(Québec) Le Parti libéral du Québec estime qu’il y a un « problème sérieux » de gouvernance au sein de la Direction générale de l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), qui a versé une indemnisation à un harceleur condamné à la prison. Il s’inquiète de la capacité de l’organisme à détecter les fraudes et demande au ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette de faire la lumière.

« Il y a un problème sérieux de gouvernance à l’IVAC. J’invite le ministre et l’IVAC à retourner à la table de dessin et voir s’il n’y a pas d’autres cas », a déclaré le député libéral André A. Morin.

Il réagissait aux révélations de La Presse sur des indemnisations versées à un harceleur condamné à 14 mois de prison par l’organisme dont la mission est pourtant d’accompagner les victimes pour leur permettre de se rétablir.

Depuis 2022, l’IVAC verse des indemnisations à un homme se disant victime de violence conjugale. Comme le prévoit la loi, il n’a eu qu’à remplir deux formulaires de trois pages, l’un pour lui, l’autre pour sa fille. Même après avoir été mis au fait de trois jugements exposant ses comportements criminels, ainsi que des rapports de la DPJ qui le décrivent comme un père absent et inadéquat, l’IVAC n’a pas changé son fusil d’épaule.

Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a décliné la demande d’entrevue de La Presse. Il a affirmé sur les médias sociaux qu’il a « pris connaissance de l’article » et que la « situation qui y est relatée est inacceptable et soulève d’importantes préoccupations ». « Nous faisons les vérifications qui s’imposent », a-t-il dit.

Pour le député libéral, ce n’est pas suffisant. « C’est venu me chercher. J’ai trouvé ça révoltant. Je n’en revenais juste pas. Ce que je trouve incroyable, c’est que l’IVAC a des preuves que monsieur a été condamné. Ce n’est pas juste des allégations. Et ce qu’on apprend ce [jeudi] matin, c’est que ce n’est pas assez. Ils attendent je ne sais pas quoi, mais ça n’a pas d’allure », laisse tomber le député libéral.

Le parlementaire est aussi renversé de la réponse de l’IVAC, qui affirme d’un côté n’avoir aucune donnée à fournir sur les fraudes commises à son endroit, et de l’autre, qu’elle « n’observe pas une tendance particulière suite à la réforme de la loi ». « Voyons, ça ne marche pas », laisse-t-il tomber. Il n’est pas possible de dire qu’on n’a pas de données, pour ensuite affirmer qu’il n’y a pas de tendance », fait-il remarquer.

« Si jamais ils se rendent compte qu’ils ont été fraudés, j’espère qu’ils vont aller rechercher l’argent. J’espère qu’ils vont agir vite, vite, vite », ajoute-t-il.

Et la loi, adoptée en 2021, permet à l’IVAC d’agir. L’article 112 prévoit qu’une personne qui « fait une déclaration ou transmet un document alors qu’il sait ou aurait dû savoir que la déclaration ou le document contient un renseignement faux ou trompeur » est passible « d’une amende d’au moins 1 000 $ et d’au plus 5 000 $ ».

Lors de l’étude du projet de loi, le ministre Jolin-Barrette affirmait que l’IVAC pourrait « suspendre » immédiatement les versements d’une personne « le temps qu’on fasse la réévaluation » d’un dossier, lorsque l’IVAC est informée qu’un renseignement fourni est « faux ou inexact ».

« Si c’est un système organisé de fraude, bien, bien entendu, on va probablement aller vers des amendes au niveau pénal », expliquait-il. Il affirmait alors que son gouvernement allait « établir des lignes directrices pour être en mesure qu’au sein de l’IVAC, ça soit clair dans quelles circonstances » l’organisme pourrait suspendre des versements d’indemnité.

Dans un communiqué de presse, l’IVAC se borne à énumérer les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, ajoutant que le traitement des dossiers est « confidentiel ».

Avec Isabelle Hachey, La Presse