(Ottawa) La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, appelle Israël à la retenue. L’État hébreu devrait, selon elle, se féliciter d’avoir contenu l’attaque inédite de l’Iran sur son territoire et trouver moyen d’éviter une flambée de violence dans la région.

« Israël a le droit de se protéger, bien entendu, et nous allons toujours soutenir Israël dans son droit de se protéger. En même temps, on veut s’assurer qu’il n’y ait pas d’escalade », a exposé la cheffe de la diplomatie canadienne au parlement, lundi, lorsqu’on lui a demandé quelle devrait être la réplique de Tel-Aviv.

« Et c’est pourquoi j’ai parlé à mon homologue israélien [Israel Katz], et je lui ai dit : “Prends le gain – en anglais, je dirais Take the win. Parce qu’en effet, ce qu’Israël a fait au cours du week-end a été une démonstration de sa capacité extraordinaire de se protéger », a-t-elle ajouté en point de presse.

La ministre Joly semble ainsi avoir repris à son compte ce qu’aurait conseillé le président des États-Unis, Joe Biden, au premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou dans un échange téléphonique. Cette information a été rapportée par des médias américains sur la foi d’une source anonyme de la Maison-Blanche.

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La ministre s’envolait lundi à destination de l’Italie pour participer à une réunion avec ses homologues du G7. Son hôte, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a affirmé à l’agence Reuters que l’imposition de nouvelles sanctions serait à l’ordre du jour.

Le Canada est prêt à aller dans ce sens, a indiqué Mélanie Joly.

Nous avons déjà listé plusieurs personnes et entités, et nous avons sanctionné. Et je pense qu’on doit aller encore plus loin. […]. Donc bien entendu, le Canada va réagir.

Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères

Les dirigeants du G7 ont condamné, dimanche, l’attaque inédite perpétrée samedi par le régime iranien.

« Par ses actions, l’Iran a franchi un nouveau pas vers la déstabilisation de la région et risque de provoquer une escalade régionale incontrôlable. Ce scénario doit être évité. Nous continuerons de nous efforcer de stabiliser la situation et d’éviter toute nouvelle escalade », ont-ils affirmé.

Prendre ou ne pas prendre le gain ?

Le politologue Thomas Juneau voit difficilement le gouvernement israélien tourner la page sans répliquer à l’offensive sans précédent de Téhéran. « Israël pense, et n’a pas tort, que le Take the win serait perçu en Iran comme un message de faiblesse », expose-t-il en entrevue.

« On parle quand même de 300 missiles et drones ! Alors en ce moment, je n’ai pas l’impression qu’Israël est intéressé à “Prendre le gain”. J’ai l’impression qu’Israël se dirige plus vers des représailles limitées », avance le professeur agrégé en affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.

L’ambassadeur d’Israël au Canada, Iddo Moed, réagit de façon diplomatique aux propos tenus par Mme Joly.

Nous comprenons d’où vient la crainte que la situation dans la région se détériore et qu’une guerre [à plus large échelle] éclate dans la région.

Iddo Moed, ambassadeur d’Israël au Canada

Le leadership israélien « soupèse ses options » pour la suite des choses, indique-t-il à l’autre bout du fil.. Mais il semble que celle de rester les bras croisés n’en soit pas une. « L’Iran a dit encore et encore que son objectif était de détruire l’État d’Israël. […] Israël ne peut pas se permettre de perdre une seule guerre », tranche l’ambassadeur.

Le Corps des gardiens de la révolution islamique

L’attaque de l’Iran a incité les conservateurs à revenir à la charge pour tenter d’ajouter le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) à la liste des entités terroristes du Canada. Le député Garnett Genuis a essayé de le faire en faisant adopter à toute vapeur un projet de loi d’initiative parlementaire, mais en vain.

En janvier dernier, Justin Trudeau a ouvert la porte à la possibilité d’inscrire au registre canadien le bras armé du régime iranien.

« Nous allons poursuivre notre travail, y compris en continuant de chercher des moyens d’inscrire le CGRI de manière responsable sur la liste des entités terroristes », disait-il lors d’une cérémonie de commémoration de l’écrasement d’un appareil civil abattu par Téhéran.

Or, cela n’est pas aussi simple qu’il y paraît, maintient Thomas Juneau depuis un bon moment. « D’un point de vue procédural, les mettre sur la liste, c’est extrêmement simple. Mais l’implanter serait complexe et coûteux. Et les agences de sécurité sont déjà complètement débordées », souligne-t-il.

Le ministre de la Sécurité publique du Canada, Dominic LeBlanc, a affirmé lundi en Chambre que « toutes les options » étaient sur la table. « J’ai demandé à la communauté du renseignement de fournir rapidement un avis au gouvernement », a-t-il soutenu.

Un vote pourrait avoir lieu au cours des prochains jours.