à la recherche d'un moyen législatif» pour suspendre un élu accusé au criminel relativement à l'exercice de ses fonctions.

«Après ce printemps qui nous aura tellement divisés, unissons-nous pour faire de l'automne 2012 un moment important de notre histoire. Faisons en sorte que notre indignation collective se transforme en action et que le Québec redevienne l'une des nations les plus intègres et transparentes du monde», a-t-elle dit.

Langue: aller le plus loin possible

Même si le gouvernement péquiste est minoritaire, il essaiera d'adopter tel quel son programme. Mme Marois n'a pas puisé dans les idées de l'opposition, comme l'avait fait le gouvernement minoritaire libéral en 2007.

Elle promet de recevoir avec «beaucoup d'ouverture» les «propositions constructives» de l'opposition. Les partis seront jugés selon leur «capacité à s'entendre», a-t-elle prévenu.  

Sans surprise, elle n'a pas parlé de référendum d'initiative populaire. Elle s'est aussi montrée moins pressée d'adopter une charte de la laïcité ou de créer la citoyenneté québécoise, des idées critiquées par l'opposition. «Ces propositions fondamentales doivent bénéficier de l'adhésion du plus grand nombre, a reconnu Mme Marois. Le gouvernement a donc décidé de lancer des consultations pour atteindre un point d'équilibre qui nous permettra d'avancer.»

Par contre, elle essaiera d'aller «le plus loin possible» dans l'adoption d'une nouvelle Charte de la langue française.  

«Les Québécois demeurent partagés sur la question nationale, mais l'idée que le Québec se tienne debout et défende ses intérêts rassemble une grande majorité d'entre nous», a souligné Mme Marois, qui n'entend pas pratiquer pas la politique de la chaise vide. Elle participera à la prochaine rencontre du Conseil de la fédération.

Budget dès cet automne?

Le gouvernement péquiste pourrait adopter une déclaration ministérielle, un énoncé budgétaire ou même un budget cet automne. Mme Marois «évalue toutes les options». Elle doit faire adopter sa solution de compromis pour rendre la taxe santé progressive. L'opposition libérale et caquiste promet de voter contre. La survie du gouvernement serait en jeu dans les prochaines semaines.

Un grand défi l'attend aussi avec les finances publiques. À la fin août, Québec avait déjà un déficit de 1,5 milliard de dollars, qu'il espérait n'atteindre qu'à la fin de l'année financière 2012-2013. Le gouvernement péquiste devra «prendre d'autres décisions dans les prochaines semaines, a annoncé Mme Marois. Si nous tardons à agir, la situation ne fera que se détériorer, et d'ici quelques années, nous serons dans l'obligation de faire des compressions douloureuses dans nos services publics.»

Le Conseil du Trésor coordonne déjà les efforts de réduction des dépenses dans les ministères. Le gouvernement péquiste vise l'équilibre budgétaire en 2013-2014, comme le promettaient aussi les libéraux et caquistes.

Par ailleurs, Mme Marois mettra sur pied un Groupe d'action ministériel pour la mise en oeuvre des projets d'investissement privé. Elle déposera aussi un projet de loi pour créer la Banque de développement économique du Québec, qui doit «simplifier» les demandes d'aide des entreprises en région.

Enfin, elle a promis une politique nationale de la recherche et de l'innovation pour que les investissements publics et privés en recherche et développement comptent pour 3% du PIB.

Un secrétariat pour le Nord

Les libéraux ont ri lorsque Mme Marois a déclaré qu'elle créerait un Secrétariat au développement nordique. Ils y voient un calque de leur Société du Plan Nord, que le Parti québécois dénonçait.

La première ministre a promis un nouveau régime de redevances minières, sans donner d'échéancier ni préciser s'il s'agirait d'un régime de redevances perçues sur la valeur brute, comme elle l'avait promis en campagne électorale. Mme Marois veut aussi «inciter les entreprises à transformer davantage chez nous» les ressources, sans en dire plus.

Quant au pétrole, la volonté du gouvernement péquiste est claire: il est «déterminé à exploiter» le pétrole, dans le respect de l'environnement. Une «solide réflexion» devra être menée pour réaliser ce défi, a reconnu Mme Marois.  Pour relancer l'industrie forestière, une Chartre du bois sera proposée. On favorisera entre autres le bois pour les édifices de six étages et plus. La Régie du bâtiment devra «agir en conséquence», dit Mme Marois.  

Compléter le réseau des garderies

Tel que promis en campagne, Mme Marois entend compléter le réseau de garderies. Il y aura un «déblocage de milliers de places qui commenceront à être disponibles dans les prochains mois», indique-t-elle. Un nouvel appel de projets sera lancé l'hiver prochain. Il devrait y avoir «une place pour chaque enfant» d'ici quatre ans, espère-t-elle. D'ici là, les tarifs resteront gelés à sept dollars.  

Le gouvernement ira aussi de l'avant avec la maternelle dès l'âge de quatre ans dans les milieux défavorisés.

La santé en amont

En santé, Mme Marois a chiffré quelques objectifs: ajout de 50 groupes de médecine familiale d'ici deux ans, et de 170 médecins de famille d'ici un an. Elle ne donne pas de cible précise pour l'ajout de professionnels et d'infirmières dans les groupes de médecine familiale.

«D'ici deux ans, 750 000 Québécois de plus auront accès à un médecin de famille», espère la première ministre.

Avant d'agir sur d'autres fronts, Mme Marois créera plusieurs chantiers de réflexion ou politiques nationales. Parmi eux: une politique nationale de soins et de services à domicile, un groupe de travail sur la création d'une assurance autonomie, un plan d'action gouvernemental pour contrer la violence conjugale, une politique gouvernementale en matière d'itinérance, un plan d'action pour la lutte contre le cancer, un livre vert sur une politique nationale de la prévention en santé ainsi qu'un nouveau plan d'action en santé mentale.

Pour la lutte à la pauvreté, le gouvernement péquiste veut «accélérer la réalisation» de logements sociaux ou coopératifs. Il en ajouterait 3000 par année.

Changer les enquêtes sur les policiers

Un projet de loi sera déposé pour créer un Bureau des enquêtes indépendantes sur les policiers lors d'incidents causant des blessures graves ou la mort. Ce bureau sera «composé et dirigé» par des civils et des enquêteurs. L'indépendance du mode d'enquête actuel, faite par un autre corps policier que celui impliqué dans l'incident, a déjà été remise en question par la Protectrice du citoyen.

Un registre québécois des armes à feu sera aussi créé si Québec réussit à mettre la main sur les données que voulait détruire le gouvernement conservateur canadien.

Aussi, on promet de hausser le seuil de revenu minimal pour avoir accès à l'aide judiciaire.