(Québec) Ce n’est pas une crise, mais un problème de normes qui frappe le monde agricole québécois, a laissé entendre le premier ministre François Legault, mercredi, talonné par l’opposition officielle.

Les agriculteurs ont manifesté dans plusieurs régions du Québec au cours des dernières semaines pour exprimer leur ras-le-bol, causé notamment par la chute désastreuse de leurs revenus. Mercredi, trois convois de tracteurs se sont rassemblés à Alma, au Lac-Saint-Jean.

Questionné en mêlée de presse la semaine dernière à savoir s’il s’agissait d’une crise, le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, avait évité avec soin de qualifier ainsi la situation actuelle, mais mercredi, l’opposition libérale est revenue à la charge.

« Le premier ministre ne veut pas reconnaître qu’il y a une crise agricole », a déploré le chef de l’opposition officielle, Marc Tanguay, à la période de questions.

« Martin Caron (le président de l’Union des producteurs agricoles) parle des programmes insuffisants, mal adaptés, des réalités économiques et climatiques d’aujourd’hui et de demain, a-t-il poursuivi. L’UPA a dit : dans le dernier budget, déception et frustration. Les causes sont multiples et, quand on reconnaît ça, on doit reconnaître la crise. Va-t-il reconnaître la crise ? »

À toutes ses réponses, le chef caquiste a esquivé en refusant d’avoir recours au terme de crise pour décrire les difficultés des producteurs agricoles.

« Les producteurs maraîchers ont été très clairs, a-t-il rétorqué. Quand je leur ai demandé quelle est la cause première de leurs problèmes, ils m’ont dit : ce sont les normes qui ne sont pas les mêmes au Québec qu’à l’étranger. »

Ainsi, les normes environnementales plus sévères en vigueur au Québec désavantageraient les producteurs d’ici par rapport à leurs concurrents à l’étranger qui peuvent ainsi vendre leurs produits moins chers sur nos marchés, a-t-il expliqué.

M. Tanguay a rappelé que quelque 500  producteurs ont manifesté le 8 mars à Rimouski, 200 producteurs le 15 mars à La Malbaie, ainsi qu’à Baie-Comeau.

M. Lamontagne a apporté des nuances sans toutefois oser lui-même s’approprier non plus le terme de crise.

« Vous pouvez appeler ça une crise, on peut appeler ça une tempête, mais on a plusieurs choses, plusieurs éléments de façon concurrente qui se manifestent en même temps, on a des enjeux. »

Le député libéral André Fortin a réclamé un soutien généreux de l’État et des programmes mieux adaptés pour soutenir les producteurs. Il a dépeint de façon sombre le bilan de la CAQ en agriculture.

« Son bilan, c’est d’avoir décimé la production porcine. Son bilan, c’est de refuser l’aide d’urgence aux producteurs horticoles. Son bilan, c’est : plus que jamais, les agriculteurs de la relève sont obligés d’avoir une deuxième job pour payer les dettes de la ferme. Son bilan, c’est des producteurs qui mettent leurs terres en garantie parce qu’ils n’ont plus un sou. Son bilan, c’est des abattoirs de proximité qui ferment, un prix des terres en hausse fulgurante, des délais hors contrôle pour avoir des travailleurs agricoles. »

Le ministre a argué qu’un fonds d’urgence avait été mis sur pied en mai dernier avec 167 millions de liquidités : 1150 entreprises ont présenté une demande d’aide et entre 300 et 400 autres sont susceptibles de le faire, a-t-il ajouté.

Il a aussi fait valoir que plus d’un milliard de dollars avaient été déboursés par les programmes d’assurance récolte, par rapport à 440 millions en moyenne annuelle.

Des allégements réglementaires sont aussi en chantier, a-t-il précisé.

Selon les prévisions du ministère fédéral de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, le revenu net agricole québécois passera de 959 millions en 2022 à 66 millions en 2024, du jamais vu depuis 1938.