(Ottawa) Celui qui a laissé sa marque au Nouveau Parti démocratique (NPD) est mort à 87 ans. L’Institut Broadbent qu’il avait fondé en a fait l’annonce jeudi après-midi. Élu pour la première fois à la Chambre des communes en 1968, Ed Broadbent a par la suite dirigé le NPD durant 14 ans. Plusieurs membres de la classe politique ont salué son intégrité.

« J’ai eu à travailler beaucoup avec lui », a raconté l’ex-premier ministre Jean Chrétien, lors d’une mêlée de presse sur la colline du Parlement en début de soirée jeudi. Il était de passage à l’occasion d’une fête pour célébrer son 90anniversaire de naissance.

« En bien des circonstances, il a été très utile, particulièrement dans des moments difficiles comme le rapatriement de la Constitution, la Charte des droits », s’est-il remémoré, notant que le chef néo-démocrate s’était alors attiré les foudres de certains de ses députés.

« Il était d’un soutien important pour moi et je suis toujours demeuré un ami, a-t-il continué. C’était un homme très agréable à rencontrer qui avait un bon sens de l’humour et qui était bien connaissant. »

Les deux politiciens à la retraite se voyaient encore à l’occasion, jusqu’à il y a quelques mois. « Il sortait beaucoup moins, comme moi. Nous n’étions plus des poulets du dernier printemps », a dit M. Chrétien avec son franc-parler légendaire.

Les témoignages sur la grandeur d’âme de M. Broadbent ont afflué après l’annonce de sa mort. L’actuel chef du NPD, Jagmeet Singh, a rappelé qu’il était « généreux de son temps et de son talent », n’hésitant pas à lui donner des conseils ou à faire campagne à ses côtés.

« Il est impossible de voyager à travers le pays sans rencontrer des personnes qui ont été touchées par la compassion, l’engagement et l’intelligence féroce d’Ed », a-t-il déclaré par communiqué.

Il n’a jamais perdu de vue les personnes pour lesquelles nous nous battons. Il était profondément attaché aux valeurs des classes populaires canadiennes et à leurs luttes.

Jagmeet Singh, actuel chef du NPD

« C’est une espèce de mentor politique pour des générations de militants, a souligné en entrevue le chef adjoint néo-démocrate, Alexandre Boulerice. Et avec Tommy Douglas, c’est les racines du NPD. C’est la défense des travailleurs, c’est la justice sociale. »

« Son flambeau à lui, c’était la lutte contre la pauvreté des enfants, les soins de santé publics, l’égalité hommes-femmes », a-t-il ajouté.

PHOTO GAIL HARVEY, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Ed Broadbent en février 1980

« Le Canada se porte mieux grâce au service dévoué d’Ed Broadbent, a déclaré le premier ministre Justin Trudeau dans un communiqué. Il laisse derrière lui un héritage incroyable, qui restera sans aucun doute une source d’inspiration pour les Canadiens. »

Nombre record de députés

Né à Oshawa, en Ontario, dans une famille de la classe ouvrière, M. Broadbent a été élu député fédéral pour la première fois en 1968 après avoir fait des études doctorales et avoir enseigné à l’Université York à Toronto. Il a occupé ce siège durant 21 ans et est devenu chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) en 1975.

En 1988, il avait fait élire le plus gros caucus néo-démocrate à la Chambre des communes depuis la fondation du parti avec 43 députés, sans toutefois réussir à gagner de sièges au Québec. Ce résultat historique avait tout de même causé une certaine déception puisqu’il ne permettait pas au NPD de former l’opposition officielle. Il n’a été surpassé que 23 ans plus tard, lors de la vague orange de 2011, puis lors des élections de 2015.

L’année suivante, M. Broadbent démissionnait, critiqué pour ne pas avoir fait de l’opposition à l’Accord de libre-échange nord-américain son principal cheval de bataille. Son appui à l’accord du lac Meech, qui aurait reconnu que le Québec forme une société distincte, avait également créé des dissensions au sein de son caucus, rappelle l’Encyclopédie canadienne.

M. Broadbent avait fait un retour sur la scène politique à l’âge de 68 ans en 2004 à la demande de Jack Layton, qui dirigeait alors la formation politique. Il s’était fait remarquer dans une vidéo de rap qui avait piqué la curiosité des internautes, quelques années avant l’arrivée des réseaux sociaux. Son dernier mandat s’était terminé en 2006.

Le quotidien The Globe and Mail à l’époque l’avait nommé « bâtisseur de la nation de l’année ». Il le décrivait comme un « politicien honnête » et « un homme qui s’est tenu debout pour la civilité face à la politique du mépris ».

Il avait ses convictions profondes, mais il était capable d’être ferme. Il était capable même de brasser ses adversaires, mais ça se faisait toujours dans l’intelligence et le respect.

Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD

« Il fut un moment où un équilibre entre idéologie et raison semblait possible. On compare et on respecte. Ed Broadbent a incarné les meilleurs moments d’une gauche canadienne alors que le Québec adoptait durablement la social-démocratie », a publié le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, sur X.

« Le Canada doit beaucoup au dévouement de Canadiens patriotes de tous horizons », a réagi à son tour le chef conservateur Pierre Poilievre.

Plusieurs membres de la grande famille néo-démocrate ont souligné son départ. Le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, a salué l’intégrité de M. Broadbent et sa défense de la justice.

« Ed a été la première personne à m’appeler et à m’encourager après que j’ai perdu l’élection de 2019 et le premier à m’appeler et à me féliciter lorsque j’ai gagné en 2023, a-t-il écrit sur X. En cela, comme en toutes choses, il a incarné la persévérance en gardant espoir de rendre notre pays meilleur. »

« Toujours prêt à défendre la bonne cause. Ed était un géant. Il va nous manquer terriblement », a souligné à son tour le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby.

Ed Broadbent laisse en héritage l’Institut Broadbent, un groupe de réflexion progressiste qu’il avait fondé en 2011.