Le processus visant à légaliser l'aide médicale apportée aux mourants souhaitant qu'on abrège leurs jours a franchi une étape importante, mardi, avec l'adoption de principe du projet de loi 52.

Mais le projet de loi est loin de faire l'unanimité à l'Assemblée nationale, alors que 25 députés libéraux, soit plus de la moitié du caucus qui en compte 48, de même qu'une députée caquiste, ont voté contre.

Au total, sur les 110 députés présents en Chambre au moment du vote, 84 ont voté en faveur, dont tous les députés péquistes, 26 ont voté contre et il n'y a eu aucune abstention.

Sur cette question délicate, d'ordre moral, donc faisant appel à des convictions intimes, les différentes formations politiques avaient laissé leurs députés libres de voter selon leur conscience, délaissant pour un temps les lignes de parti.

Le projet de loi controversé a donc obtenu le feu vert pour être examiné article par article dans les semaines qui viennent, avant le vote pour son adoption finale.

Défendu par la ministre Véronique Hivon, le document vise à fixer les balises devant encadrer les demandes d'aide formulées aux médecins par les grands malades en phase terminale désireux d'en finir avec la vie.

Du bout des lèvres, le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, lui-même médecin, a dit que s'il était député il aurait voté en faveur de l'adoption de principe, tout en se montrant fort critique envers le libellé du projet de loi, qu'il juge beaucoup «trop flou» quant à la définition même du concept de «fin de vie».

«J'ai moi-même vécu ces situations de fin de vie de façon répétée», a commenté M. Couillard, en point de presse, en faisant référence à ses années de pratique de neurochirurgien.

Il s'est dit «profondément» mal à l'aise avec l'idée de légaliser «le geste actif causant la mort», et encouragera donc ses députés à proposer des amendements destinés à mieux définir le concept de «fin de vie», de manière à rendre vraiment «exceptionnel» le recours à la sédation mortelle.

Ce qu'on appelle «l'aide médicale à mourir» est un «euphémisme» pour parler en fait d'euthanasie, à ses yeux.

La ministre Hivon a pourtant maintes fois indiqué que le but recherché consistait à assurer la primauté du respect des mourants, lorsqu'ils demandent formellement à un médecin d'intervenir pour qu'on mette fin à leurs souffrances.

«Nous sommes à la hauteur des attentes et des espoirs que la population met en nous», a dit la ministre Hivon, peu après le vote.

«Je suis heureuse pour les gens qui sont en fin de vie», a-t-elle ajouté, car ils trouveront grâce à cette loi «la meilleure réponse possible à leurs souffrances».

La loi viendra préciser les conditions à partir desquelles un malade pourra recevoir en toute légalité une sédation palliative terminale entraînant la mort sur-le-champ.

Un médecin qui administrera la médication létale ne sera donc plus passible de poursuites, comme c'est le cas aujourd'hui.

Il ne s'agit pas ici d'euthanasie, car l'encadrement prévu, très strict, stipule que l'acte médical devra suivre une demande explicite du malade, et sera réservé au milieu hospitalier uniquement, a expliqué la ministre. De plus, pour être admissible à la sédation létale, un patient devra être majeur, lucide et atteint d'une maladie incurable.

Malgré ces balises, certains députés libéraux sont carrément opposés à cette législation. «L'aide médicale à mourir, c'est de l'euthanasie!», s'est exclamée la députée Marguerite Blais, en plaidant pour de meilleurs soins palliatifs et persuadée de «prendre une grave décision» en votant contre le projet.

D'autres députés libéraux, ambivalents, ont hésité jusqu'à la dernière minute et ont voté finalement en faveur du projet de loi pour mieux pouvoir l'amender à l'étape de l'étude détaillée, article par article.

Dans le camp de ceux qui se sont affichés ouvertement en faveur du projet de loi 52, on trouve l'ex-ministre de la Santé, lui-même médecin, Yves Bolduc, partisan du «principe de compassion» envers les malades.

«Dans certains cas, (l'aide médicale à mourir) c'est une solution qui peut être envisagée», a soutenu M. Bolduc, qui proposera quand même des amendements «pour éviter des possibilités de dérapage».

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a voté lui aussi en faveur du projet de loi 52 et a jugé que la ministre Hivon avait fait «un très bon travail» dans ce dossier complexe.

Une seule députée caquiste a voté contre le projet de loi 52: la députée de Montmorency, Michelyne St-Laurent.