(Québec) France-Élaine Duranceau admet que sa nouvelle loi sur l’habitation, qui visait justement à « protéger les gens contre les évictions », n’est pas suffisante. La ministre déposera jeudi un deuxième projet de loi pour « renforcer la protection des locataires », dont les aînés.

Ce qu’il faut savoir

  • Adoptée en février, la nouvelle loi sur l’habitation (projet de loi 31) réduit la portée de la cession de bail, donne des « superpouvoirs » aux villes pour bâtir des logements plus rapidement et ajoute à la loi un dédommagement lorsqu’un propriétaire évince un locataire, par exemple.
  • Malgré son adoption, Québec solidaire a talonné le gouvernement Legault pour qu’il élargisse la portée de la « loi Françoise David » pour mieux protéger les aînés des évictions. Québec a appelé le projet de loi solidaire au cours de l’hiver, mais montrait peu d’ouverture à son adoption.
  • La ministre France-Élaine Duranceau choisit finalement de déposer son propre projet de loi qui viendra « limiter le droit d’éviction des locateurs et renforcer la protection des locataires aînés ».

La ministre de l’Habitation déposera finalement son propre texte législatif « limitant le droit d’éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés ». Le projet de loi contiendrait des mesures spécifiques pour contrer les évictions, tant pour les aînés que pour l’ensemble des locataires.

C’est un changement de cap du gouvernement Legault; la ministre a répété au cours des dernières semaines que sa loi sur l’habitation (projet de loi 31) – adoptée il y a tout juste trois mois – venait « protéger les aînés et l’ensemble des Québécois ».

France-Élaine Duranceau a admis mardi que sa nouvelle loi et « toutes les mesures que [le gouvernement] met de l’avant pour augmenter l’offre et construire plus rapidement » n’ont « pas un effet immédiat » sur les locataires. Cet élément, combiné aux effets « de l’arrivée massive d’immigrants non permanents » qui exerce « une pression intense » sur le logement, justifie le dépôt de nouvelles mesures, selon elle.

« Je pense que dans ce contexte-là, ça va prendre et ça prend des mesures exceptionnelles. Et puis c’est ça le projet de loi qu’on va déposer prochainement », a-t-elle indiqué, sans en préciser le contenu.

L’idée, c’est de faire en sorte que les Québécois vont passer à travers la crise du logement d’une manière plus humaine. On va la traverser plus humainement. [Ce sont] des mesures qui, je pense, vont avoir un effet concret très bénéfique pour réduire le stress, pour plusieurs, pour l’ensemble des Québécois et aussi, particulièrement pour les aînés.

la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau

Depuis février, elle explique avoir « continué d’analyser les mesures » et être « allée chercher toutes les informations dont [elle] avait besoin pour amener tout le monde à la bonne place ».

Québec solidaire, qui talonne le gouvernement Legault pour qu’il élargisse la « loi Françoise David », se réjouit des intentions de la ministre. La formation y voit un lien direct avec ses démarches.

« On attend avec impatience de voir le contenu de ce projet de loi pour voir jusqu’où elle va être prête à aller, mais moi, ce que j’ai vu de la ministre, ce matin, c’est qu’elle avait fait beaucoup de chemin depuis les derniers mois, puis ça, c’est grâce au travail puis à la mobilisation qui ont été faits », a souligné la députée solidaire Christine Labrie, qui sortait d’une rencontre avec Mme Duranceau, en matinée.

« S’il n’y avait pas eu ce travail-là, on se serait sans doute arrêtés au projet de loi 31 », a ajouté le chef parlementaire Gabriel Nadeau-Dubois. « Ça n’arrive pas souvent qu’un parti d’opposition puis des groupes citoyens soient capables de faire évoluer la position d’un gouvernement, et on a le pressentiment que c’est ce qui va se produire dans les prochains jours », a-t-il ajouté.

Selon nos informations, le projet de loi de Mme Duranceau répondrait partiellement aux demandes de Québec solidaire.

Revirement

Le gouvernement Legault a accepté l’hiver dernier d’appeler le projet de loi de Québec solidaire visant l’élargissement de la « loi Françoise David », qui précise qu’un aîné de plus de 70  ans avec un revenu très faible et qui habite son logement depuis plus de 10 ans ne peut être évincé. La formation de gauche demande notamment que les aînés de 65 ans et plus soient inclus.

Il est peu fréquent que le gouvernement appelle les projets de loi de l’opposition. Dans ce cas-ci, cela avait été négocié en échange du recours au bâillon pour l’adoption de la réforme en santé de Christian Dubé, en décembre. Malgré ce geste, Mme Duranceau avait démontré peu d’ouverture à aller plus loin, assurant que sa loi faisait le travail.

« On va en débattre, on va écouter leurs arguments. Ça a été amplement débattu dans le cadre de la loi 31, mais on va écouter à nouveau. Ceci dit, je tiens à réitérer que la loi 31 est venue agir contre les évictions. Elle fait son œuvre sur le terrain, je l’entends », plaidait Mme Duranceau, le 28 mars dernier. Le leader parlementaire, Simon Jolin-Barrette, avait même affirmé de son côté que le débat avait déjà eu lieu.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, avait par ailleurs qualifié l’affaire de « pièce de théâtre », puisqu’il ne croyait pas que ce projet de loi issu d’une ronde de négociations entre la CAQ et QS déboucherait sur des politiques publiques concrètes.

Mardi, le député péquiste Pascal Bérubé n’a pas voulu concéder qu’il s’agissait d’un gain pour Québec solidaire. « S’ils veulent le voir comme ça, je pense qu’ils en ont bien besoin […] Attendons de voir ce qui va être déposé », a indiqué le député de Matane-Matapédia.