On savait que Michael Ignatieff prenait le relais de Stéphane Dion comme chef du Parti libéral fédéral. On savait que la coalition des partis de l'opposition avait du plomb dans l'aile. Tout cela s'est confirmé hier. Ce qu'on savait moins, toutefois, c'est que M. Ignatieff est prêt à renverser le gouvernement Harper s'il considère que le prochain budget n'est pas à la hauteur. Et aussi qu'il entend se rapprocher, et vite, des libéraux québécois. Et de Jean Charest en particulier.

Le nouveau chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, affirme qu'il n'hésitera pas un seul instant à renverser le gouvernement minoritaire de Stephen Harper en janvier s'il ne dépose pas un budget adéquat pour permettre au pays d'affronter la récession économique.

 

Sitôt confirmé dans ses fonctions par le caucus libéral et l'exécutif national du PLC, M. Ignatieff n'a donc pas perdu de temps à servir un sérieux avertissement au premier ministre.

S'il juge que le prochain budget ne répond pas «à l'intérêt national», M. Ignatieff a indiqué qu'il proposera à la gouverneure générale Michaëlle Jean de former un gouvernement de coalition comprenant le PLC et le NPD et appuyé par le Bloc québécois.

Ainsi, le nouveau chef libéral maintient intact le projet de coalition pour le moment afin d'accentuer la pression sur les conservateurs de Stephen Harper.

Répondant à l'invitation à collaborer pour préparer le prochain budget, lancée la veille par le premier ministre dans le cadre d'une entrevue accordée au réseau CBC, M. Ignatieff a affirmé qu'il incombait plutôt à M. Harper de faire les premiers pas.

«Après avoir perdu la confiance de la Chambre, après avoir précipité une crise nationale, après avoir soulevé des tensions entre les groupes du Canada, ce n'est pas à moi de tendre la main. C'est plutôt au premier ministre. (...) Et M. Harper sait où il peut me trouver», a tranché M. Ignatieff, manifestement combatif en conférence de presse hier après-midi.

Il a ajouté que son parti compte proposer une série de mesures pour relancer l'économie canadienne au cours des prochaines semaines et que M. Harper devra en tenir compte dans son prochain budget.

«Notre parti va voter une motion de censure contre ce gouvernement s'il ne présente pas un budget qui soit dans l'intérêt national de notre pays et qui soit à la hauteur de la crise économique», a affirmé M. Ignatieff.

Quant à l'avenir de la coalition entre le PLC, le NPD et le Bloc québécois, conclue par son prédécesseur Stéphane Dion, M. Ignatieff a dit ne pas vouloir renégocier les termes de cette entente.

Ainsi, si le gouvernement Harper est défait lors du vote de confiance portant sur le budget, M. Ignatieff croit être en mesure de diriger un gouvernement de coalition stable capable d'offrir le remède qui doit être administré à l'économie canadienne, déjà en récession selon l'évaluation de la Banque du Canada.

«M. Harper doit comprendre que je suis prêt à diriger un gouvernement de coalition, si la gouverneure générale m'invite à le faire, qui pourra offrir aux Canadiens un leadership à la hauteur de la situation de crise que nous traversons», a dit M. Ignatieff.

Rencontre au sommet

Hier, Stephen Harper a téléphoné à Michael Ignatieff pour le féliciter de sa nomination comme chef libéral et pour l'inviter à le rencontrer le plus rapidement possible pour discuter du prochain budget que doit déposer le ministre des Finances Jim Flaherty le 27 janvier.

Accueil triomphal et unité du parti

Plus tôt dans la journée, M. Ignatieff a été accueilli en véritable héros par ses troupes lors de la réunion du caucus. «Il y a eu une très bonne réception et c'était unanime», a déclaré le président du caucus libéral, le député Anthony Rota, en parlant de la décision que ses collègues ont prise de recommander à l'exécutif national que Michael Ignatieff devienne le nouveau chef. Après une brève consultation avec des membres du parti, l'exécutif a annoncé sa décision d'entériner la recommandation en début d'après-midi.

À la sortie de la réunion, hier midi, les commentaires allaient tous dans le même sens: le parti est plus uni que jamais. «Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu autant d'unité, a déclaré le sénateur québécois Francis Fox. Ça remonte à avant les guerres Chrétien-Martin, avant les divisions Chrétien-Turner.»

«Je suis très fière d'être libérale aujourd'hui», a lancé la députée de Notre-Dame-de-Grâce-Lachine, Marlene Jennings. Très impliquée dans les négociations de coalition, Mme Jennings était une partisane de première heure de Stéphane Dion.

«Des hommages ont été rendus à M. Dion par le président, par les deux anciens candidats à la chefferie, par M. Ignatieff lui-même... Ça s'est vraiment fait dans l'unité et la sérénité», a expliqué Mme Jennings.

«C'est un nouveau départ pour nous», a pour sa part déclaré le député ontarien David McGuinty.

Même l'ancien chef libéral Stéphane Dion s'est solidement rangé derrière son nouveau patron. «Je suis très fier de mon parti. J'ai confiance que nous allons pouvoir aider les Canadiens durant ces temps difficiles. Je suis fier de quitter de manière à donner aux Canadiens un grand leader en Michael Ignatieff», a dit M. Dion un groupe de journalistes après le caucus.