Constatant le peu d'appui à sa position dans l'ensemble de la population, le Parti libéral du Québec (PLQ) annoncera sous peu qu'il se rapproche des recommandations de la commission Bouchard-Taylor en matière de signes religieux ostentatoires. Les policiers, les procureurs de la Couronne et les gardiens de prison ne devraient pas pouvoir afficher leur foi.

Les juges devraient également se voir interdire le port de signes religieux. Toutefois, au préalable, le chef Philippe Couillard tient à avoir l'avis du Conseil de la magistrature sur cette question délicate, qui touche à la séparation des pouvoirs.

Derrière les portes closes du caucus libéral, il y a deux semaines, le chef libéral avait ouvert la porte à la possibilité que son parti modifie sa position sur cette question délicate. Il a soutenu que sa position «avait évolué» depuis les dernières semaines.

Jusqu'ici, le PLQ avait comme position la liberté absolue quant au port de signes religieux; sa seule balise était que les services publics soient donnés et reçus à visage découvert.

Mais Philippe Couillard doit arbitrer un clivage important au sein de son caucus sur cette question. Les députés libéraux n'ont jamais été appelés à se prononcer formellement à ce sujet.

Deux camps

Or, depuis quelques semaines, plusieurs élus du «caucus rural» font pression pour que le parti abandonne une position jugée théorique, légaliste, mais peu politique. Ce groupe s'est réuni il y a quelques jours. Il comprend notamment Dominique Vien (Bellechasse) et Norbert Morin (Côte-du-Sud), deux élus qui avaient mordu la poussière en 2007 quand l'Action démocratique du Québec avait fait une campagne sur les valeurs identitaires.

Déjà, en marge d'un caucus à Rivière-du-Loup, à la fin du mois d'août, le critique économique Pierre Paradis avait pavé la voie à un tel ajustement. Philippe Couillard avait toutefois, sans équivoque, repoussé cette avenue dès le lendemain. Les sondages montrent cependant, depuis quelques semaines, que la liberté totale prônée par le PLQ n'a pas beaucoup de succès en région.

Dans l'autre camp, le chef parlementaire Jean-Marc Fournier et, dans une moindre mesure, les avocats Pierre Moreau et Marc Tanguay sont des tenants de la liberté sans limites - seul cas de figure où on peut être certain qu'un projet de loi traverserait le test des tribunaux.

En se rapprochant de Bouchard-Taylor, le chef libéral tendrait du même coup un rameau d'olivier à Fatima Houda-Pepin, qui adhère à cette recommandation de Bouchard-Taylor. Il s'est entretenu avec sa députée dissidente au cours de la fin de semaine. Au sein du caucus, bien des libéraux craignent que la députée de La Pinière ne claque la porte, ce qui porterait sérieusement ombrage à l'image du parti auprès de l'électorat francophone et en région.

Le président du comité du PLQ sur cette question, l'ancien bâtonnier Gilles Ouimet, a aussi le mandat de préparer un projet de loi pour combattre l'intégrisme religieux. Un comité de surveillance est envisagé - Québec mettrait en place des directives pour les cas de protection de la jeunesse et plus d'encadrement pour les écoles islamiques.

Houda-Pepin veut rester

Dans une lettre rendue publique hier, la députée Fatima Houda-Pepin se dit prête à «collaborer» à la démarche de son parti sans tourner le dos à ses principes. Elle sera présente au caucus aujourd'hui.

Elle ne précise pas si, comme le lui a demandé publiquement son chef Philippe Couillard vendredi, elle est prête à faire amende honorable devant ses collègues du caucus libéral. Elle avait quitté, furieuse, la réunion la semaine dernière après avoir croisé le fer avec M. Couillard, parce qu'on lui avait demandé de laisser tomber son projet de loi.

«Je suis libérale et loyale à mon chef et à mon parti. Je ne veux pas me retrouver dans une situation où on me force à renier soit mes convictions profondes ou mon attachement au Parti libéral du Québec», écrit-elle. Dans son communiqué, elle confirme qu'on lui avait demandé de mettre «sous le tapis» le projet de loi qu'elle préparait pour combattre l'intégrisme religieux. «J'ai refusé de mettre le projet de loi sous le tapis et j'ai accepté cependant, en femme d'équipe, d'agir comme personne-ressource pour le nouveau comité», écrit-elle également.