(Ottawa) Estimant que l’exportation de matériel militaire à Israël viole le droit canadien et international, une coalition d’avocats canadiens et des citoyens d’origine palestinienne ont déposé une poursuite contre la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

La poursuite, présentée mardi auprès de la Cour fédérale, allègue que le gouvernement canadien contrevient à ses obligations en poursuivant l’exportation d’équipement militaire vers Israël.

Les requérants demandent une ordonnance du tribunal pour enjoindre au gouvernement du Canada de cesser de délivrer des licences d’exportation pour les marchandises et technologies militaires destinées à Israël.

« Il est cruel et répréhensible que notre gouvernement continue à apporter un soutien matériel aux atrocités commises par Israël », a déclaré l’un des requérants, Hammam Farah, par voie de communiqué.

Le dépôt de la poursuite a été annoncé par le groupe Canadian Lawyers for International Human Rights (CLAIHR).

Chez Affaires mondiales Canada, mardi soir, on n’a pas voulu commenter cette procédure judiciaire en cours.

« Le Canada possède l’un des systèmes de contrôle des exportations les plus solides au monde », a cependant soutenu le porte-parole John Babcock.

« Nous avons fait preuve de prudence dans le cas des exportations vers Israël depuis le 7 octobre, comme nous le faisons pour toutes les exportations vers d’autres pays », a-t-il aussi mentionné.

Au moins 28,5 millions d’exportations depuis octobre

Depuis le début de l’offensive d’Israël dans la bande de Gaza, en octobre dernier, le gouvernement canadien a autorisé l’exportation d’au moins 28,5 millions de dollars en équipement militaire vers l’État hébreu.

Selon Affaires mondiales Canada, les licences délivrées depuis le 7 octobre concernent « des équipements non létaux ».

On parle, par exemple, « de lunettes de vision nocturne, d’équipement de protection », a illustré la ministre Joly il y a quelques semaines.

« Nous n’avons pas approuvé de permis pour l’exportation de bombes, de roquettes, de missiles ou d’engins explosifs », a insisté sa directrice des communications, Emily Williams.

Ces arguments ne tiennent pas la route, selon James Yap, l’avocat des requérants.

« La Loi sur les licences d’exportation et d’importation ne fait aucune distinction entre le matériel létal et non létal », soutient-il en entrevue téléphonique.

En vertu de cette loi, la ministre des Affaires étrangères doit rejeter toute demande de permis s’il existe un « risque sérieux » que le matériel porte atteinte à la paix ou serve à des violations du droit international.

Et donc, « l’enjeu, ce n’est pas si c’est létal ou non, mais plutôt si le matériel peut être utilisé pour commettre ou faciliter la commission de violations du droit humanitaire international », insiste MYap.

On ignore si la Cour fédérale entendra l’affaire ou, le cas échéant, quand les audiences pourraient avoir lieu.

Le précédent néerlandais

À la mi-février, la Cour d’appel de La Haye a ordonné à l’État de suspendre la livraison de pièces d’avions F-35 à Israël.

Les risques que celles-ci soient utilisées dans des actions violant le droit humanitaire international ont mené le tribunal à ce verdict.

Le gouvernement néerlandais a aussitôt interjeté appel.

« La décision de l’État de se pourvoir en cassation contre ce jugement est distincte de la situation à Gaza », a déclaré le gouvernement dans un communiqué daté du 12 février publié sur son site web.

« Les Pays-Bas continuent d’appeler à un cessez-le-feu humanitaire temporaire immédiat et à ce qu’autant d’aide humanitaire que possible puisse parvenir à la population souffrante de Gaza », a-t-on conclu.