Devant ses militants réunis en conseil national, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a tiré à boulets rouges sur le mouvement de centre-droit que veut lancer François Legault. Laisser de côté la question nationale comme veut le faire l'ancien ministre péquiste, c'est «abdiquer», «refuser de défendre les intérêts et les valeurs du Québec», a-t-elle tonné samedi.

Après avoir banalisé les «jasettes» de M. Legault il y a deux semaines, Pauline Marois a décidé de passer à l'offensive contre son projet en gestation. Un sondage CROP a révélé cette semaine qu'un hypothétique parti mené par M. Legault  récolterait pas moins de 39% des suffrages, presque autant que le PLQ et le PQ réunis.

Sans jamais prononcer le nom de son ancien collègue, la chef péquiste a critiqué son initiative, en particulier l'idée de laisser de côté la question nationale pour se concentrer sur d'autres enjeux.

«On a entendu, ces derniers temps, une idée pour le moins intrigante, troublante. On dit que le Québec aurait peut-être besoin d'un nouveau parti. Un nouveau parti qui, selon certains, devrait mettre de côté la question nationale. Je pensais pourtant qu'il y avait déjà un parti qui faisait ça : le Parti libéral du Québec», a-t-elle lancé.

Elle a associé à une autre occasion le mouvement que veut lancer M. Legault aux libéraux. «Faudrait-il un nouveau parti pour faire payer les Québécois, faire payer la classe moyenne, pour les erreurs libérales? Moi, je pensais que Raymond Bachand s'en était déjà pas mal occupé avec son budget», a-t-elle dit.

«Il faut être sérieux : mettre de côté la question nationale, ça veut dire qu'on refuse de défendre les intérêts et les valeurs du Québec, a ajouté Mme Marois. Évacuer la question nationale, ça signifie abdiquer.»

Le PQ place la question nationale «au centre de chacune de ses positions et de ses actions», et «c'est comme ça qu'on combat l'immobilisme qu'il y a au Québec», a-t-elle plaidé.

La chef péquiste a énuméré des litiges entre Québec et Ottawa qui prouvent à ses yeux que la question nationale est incontournable. «On entend des gens dire qu'il faut s'occuper des « vraies affaires ». La loi 101 est charcutée par la Cour suprême. L'avenir du français au Québec, ce n'est pas une vraie affaire, ça? Ottawa refuse de nous rendre nos deux milliards pour l'harmonisation des taxes comme il l'a fait pour l'Ontario. Deux milliards de dollars, ce n'est pas une vraie affaire?» a-t-elle dit.

«Le Québec est une nation à part entière, mais le Canada refuse de le reconnaître dans les faits et il faudrait évacuer cette question? On ne peut pas évacuer la souveraineté sans du même coup renoncer à défendre nos intérêts, nos valeurs, nos droits, notre langue, ce que nous sommes», a-t-elle poursuivi.

Selon elle, «la pire situation pour la nation québécoise, c'est justement le statu quo». Elle a affirmé qu'«on a besoin de changement» et qu'un gouvernement péquiste l'incarnerait.

Des députés du PQ ont cherché à minimiser l'engouement pour un éventuel parti mené par M. Legault. Ils ont souligné que l'ancien ministre n'a pas l'intention de créer un parti pour le moment et que son programme est encore inconnu. «Lorsque l'article premier d'un programme d'un parti hypothétique, dirigé par un dirigeant hypothétique sera : acceptez vous de doubler les tarifs d'électricité, d'augmenter les impôts, tout à coup vous allez voir que ces chiffres vont fondre comme de la neige au soleil», a dit Sylvain Simard.

«Attendons voir ce qu'il va mettre sur la table et voyons s'il va rester à 39%, a affirmé Bernard Drainville. C'est quoi qu'il va proposer, là? Il va proposer quoi sur les tarifs d'électricité? Il va proposer de les augmenter encore plus vite que les libéraux? Au lieu de doubler, il va falloir tripler les frais de scolarité? C'est quoi qu'il va mettre sur la table? Avant de s'emballer pour un parti qui n'existe pas encore, voyons les idées qu'ils vont mettre de l'avant.»

Pour le successeur de M. Legault dans Rousseau, Nicolas Marceau, «c'est indéniable» que le projet de l'ancien ministre péquiste «soulève un intérêt» chez les militants. Mais «il y a une surprise quant au fait que Francois Legault pourrait s'éloigner de la souveraineté, une surprise ou une déception, pour le moment il y a une part d'incrédulité chez les militants».

François Rebello, qui a été longtemps un supporter de M. Legault, se dit «mal à l'aise avec le raisonnement» de l'ancien ministre. «Il voudrait qu'on ne parle pas de la question nationale, mais moi je ne pense pas que c'est une bonne solution. Quand on croit à la souveraineté du Québec, il faut que ce soit au centre de notre engagement politique. Je ne vois pas comment je pourrais être dans un parti politique qui n'a pas comme premier objectif de faire la souveraineté», a-t-il affirmé.

La présidente du comité national des jeunes du PQ, Christine Normandin, juge que l'engouement pour le projet de M. Legault sera «éphémère».

Dans son discours, Pauline Marois a répliqué à Bernard Landry, qui lui reproche d'avoir renoncé à promettre la tenue d'un référendum «le plus rapidement possible» dans un premier mandat. «L'article 1 du programme que nous adopterons en avril prochain énoncera très clairement ce que nous avons pour objectif, c'est-à-dire réaliser la souveraineté du Québec. Ce qui a changé, c'est que nous allons rompre avec l'attentisme», a-t-elle dit.

Les députés se sont montrés agacés par la sortie de Bernard Landry. «Les Québécois sont ben ben tannés de voir les péquistes se chicaner sur la date du prochain référendum, a dit Bernard Drainville. Ce qu'ils veulent savoir, c'est les raisons pour lesquelles ils devraient voter pour la souveraineté. Ce n'est pas en mettant un X sur le calendrier qu'on va convaincre un seul Québécois de voter pour la souveraineté. On l'a déjà essayé la stratégie de la date et de l'heure, mais ça n'a pas marché et ce n'est pas à M. Landry qu'on va apprendre ça. M. Landry a le droit de débattre, mais la question du calendrier on l'a réglé.»

Le président de la commission politique, Daniel Turp, a reproché à mots couverts à M. Landry d'être déloyal. «J'ai toujours pensé que quand on est un membre du parti québécois on doit être solidaire de sa chef. Notre chef a fait l'unité de ce parti. Je souhaiterais et j'apprécierais si M. Landry était de ceux qui croyaient que le Parti québécois sous la gouverne de Mme Marois peut bien gouverner le Québec et faire un pays», a-t-il dit.

Dans son discours, Pauline Marois a condamné le bâillon imposé par le gouvernement pour forcer l'adoption de la loi 115 sur l'accès à l'école anglaise. Elle a reproché au gouvernement de procéder à une «vente de feu» des ressources naturelles du Québec. Elle a longuement critiqué le travail de la ministre Nathalie Normandeau, que l'on considère comme une aspirante à la succession de Jean Charest. Au conseil national, des députés ont fait des exposés sur l'exploitation des ressources naturelles et le développement durable; ce fut l'essentiel du programme.

Accusant le Parti libéral d'être «corrompu», Pauline Marois a promis un «grand ménage» si son parti est porté au pouvoir. «Le Parti québécois, lui, n'est pas à vendre. Vous savez, on dit bien des choses à mon sujet, on en dit pas mal d'ailleurs, mais il y a une chose en tout cas : je ne suis pas achetable!» a-t-elle lancé.