À l'époque de Lucien Bouchard, il était de bon ton de casser du sucre sur le dos de l'Ontario. L'ex-premier ministre péquiste se faisait fort alors de protéger le Québec «du vent froid de la droite et du gouvernement Harris», plus proche alors des libéraux de Jean Charest. Les deux provinces se rapprochèrent par la suite; un axe McGuinty-Charest était plus évident.

Mises entre parenthèses durant le règne de Pauline Marois, ces relations seront réactivées en novembre - la totalité du Conseil des ministres de Philippe Couillard se rendra dans la Ville Reine pour une réunion commune avec les membres du gouvernement ontarien. Une décision prise à la dernière réunion des premiers ministres provinciaux, l'été dernier.

Mais on risque d'entendre davantage parler de l'Ontario, dans un autre contexte, dans les prochaines semaines. Le comité de revue des programmes du gouvernement du Québec est présidé par l'ex-ministre Lucienne Robillard. Mais dans les cercles gouvernementaux, on constate que Robert Gagné, de HEC Montréal, et Claude Montmarquette, du groupe CIRANO, orientent passablement les réflexions. «C'est eux qui tirent le groupe», résume-t-on.

Quelle direction prendra le comité qui doit cibler 3,2 milliards à supprimer dans les programmes gouvernementaux? Regardez vers l'Ontario, confie-t-on. Un échange bien fugace hier avec Claude Montmarquette révèle que les comparaisons entre les finances publiques des deux provinces font l'objet de mises à jour. Avec Robert Gagné, et d'autres économistes, il avait, à la fin 2009, déposé un rapport dans la consultation prébudgétaire de Raymond Bachand. Le document était truffé de comparaisons avec le principal partenaire commercial du Québec. Depuis, l'Ontario «a traversé une crise économique plus sévère que nous, leur industrie était plus à risque», convient facilement Claude Montmarquette.

En dépit des déboires plus récents de nos voisins, bien des comparaisons tiennent toujours la route. En marge de son budget de juin, le ministre Carlos Leitao avait relevé que le poids des dépenses des administrations publiques dans l'ensemble de l'économie était toujours beaucoup plus important au Québec qu'en Ontario. En tenant compte du gouvernement provincial et des municipalités, les «dépenses publiques» au Québec comptent pour 28,7% de l'économie. En Ontario, c'est 22,2% pour 2013-2014. Le Québec est toujours bien moins riche que sa voisine, soit 44 595$ par habitant en 2012 contre 50 209$ en Ontario. Le tiers de la dette québécoise vient des déficits cumulés; c'est le quart en Ontario, même si la province a traversé des années de lourds déficits. La dette des déficits cumulés est plus importante en Ontario qu'au Québec, soit 167 milliards contre 119 milliards, mais ce doit être mis en perspective du fait que les Ontariens sont plus nombreux et plus riches. Dans une étude plus récente, le Fraser Institute relève que la dette directe en pourcentage du PIB atteint 49% au Québec, qui se démarque clairement des autres provinces à ce chapitre. L'Ontario est à 37,4%.

L'étude de Robert Gagné, qui dirigeait un groupe qui réunissait Claude Montmarquette, Pierre Fortin et Luc Godbout, a un peu vieilli. L'Ontario n'avait pas traversé encore les années de lourds déficits. Mais la toile de fond, la comparaison constante entre les choix de Québec et de Toronto, tient toujours la route. Dans des secteurs comme l'aide aux entreprises, l'agriculture et les transferts aux municipalités, le Québec dépense bien plus que son voisin.

Le constat du document Le Québec face à ses défis était percutant: le panier de services publics est toujours plus généreux au Québec. Même quand les deux provinces financent la même activité, la contribution du Québec est toujours plus importante.

Ainsi, si le Québec s'alignait sur l'Ontario pour définir le panier de services à sa population financés publiquement, il dépenserait annuellement 17,5 milliards de moins. Le Québec finançait 26% plus de services publics que l'Ontario, une situation qui n'a guère varié depuis 2010, explique-t-on. À l'époque, les économistes avaient évalué les dépenses de programmes des deux provinces en éliminant l'impact des prix et des salaires différents. En tenant compte des populations respectives, le Québec dépensait 1,5 milliard de plus que l'Ontario en santé, 1,4 milliard de plus en éducation et 5,4 milliards de plus pour la famille et les services sociaux. En transports et en communications, le Québec paie 4 milliards de plus qu'il ne débourserait s'il rajustait le panier de services avec ce qui est offert aux Ontariens.

Déjà le Québec payait beaucoup plus pour ses services de garderie, un secteur où Québec a l'intention de changer bien des choses. Les subventions par place étaient de 4600$ au Québec en 2005, contre 3300$ dans l'ensemble du Canada et 2300$ en Ontario. Québec paie beaucoup plus que l'Ontario pour les soins de longue durée. Ici, 23% des places d'hébergement appartiennent au secteur privé, alors que c'est 80% en Ontario.

À cause des distances et du rattrapage d'années de négligence, le secteur des transports coûte aussi beaucoup plus cher au Québec. L'accélération des dépenses d'infrastructures, notamment, fait que le financement de cette activité coûte, toute proportion gardée, 4 milliards de dollars de plus au Québec.

Troisième en importance, l'écart de 1,8 milliard pour le traitement des entreprises vient en bonne partie de crédits d'impôt plus généreux au Québec pour l'investissement, la recherche et de développement des régions. Aussi, les contributions de Québec au secteur agricole creusent le fossé entre les deux provinces sous l'angle des finances publiques.

Québec dépense relativement 1,5 milliard de plus en éducation. C'était en 2009 et cette réflexion a servi d'appui à la décision de hausser les droits de scolarité, unique source de la différence entre les deux provinces.

À l'époque, le comité avait brandi une baguette magique: la tarification. Mais il est vite apparu que l'équilibre ne se trouvait pas dans le prix des permis de pêche. Le comité proposera de revenir aux missions fondamentales de l'État, la santé, l'éducation, la justice et la protection de la sécurité publique.

Le reste, dont le coût est souvent démesuré par rapport à notre voisin, est sur la table de travail du comité Robillard.