(Ottawa) Alors que le gouvernement fédéral a imposé tardivement des sanctions lundi contre ceux qu’il accuse d’avoir perpétué une guerre civile qui a duré un an au Soudan, l’ancien ambassadeur du pays à Ottawa a déclaré que le Canada pouvait aider à ouvrir la voie à la paix.

« Le monde devrait être consterné par la calamité sans précédent qui se produit au Soudan », a affirmé Tarig Abusalih.

Il y a un an, une querelle politique de longue date entre les branches de l’armée soudanaise a dégénéré en un conflit armé qui a poussé les pays occidentaux à évacuer leurs citoyens et a abouti à ce que les Nations unies qualifient de « la plus grande crise de déplacement interne au monde ».

Le groupe paramilitaire connu sous le nom de Forces de soutien rapide est accusé d’avoir tenté de reproduire le génocide du Darfour, tandis que l’armée, les Forces armées soudanaises, a également été accusée d’actes de violence éhontés.

Des pays comme les Émirats arabes unis, l’Iran et la Russie sont accusés de fournir de l’argent et des armes aux parties belligérantes, des informations récentes faisant état d’utilisation de drones longue distance venus de l’étranger dans le conflit.

Le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de l’Homme, basé à Montréal, a publié lundi un rapport démontrant qu’un génocide est déjà en cours, présentant des documents sur les massacres, les violences sexuelles et les exécutions publiques perpétrées sur une base ethnique.

Une vague d’activités, puis le calme

Le Canada a exprimé dès le départ de sérieuses préoccupations face à la guerre civile.

Le premier ministre Justin Trudeau a rencontré M. Abusalih le jour où les combats ont éclaté, alors qu’ils assistaient tous deux à un évènement communautaire près de Toronto.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, s’est rendue au Kenya pour rencontrer les dirigeants régionaux sur les façons dont les Africains pourraient contribuer à faire progresser la paix au Soudan, et le Canada a alloué une aide humanitaire.

Tout cela faisait partie de ce que M. Abusalih a appelé une vague d’activités au cours des premiers mois de la guerre, alors qu’Affaires mondiales Canada demandait constamment comment Ottawa pouvait soutenir le peuple soudanais et tenter de mettre fin au conflit.

Pourtant, jusqu’à cette semaine, il ne s’était rien passé depuis l’été dernier. Mme Joly n’avait pas évoqué la guerre au Soudan dans ses déclarations publiques depuis des mois, mais la semaine dernière, à l’approche du premier anniversaire du conflit, le ministre du Développement international, Ahmed Hussen, a promis davantage de financement humanitaire.

Lundi, Mme Joly a annoncé des sanctions contre ceux qui compromettent « directement ou indirectement la paix, la sécurité et la stabilité au Soudan », environ sept mois après que Washington ait pris une mesure similaire.

Parmi les personnes sanctionnées figurent le commandant paramilitaire soudanais Abdelrahim Hamdan Dagalo ainsi que l’ancien ministre des Affaires étrangères Ali Karti, qui dirigeait un groupe islamiste opposé au régime démocratique. Ottawa sanctionne également quatre entreprises qu’il accuse d’enhardir les deux factions belligérantes.

« Il s’agit d’un petit premier pas de la part du gouvernement canadien après un an d’inaction, alors que la guerre civile au Soudan éclatait, avec des milliers de personnes tuées, déplacées et maintenant au bord d’une famine provoquée par l’homme », a indiqué la porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière d’affaires étrangères, Heather McPherson, dans un communiqué, lundi.

« Nous avons besoin de davantage d’efforts »

M. Abusalih a soutenu que le Soudan apprécie profondément les 170 millions que le Canada a offerts l’année dernière aux Soudanais vivant dans le pays et à ceux qui ont fui vers les États voisins.

Le Canada a complété ce financement avec 132 millions supplémentaires dans le cadre d’un fonds de 2,1 milliards US (2,9 $ CAN) pour l’aide humanitaire, promis lundi lors d’une conférence mondiale à laquelle M. Hussen a participé à Paris.

M. Abusalih a affirmé que le peuple soudanais, qui est confronté à la faim, au manque de médicaments et à la violence dans les camps, a désespérément besoin d’argent.

« J’espère que la conférence de Paris ne sera pas seulement une campagne de relations publiques internationales, car dans le passé, nous avions l’habitude d’organiser de telles conférences pour le Soudan. Rien n’est sorti de ces conférences et j’espère que tous les pays tiendront bientôt leurs engagements. »

M. Abusalih a quitté son poste en octobre, six mois après le début de la guerre, ce qui, selon lui, était l’un des facteurs qui l’ont poussé à démissionner. Depuis, le Soudan n’a eu que deux diplomates à Ottawa.

Les Soudanais respectent le Canada et beaucoup se rappellent comment l’ancienne Agence canadienne de développement international a contribué à diriger la mécanisation de l’agriculture dans le pays, a soutenu M. Abusalih.

À son avis, le Canada pourrait aider à créer un plan de transition pour un Soudan post-conflit, dans lequel un groupe intérimaire d’experts non partisans pourrait gérer le pays et résoudre la crise humanitaire avant des élections démocratiques.

Quoi qu’il arrive, aucun des groupes en conflit ne pourra prendre le contrôle du pays, a-t-il argué.

« Nous avons besoin de davantage d’efforts de la part de la communauté internationale pour mettre fin à la guerre en cours au Soudan. Après la fin de cette guerre, nous aurons besoin que les Nations unies et nos amis appellent à une conférence internationale pour la reconstruction du Soudan. »

Pendant ce temps, le Canada n’a pas encore réuni une seule famille avec des proches qui tentent de fuir le conflit.

Ottawa a annoncé en décembre dernier un programme destiné à permettre aux personnes fuyant le Soudan de rejoindre des parents au Canada qui ont les moyens de fournir un soutien financier.

Les Canadiens ayant des parents au Soudan estiment que le programme est trop lourd et coûteux, tandis que le gouvernement affirme qu’il ne prévoit accueillir personne avant près d’un an après l’annonce de décembre dernier.

M. Abusalih espère que le Canada pourra accélérer le programme et faire pression sur les autres pays pour amener les deux factions à cesser les combats.

« Il n’y a pas de gagnant dans cette guerre et, en fin de compte, le perdant est le peuple soudanais », a-t-il laissé savoir.