(Québec) Québec « va défendre jusqu’au bout » la Loi sur la laïcité de l’État que la commission scolaire English-Montreal (CSEM) porte devant la Cour suprême. Il demande à Ottawa de « se mêler de ses affaires », alors que Justin Trudeau a l’intention d’intervenir si le plus haut tribunal du pays accepte d’entendre la cause.

Sans surprise, mercredi soir, English-Montreal a décidé de porter devant la Cour suprême la décision de la Cour d’appel rendue en février et confirmant la validité de la loi 21.

Adoptée en 2019, cette loi interdit le port de signes religieux chez les enseignants et des agents de l’État en position d’autorité (policiers, juges, procureurs de la Couronne, par exemple). L’Assemblée nationale étudie ces jours-ci un projet de loi qui vise à reconduire pour un autre cinq ans la clause de dérogation aux chartes des droits blindant la loi 21 contre les poursuites.

« Nous maintenons notre position initiale selon laquelle le projet de loi 21 entre en conflit avec nos valeurs et notre mission et avec celles de tous les Québécois telles qu’exprimées dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne », a affirmé le président de la CSEM, Joe Ortona.

L’interdiction du port de signes religieux « empêche la CSEM d’embaucher des enseignants, y compris des professeurs de français, dans un contexte de pénurie d’enseignants. Plus important encore, cela envoie un message d’intolérance et d’exclusion à nos étudiants et à leurs familles ».

Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a répliqué lors d’une mêlée de presse au parlement jeudi. La loi 21 est une « loi fondamentale », et « on va toujours défendre la laïcité de l’État. Au Québec, l’État et les religions, c’est distinct », a-t-il dit.

Il a déploré que la CSEM ait dépensé jusqu’ici plus d’un million de dollars pour contester la loi 21. « Il y a des questionnements à se poser lorsqu’on utilise des fonds publics des Québécois pour des lois qui sont validement adoptées à l’Assemblée nationale », a-t-il soutenu.

Il se questionne aussi sur les « sources de financement », rappelant que « le gouvernement fédéral a certains programmes qui financent certains recours ». Une demande d’English-Montreal pour obtenir des fonds du programme de contestation judiciaire (PCJ) a été acceptée en 2020, mais la commission scolaire a signalé alors qu’elle ne toucherait pas aux 125 000 $ de fonds fédéraux.

La CSEM maintient qu’elle ne touche aucun fonds fédéral. Elle dit piger dans son « gros surplus » pour financer son recours.

Après la décision de la Cour d’appel à la fin février, le premier ministre Justin Trudeau a confirmé que le gouvernement fédéral interviendra si la Cour suprême entend la cause. « Si et quand l’enjeu [se retrouvera] à la Cour suprême, nous allons intervenir en tant que gouvernement fédéral pour protéger et soutenir la Charte des droits et libertés canadiennes », disait-il. Il en a notamment contre l’utilisation préventive de la clause de dérogation.

Le gouvernement Legault lui demande de renoncer à son intention. « J’invite le gouvernement fédéral à se mêler de ses affaires. C’est un dossier québécois. C’est un dossier qui a été réglé à l’Assemblée nationale du Québec », a plaidé Simon Jolin-Barrette, accusant Justin Trudeau de manquer de « respect » envers les Québécois et l’Assemblée nationale. Il a poursuivi avec une envolée oratoire s’inspirant des propos de Robert Bourassa après l’échec de l’accord du Lac-Meech. « Le Québec est et sera une société qui est distincte, une société qui va faire ses propres choix », a-t-il lancé.

« Ce n’est pas le gouvernement fédéral qui va imposer aux Québécois comment vivre en matière de religion. Nous, au Québec, on a fait le choix historique de séparer l’État et les religions. Si le gouvernement fédéral veut rentrer de la religion dans l’État, nous, on va s’objecter fondamentalement à ça. »