(Québec) En acceptant de devenir l’un des « sages » du gouvernement Legault pour étudier les questions liées à l’identité de genre et aux droits des personnes trans et non binaires, Patrick Taillon a saisi le caractère « hyper délicat » du mandat qu’on lui confiait, déjà controversé.

Plus posé qu’en début d’entrevue, alors que son débit ralentit comme s’il mesure la portée de chaque mot qu’il prononce, M. Taillon explique le mot d’ordre que s’est donné le comité qu’il forme avec Diane Lavallée, infirmière de formation et gestionnaire, et le DJean-Bernard Trudeau, médecin de famille : « Si on est très factuels, au moins, on aura eu une contribution utile », explique-t-il.

Selon lui, le travail qu’effectue ces jours-ci le « comité de sages », qui doit déposer un rapport à l’hiver 2025, peut être comparé en partie « avec l’enjeu des accommodements raisonnables et la commission Bouchard-Taylor, l’envergure intellectuelle évidemment en moins ». Depuis sa création, le comité est d’ailleurs contesté, alors qu’aucune personne trans et non binaire n’y siège, même si on étudie spécifiquement leur vécu.

C’est un défi pour la société de s’adapter. Il ne faut pas dire accommoder, mais s’adapter à cette réalité-là et aux besoins de personnes qui ont le droit de vivre conformément à leur identité de genre.

Patrick Taillon

« Je ne suis pas en mission. Il n’y a pas les bons et les méchants. [On veut remettre] un rapport très factuel qui permet de poser les bases. […] C’est un des grands débats de notre époque, extrêmement sensible, extrêmement délicat. Si c’est bien écrit, à la fin, ça ne sera pas la conclusion de quelque chose, mais le début d’une autre [réflexion] », prédit le professeur.

Contourner les contraintes

Que ce soit en matière de protection du français, de laïcité ou de la lutte pour assurer une vitrine aux contenus culturels francophones, Patrick Taillon affirme réfléchir à ces questions en ayant en tête que c’est au Québec que les décisions doivent se prendre.

« J’ai un biais étatiste. Je crois que l’État québécois est ce qui nous a sortis de la misère. Dans ma discipline, on a plutôt tendance à être méfiant à l’endroit de l’État et de la majorité. J’ai plutôt une tendance à croire que dans le contexte québécois qui est le nôtre, ce petit État-là qui est à nous, il nous a plus souvent sortis du trouble que mis dans le trouble », explique-t-il.

C’est entre autres pour cette raison qu’il accepte des mandats que lui confie le gouvernement et qu’il répond aux questions des ministres, des députés et de leurs équipes, quand son téléphone sonne.

« La courte expérience militante de ma jeunesse m’a permis de voir que le pouvoir d’empêcher est nettement plus fort que le pouvoir de faire quelque chose. Le rôle du juriste n’est pas de dire au reste de la société quoi faire ou quoi penser, c’est de présenter et de vulgariser des contraintes et c’est aux décideurs de [trancher s’il] y a moyen d’essayer de faire quelque chose », conclut celui qui affirme ne pas avoir d’ambitions politiques.

« J’aime beaucoup cette vie que j’ai en ce moment. J’aimerais ça qu’elle ne change pas. »