(Québec) À « 900 000 ou un million la porte », les coûts des projets proposés par les associations de maisons d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale sont « excessifs », affirme la ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau. Les projets sont à l’arrêt le temps que la Société d’habitation du Québec détermine « ce que ça devrait coûter ».

Ce qu’il faut savoir 

  • Des associations de maisons d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale dénoncent que leurs projets sont bloqués, car la SHQ ne prend pas en compte leurs besoins particuliers
  • Le gouvernement Legault s’était engagé, en 2021, en pleine vague de féminicides, de construire plus de centres d’hébergement, car le réseau actuel déborde.
  • La ministre France-Élaine Duranceau estime que les projets soumis par les groupes depuis ce temps coûtent trop cher et ne respectent pas « la capacité de payer » des contribuables.

« Je veux que ces projets voient le jour, par contre, ce qu’on constate, c’est que trop de projets sortent avec des coûts vraiment excessifs. Quand on parle de 900 000 dollars, un million de dollars la porte, je comprends qu’il y a beaucoup d’espaces communs qui ne sont pas dans le logement, mais malgré cela, les coûts de ces projets sont trop élevés », a lancé la ministre jeudi lors d’une mêlée de presse.

Elle était de nouveau interpellée par les associations de maisons d’hébergement, ainsi que par les trois partis d’opposition, qui l’accusent de ne pas respecter un engagement de la CAQ pris en 2021.

« Il y a déjà quatre féminicides depuis le début de l’année. Est-ce que ça va prendre une autre femme tuée aux mains de son partenaire pour que ce dossier remonte sur la pile de priorités ? », a dénoncé Maud Pontel, coordonnatrice générale de l’Alliance MH2, lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale au matin.

Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, affirme que des « vies de plein de femmes qui n’arrivent pas à avoir accès à des services » sont en jeu. Le système est près du « point de rupture » et le gouvernement Legault pourrait être responsable de son « effondrement », prévient-elle.

L’argent n’est pas infini, dit Duranceau

Déjà, la semaine dernière, les associations de maisons d’hébergement tiraient la sonnette d’alarme. Depuis cette sortie, elles affirment n’avoir eu aucune nouvelle de la ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau, jusqu’à mercredi. « On a reçu un appel du cabinet de la ministre nous disant, on est très surprises de savoir que ça ne fonctionne pas, on pensait que tout était correct », a dit Maud Pontel.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Louise Riendeau, coordonnatrice du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et Maud Pontel, coordonnatrice générale de l’Alliance MH2

Mais Mme Duranceau, elle, affirme qu’elle comprend très bien la situation. « Je suis entièrement consciente des particularités de ces projets, mais malgré ces particularités, les coûts sont trop élevés », a-t-elle dit.

Il n’y a pas de prix pour la vie des femmes, ce n’est pas ça la question, la question c’est de faire sortir le logement et pour les femmes vulnérables et pour toute notre population. Mais il faut s’assurer que ces projets voient le jour rapidement, à l’intérieur de budgets raisonnables parce que c’est l’argent des contribuables et c’est pas infini.

France-Élaine Duranceau

Elle a demandé à la SHQ de procéder à une évaluation de ce que « ça devrait coûter » pour « s’assurer qu’on répond bien aux besoins des femmes […] et qu’on s’entende de part et d’autre pour faire les choses dans le respect de la capacité de payer ».

Volonté politique

Mais la construction coûte plus cher, que ce soit les écoles, le toit du stade ou les espaces bleus, qui ont d’ailleurs été abandonnés. Les partis d’oppositions, représentés par la libérale Brigitte B. Garceau, la solidaire Ruba Ghazal et le péquiste Joël Arseneau, estiment qu’il s’agit d’un manque de volonté politique. Ils ont d’ailleurs fait remarquer que le premier ministre n’a jamais eu peur de payer très cher pour les maisons des aînés parce qu’il n’y a rien de « trop beau pour nos aînés ».

Du côté des regroupements, on affirme que le coût « considéré acceptable » par la SHQ tourne aux alentours de 575 000 $ la porte, mais que ce n’est pas possible d’atteindre cette cible, notamment parce qu’on leur demande de faire des choses jugées inutiles, comme d’installer la tuyauterie nécessaire à l’installation de laveuses et sécheuses dans chaque logement alors qu’il y a une buanderie commune. Les projets soumis tournent plutôt autour de 700 000 dollars à 900 000 dollars « la porte ».

La ministre de la Condition féminine Martine Biron, elle, s’est placée en situation de négociatrice, entre les regroupements de femmes, et la ministre Duranceau. Elle a affirmé que ces projets n’étaient pas stoppés. « Ils ne sont pas à l’arrêt, non », a-t-elle dit.

C’est simplement que la ministre Duranceau veut « mettre ses règles à elle », mais elle assure qu’elle « travaille sur une voie de passage » avec la ministre responsable de l’Habitation. « Ça va aller de l’avant. C’est juste une question de trouver une voie de passage entre les groupes de femmes et la SHQ », a dit Mme Biron.

En parlant des femmes qui ont construit des projets, qui ont acheté des terrains et des bâtiments, qui ont fait faire des plans, Mme Biron affirme qu’elle est « fière de travailler » avec elle. « Maintenant il faut voir si on est capable de le financer, et c’est là qu’on doit trouver la voie de passage avec l’Habitation », a-t-elle ajouté.