Le Canada ne jettera pas aux orties les principes qui lui sont chers, notamment sa ferme opposition à la peine de mort, lorsqu'il négociera un traité d'extradition avec la Chine, affirme le premier ministre Justin Trudeau.

Alors qu'il s'apprête à accueillir le premier ministre chinois Li Keqiang aujourd'hui à Ottawa pour une visite officielle de trois jours, M. Trudeau s'est défendu de vouloir brader des principes comme la primauté du droit dans le but d'établir de meilleures relations avec la Chine en négociant un tel traité.

En conférence de presse afin de marquer la reprise des travaux de la Chambre des communes - il était à New York au début de la semaine afin de participer aux délibérations de la 71e session de l'Assemblée générale des Nations unies - M. Trudeau a affirmé que le Canada demeure fermement opposé à la peine capitale, toujours utilisée en Chine, et que son gouvernement n'enverrait jamais un individu dans un pays où il pourrait être exécuté ou torturé.

« Le Canada a toujours eu des attentes extrêmement élevées par rapport aux traités d'extradition avec n'importe quel pays. Notre engagement contre la peine de mort, qui est en vigueur depuis 40 ans, veut dire que même avec un pays comme les États-Unis, on ne fait pas d'extradition si quelqu'un fait face à la peine de mort. D'ailleurs, c'est quelque chose qui est très important pour moi personnellement », a affirmé M. Trudeau.

Le premier ministre a indiqué que son cabinet a rapidement infirmé une décision de l'ancien gouvernement Harper qui avait laissé à la discrétion du gouvernement la décision de défendre les droits d'une personne condamnée à la peine de mort dans un pays étranger.

« Nous avons remis cela comme c'était avant, c'est-à-dire que le gouvernement canadien est obligé de défendre les intérêts de tout Canadien qui fait face à la peine de mort. J'y crois et je sais que les Canadiens tiennent à ce qu'on défende nos principes et nos valeurs et c'est ce que nous allons faire dans toutes circonstances », a déclaré le premier ministre.

Le quotidien The Globe and Mail a rapporté cette semaine que des négociations ont été lancées entre Ottawa et Pékin le 12 septembre, dans le cadre de la réunion inaugurale du Dialogue sur la sécurité nationale et la primauté du droit, quelques jours seulement après la fin de la première visite officielle de M. Trudeau en Chine.

La rencontre était coprésidée par Daniel Jean, conseiller à la sécurité nationale du premier ministre canadien, et Wang Yongqing, un haut responsable du Parti communiste chinois.

Alors que ces négociations commençaient, les autorités chinoises ont décidé de libérer le ressortissant canadien Kevin Garratt, qui était détenu en Chine depuis plus de deux ans et était accusé de s'être livré à des activités d'espionnage.

Les partis de l'opposition se disent préoccupés de voir que le gouvernement Trudeau a entrepris de telles négociations avec la Chine pour conclure un traité d'extradition. Le Parti conservateur et le NPD ont souligné que la Chine demeure un pays où la dissidence est passible d'emprisonnement et où la peine de mort est fréquemment imposée par les tribunaux.

À l'issue d'une réunion de son caucus, le chef du NPD, Thomas Mulcair, a invité M. Trudeau à la plus grande prudence.

« Quel serait l'intérêt du Canada à avoir un traité d'extradition avec la Chine? Vous savez, une dictature ce n'est pas une bonne chose. Ce n'est pas quelque chose de banal. On n'a pas de droits fondamentaux. Il n'y a pas de garantie que la primauté du droit existe devant les tribunaux parce que les tribunaux ne sont pas indépendants. (...) Quand on signe un traité d'extradition, c'est parce qu'on partage des valeurs de base. Quelles valeurs on partage en termes des droits de la personne avec la Chine? C'est la vraie question qu'il faut se poser », a-t-il dit.