(Québec) Après s’en être pris au « lobby des villes », François Legault affirme que pour les maires, il est « plus facile de quêter à Québec » que de « faire le ménage dans leurs dépenses ». Le premier ministre a défendu sa ministre Geneviève Guilbault, critiquée de toutes parts.

« Je pense qu’on fait notre part, il faut aussi que les villes fassent leur part. Je comprends par contre que les maires voudraient avoir plus d’argent du gouvernement du Québec. Mais, je ne tombe pas sur le derrière là, ça fait assez longtemps que je suis en politique pour savoir, les maires, c’est toujours plus facile de quêter à Québec que […] de faire le ménage dans leurs dépenses », a décoché M. Legault, jeudi.

Ce dernier a répondu aux questions de journalistes en marge d’une annonce sur la création du Musée national de l’histoire du Québec, qui remplacera le concept abandonné des Espaces bleus. Le premier ministre ne s’était pas adressé aux médias depuis près de deux semaines.

Les déclarations controversées de Geneviève Guilbault, qui a affirmé mercredi, lors de l’étude des crédits de son ministère, que la gestion du transport collectif et des sociétés de transport « n’est pas une mission » de l’État, ont éclipsé l’annonce du gouvernement. Le maire Bruno Marchand, qui était sur place, venait d’ailleurs de déclarer ne plus faire confiance à la ministre parce « qu’il n’y a pas de vision pour la mobilité durable ».

« Les transports, pour elle, c’est de développer des routes […] Avec ça, on revient au Temps d’une paix », a décoché le maire de Québec, en référence à cette série québécoise campée dans l’entre-deux-guerres.

« On a eu l’occasion de se voir en privé tantôt », a précisé M. Legault. « J’ai totalement confiance en Geneviève Guilbault. Maintenant, ce que je dis au maire Marchand, c’est : regardons en avant. Regardons en avant, dans deux mois, pas dans deux ans, on va avoir un rapport de la Caisse de dépôt et de ses experts », a-t-il poursuivi faisant référence au mandat d’analyse d’un projet de transport structurant à Québec.

Valérie Plante a aussi vivement réagi aux propos de la ministre des Transports et de la Mobilité durable.

On apprenait cette semaine que les maires du Grand Montréal ont menacé Québec d’imposer jusqu’à 228 $ en taxe par auto sur tout le territoire métropolitain dès l’an prochain pour renflouer les transports en commun. Le maire de Laval, Stéphane Boyer, a écrit dans une lettre ouverte que « le bateau est en train de couler », en ajoutant que « personne ne semble en mesure de répondre à l’appel ».

« Je ne suis pas du tout surpris de voir les maires de Montréal et de Québec nous demander plus d’argent », a répété M. Legault, rappelant qu’il faut « faire la différence » entre les infrastructures et la gestion des opérations des sociétés de transport. Le premier ministre a, à nouveau, donné l’exemple des employés municipaux qui gagnent 30 % de plus que leurs vis-à-vis provinciaux.

« Il faut aussi que les municipalités fassent leur part, quand on regarde les salaires, mettons, du SPVM et de la SQ, il est temps que les municipalités négocient serré avec leurs employés », a-t-il lancé.

Le « lobby des villes »

François Legault a eu à défendre sa ministre lors de la période de questions, un peu plus tôt jeudi. « Ce qu’a dit la vice-première ministre, c’est que ce n’est pas le rôle du ministère des Transports ou du gouvernement du Québec [de] gérer dans le quotidien, les opérations de la [Société de transport de Montréal] et de la [Société de transport de Laval] », a-t-il dit, talonné par Québec solidaire et le Parti québécois.

En passant à l’attaque, François Legault a accusé Québec solidaire d’être « le lobby des villes » qui demandent au gouvernement d’éponger à nouveau une partie du déficit des sociétés de transport collectif.

Le manque à gagner pour les sociétés de transport du Grand Montréal est évalué à plus d’un demi-milliard de dollars pour 2025. Québec a injecté plus de 2 milliards pour aider les transporteurs depuis la pandémie. La ministre Geneviève Guilbault doit rencontrer les municipalités prochainement.

En mêlée de presse, la ministre a nuancé quelque peu ses déclarations. « Peut-être que mes propos ont été mal exprimés ou ont porté à confusion. Mais, je veux être très, très claire : je maintiens que le gouvernement n’a pas à s’ingérer dans la gestion des sociétés de transport », a-t-elle expliqué. Elle admet néanmoins que « soutenir le transport collectif, c’est une mission de l’État ».

En Chambre, elle a rappelé que la gestion des opérations relève « des gestionnaires des sociétés de transport, qui ont des conseils d’administration qui, ultimement, sont chapeautés par les municipalités ».

« Malgré tout, on paie une grande part de leur déficit. Est-ce qu’il trouve ça normal que les déficits des sociétés de transport soient systématiquement refilés au gouvernement ? Et que nous, on devrait comme ça les payer systématiquement sans demander de comptes à rendre ? Ça n’a pas de sens », a ajouté la ministre en réponse aux questions de député Étienne Grandmont.

Ils ont dit

Le premier ministre dit qu’on a mal compris puis que, la ministre, elle voulait juste dire : ce n’est pas mon travail de microgérer. C’est drôle, parce que […] la ministre a fait exactement ça, dans le dossier du tramway, microgérer le projet. Elle voulait même microgérer le coin René-Lévesque-Cartier, il ne fallait pas qu’il y ait de rues partagées. Ça n’en était pas, ça, de la microgestion ?

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

Selon [la ministre], l’État québécois n’a pas comme mission de gérer le transport collectif. Donc, ceci explique cela, là. Après six ans, la CAQ n’a pas à gérer le transport collectif dans son esprit, tellement qu’elle n’a pas commencé à remplir une seule de ses promesses. Dans les faits, ce gouvernement a saboté davantage de projets qu’il n’en a réalisés.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

La ministre s’intéresse plus aux routes qu’au transport collectif. Et donc, quand les acteurs du milieu nous disent qu’on ne nous écoute pas et qu’il n’y a pas de dialogue avec Québec, vous avez eu hier la démonstration claire qu’une ministre d’un gouvernement caquiste, pour elle, la mobilité durable, ça ne l’intéressait pas.

Monsef Derraji, député du Parti libéral du Québec

Avec Tommy Chouinard, La Presse