(Québec) Éclaboussée par une controverse sur un courriel transmis par son équipe, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, devrait faire « amende honorable », présenter des excuses et prendre ses responsabilités, a réclamé le Parti québécois (PQ) lundi.

La semaine dernière, le cabinet de la ministre a répondu à une demande répétée de La Presse Canadienne avec un courriel interne destiné à un autre membre du personnel : « Relance. Je la ghoste encore ? Sinon, réponse générale qui répond pas pour dire que l’Habitation c’est une priorité pour notre gouvernement ? »

Le verbe familier « ghoster » vient de l’anglais « to ghost », qui signifie ignorer délibérément des messages et des appels.

Une responsable des communications du gouvernement a par la suite reconnu que c’était une erreur et que le personnel ne savait pas trop comment gérer la demande de renseignement de La Presse Canadienne, qui portait précisément sur la reconnaissance ou non du droit au logement à titre de droit fondamental.

La ministre, qui a été souvent écorchée dans l’actualité des derniers mois, a ensuite tenté de s’expliquer sur la plateforme X.

« Répondre aux journalistes fait partie de notre travail de tous les jours. Nous prenons cet exercice très au sérieux. »

« Maladresse révélatrice »

« Je pense que c’est un manque de respect » du cabinet de vouloir ignorer les demandes des journalistes, « une maladresse assez révélatrice », a pour sa part estimé le député péquiste Joël Arseneau, en entrevue avec La Presse Canadienne lundi.

La ministre « fait un message pour ne rien dire en disant qu’ils prennent au sérieux le rôle d’informer les médias et la population, mais on a la démonstration du contraire qui vient juste d’être faite », a-t-il poursuivi.

L’aveu contenu dans le message interne, c’est-à-dire une réponse « qui ne répond pas », est consternant, selon lui.

« C’est de la communication politique de bas niveau », a-t-il estimé, en ajoutant que la ministre s’est réfugiée dans la « langue de bois » plutôt que de reconnaître l’erreur de son cabinet et répondre aux questions de fond.

« La ministre ne s’est pas excusée, n’a pas fait amende honorable, n’a pas dit : “je prends la responsabilité, nous allons faire mieux à l’avenir.” »

Droit humain

La demande adressée au cabinet de la ministre faisait partie d’une collecte de renseignements plus large : La Presse Canadienne a demandé à chaque province si elle était d’accord avec la défenseure fédérale du logement selon laquelle le logement constitue un droit humain, et si elle avait l’intention d’adopter une loi garantissant ce droit.

La plupart des provinces n’ont pas répondu directement aux questions, en dressant une longue liste d’initiatives lancées pour faire face à la crise du logement qui couvait.

L’Île-du-Prince-Édouard a répondu avec un lien vers sa Loi sur la location résidentielle, dont la première ligne reconnaît que le Canada a signé un traité des Nations unies affirmant que le logement constitue un droit humain – bien que les détracteurs soulignent qu’il n’y a rien dans la loi provinciale qui vient soutenir ce droit par la suite.

Le gouvernement Legault a donc répondu à la requête en envoyant un courriel où l’interlocuteur propose une « réponse générale » pour dire que « l’Habitation c’est une priorité pour notre gouvernement ».

La ministre a pour sa part évoqué dans son message sur X que « l’accès au logement est une priorité pour notre gouvernement ».

« C’est le vide sidéral d’une déclaration qui ne va pas au fond des choses », a conclu M. Arseneau.

Il a rappelé que pendant les débats sur l’adoption du projet de loi 31 sur l’habitation, il avait souvent questionné la ministre sur la reconnaissance du droit au logement, en vain.

La mise en œuvre de cette pièce législative a été houleuse. La ministre a été chargée de réformer les règles de protection des locataires et la construction de logements sociaux. Issue du monde des courtiers immobiliers, elle a réduit les possibilités de cession de bail et ses déclarations ont pu être interprétées comme un manque de sensibilité envers les locataires.