Et si Québec avait l'audace et le courage de faire des « appels de solutions » à ses fournisseurs, plutôt que ses traditionnels appels d'offres ? C'est ce que propose une nouvelle étude de l'Institut du Québec.

La façon de faire des appels d'offres n'a pas changé au fil des ans. Depuis des décennies à Québec, les ministères s'appuient sur de volumineux cahiers de charges remplis de spécifications. Le but ? Répondre à un besoin très précis et choisir un fournisseur déjà connu. 

« Si on veut innover, il faut changer les façons de faire », dit Raymond Bachand, président de l'Institut du Québec.

De nouveaux outils sont utilisés aux États-Unis et en Europe pour faire des « appels de solutions ». Plutôt que de tout décider à l'avance, le donneur d'ordres demande aux grandes entreprises, aux PME et aux citoyens d'arriver avec des idées créatives et innovantes.

« Nous avons retracé ce qui fonctionne ailleurs, explique l'ancien ministre des Finances du Québec. Ces propositions s'adressent aux politiciens, mais surtout aux fonctionnaires et à la haute fonction publique. Pour débuter, on suggère de mettre en place deux ou trois projets-pilotes. Et d'en évaluer les résultats. »

TROUVER DES SOLUTIONS

Pour être plus innovant et productif, l'État doit avoir « le courage et l'audace » d'aller au-delà de ses méthodes traditionnelles, dit Mia Homsy.

Actuellement, le donneur d'ordres fait une demande détaillée. Par exemple, pour un train qui va du point A au point B, qui utilise la technologie X et qui coûte Y. De plus, les fournisseurs choisis doivent avoir Z expérience.

Comment fonctionne l'appel de solutions ?

« Dans ce cas, l'État dit : je veux déplacer tant de personnes d'un endroit à un autre. Je ne veux pas débourser plus que tant et il faut que ça prenne tant de temps, explique la directrice générale de l'Institut. Maintenant, entreprises, citoyens, universités, soumettez-moi des projets. Et encourageons ceux qui offrent les solutions les plus innovantes. »

DES RISQUES CALCULÉS

Cette façon de faire ouvre la porte à de nouveaux fournisseurs.

Aux États-Unis, les ministères et les agences s'engagent même auprès des PME. Leur part, dans les budgets d'approvisionnement, est passée de 1,25 % à 2,8 %.

« Il y a un risque à prendre, car l'État doit accepter qu'il ne sait pas quelle sera la solution, dit Mme Homsy. Il devra aussi bien s'entourer pour choisir la meilleure proposition. »

La dirigeante reconnaît que les résultats recherchés ne sont pas obtenus à tout coup. « Mais à long terme, on l'a vu aux États-Unis, cela a conduit à des développements spectaculaires, comme l'industrie privée de l'espace et les bases des technologies liées à l'iPhone et aux GPS. »

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DES APPLICATIONS AU QUÉBEC

Les outils traditionnels tardent à régler des enjeux du côté de la justice, de l'éducation et de la voirie. L'Institut du Québec présente des solutions innovantes pour y arriver.

• Réduire les délais d'attente pour les procès :  utiliser le cotravail pour demander à la communauté juridique de signaler les problèmes.

• Réduire le taux d'analphabétisme fonctionnel :  pour un projet de grande envergure avec des cibles chiffrées, le processus ferait appel, notamment, à des outils liés à l'approvisionnement pré-marché. 

• Améliorer la qualité des routes :  lancer un défi compétitif aux cols bleus pour réparer les routes de manière plus durable et réduire les nids-de-poule avec 50 % du budget actuel.

Moderniser l'État - Nouveaux instruments pour le développement du Québec, Institut du Québec et François Arcand, entrepreneur

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Mia Homsy, directrice de l'Institut du Québec

Photo IVANOH DEMERS, archives LA PRESSE

Raymond Bachand, président de l'Institut du Québec

Cinq outils pour moderniser l'État

CONCOURS

Compétitions pour générer des propositions. En avril 2016, le Pentagone a demandé à la population de trouver des failles dans son système de cybersécurité en échange de récompenses en argent. Pas moins de 138 situations préoccupantes ont été ciblées. Les meilleurs participants se sont partagé 71 200 $. Un audit, par une firme spécialisée, aurait coûté plus de 1 million US.

INTERMÉDIATION

Cibler plusieurs solutions à mettre en oeuvre. InnoCentive compte 375 000 solutionneurs dans 200 pays. Il a mené plus de 2000 campagnes avec un taux de succès de 85 %. Parmi ses clients, on trouve la société pharmaceutique Eli Lilly, la Fondation Rockefeller et l'Agence américaine de protection de l'environnement. Plus de 48 millions US ont été distribués aux solutionneurs.

COTRAVAIL

Regroupement de personnes pour trouver les solutions. Toutes les six à huit semaines, Facebook utilise le « hackathon » (encodage et programmation collaborative) pour générer de nouvelles idées. Les solutions sont présentées à Mark Zukerberg. Le bouton « J'aime » et l'application en ligne « chat » sont le fruit de hackathons.

DÉFI COMPÉTITIF

Compétition offrant généralement un seul prix en argent. En 1996, la fondation XPrize a promis 10 millions US au premier groupe à envoyer trois personnes à plus de 100 km d'altitude deux fois en moins de deux semaines. SpaceShipOne, financé par Paul Allen, cofondateur de Microsoft, a remporté le prix en octobre 2004.

APPROVISIONNEMENT PRÉ-MARCHÉ

Permet à un donneur d'ordres de canaliser la créativité et les capacités d'exécution des entreprises vers des besoins du marché. Cette méthode a obtenu de nombreux résultats : technologies (écran tactile, assistant personnel Siri, internet, etc.), traitements contre l'Ebola, capteurs intelligents le long de la frontière canado-américaine, etc.