(Ottawa) John Scully veut savoir s’il peut avoir recours à l’aide médicale à mourir, s’il le souhaitait.

L’ancien correspondant de guerre souffre d’une maladie mentale grave, qui comprend des symptômes de dépression, d’anxiété et de trouble de stress post-traumatique.

Il prend la parole à nouveau alors que les libéraux doivent prendre une décision très bientôt quant à l’élargissement de l’aide médicale à mourir, qui devrait entrer en vigueur au mois de mars.

L’aide médicale à mourir est légale depuis 2016 au Canada. En 2021, un élargissement des critères d’admissibilité a été approuvé pour inclure les personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale.

Ce changement devait entrer en vigueur en mars 2023, mais a été retardé d’un an par le gouvernement libéral, en raison des inquiétudes quant aux conséquences qu’il pourrait avoir.

Ceux qui s’opposent à ce changement, y compris certains militants pour les droits des personnes handicapées, ont exprimé leur inquiétude quant à savoir si cela ouvrirait davantage la porte aux abus et à la coercition. Ces opposants se demandent si les gens qui choisiraient alors de mettre fin à leurs jours n’ont pas plutôt besoin davantage de soutien, y compris d’un meilleur accès au logement et aux soins en santé mentale.

Un comité spécial de parlementaires a été chargé l’automne dernier d’évaluer si le système de santé était prêt pour ce changement. Les libéraux doivent maintenant choisir d’aller de l’avant ou non avec l’élargissement des critères.

Le ministre de la Justice, Arif Virani, a déclaré le mois dernier à La Presse Canadienne qu’il examinerait attentivement les recommandations du comité, ouvrant ainsi la porte à un nouveau report du projet d’élargissement des critères.

John Scully dit qu’il fait régulièrement de terribles cauchemars dus à sa carrière de journaliste, le privant de sommeil.

L’homme de 82 ans soutient avoir essayé « toutes les méthodes de traitement connues par la science », et que rien n’a fonctionné. Il a tenté de se suicider à deux reprises et ne veut plus recommencer.

« Je veux un peu de paix et je veux un peu de calme dans ma mort », a-t-il déclaré lundi dans le cadre d’une entrevue.

Ce que veut John Scully, c’est la possibilité de mourir avec une assistance médicale. « Ce n’est pas un » je veux mourir maintenant » définitif. C’est une alternative au suicide », affirme-t-il.

« Je veux avoir la tranquillité d’esprit de savoir que [l’aide médicale à mourir] est une option pour moi et pour tous les gens comme moi qui ne peuvent pas ou ne veulent pas parler de la souffrance et de l’enfer qu’ils traversent et éviter l’enfer du suicide. »

Le sénateur Stan Kutcher, psychiatre en Nouvelle-Écosse, s’est prononcé en faveur d’un élargissement de la loi pour inclure les maladies mentales. Il a fait partie du comité et soutient que les tribunaux ont statué que les demandes d’accès à l’aide médicale à mourir des Canadiens doivent être évaluées au cas par cas. Il s’attend à ce que le procureur général du Canada « adhère à la Charte ».

Or, tandis que le sénateur et d’autres partisans de l’élargissement des critères avancent que l’exclusion des personnes souffrant de troubles mentaux est discriminatoire et entraînerait probablement de futures contestations judiciaires, une avocate experte en droit constitutionnel affirme qu’il reste de « grands points d’interrogation » sur cette question.

« N’importe qui peut intenter une action, n’importe qui peut contester la Charte », explique Kerri Froc, professeure de droit à l’Université du Nouveau-Brunswick.

Kerri Froc faisait partie des experts juridiques et médicaux consultés par le comité. L’avocate avance que toute contestation judiciaire potentielle sur la question à savoir si les personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale peuvent avoir recours à l’aide médicale à mourir serait « hautement conditionnelle » aux faits présentés.

D’autres, comme Jocelyn Downie, professeur à l’Université Dalhousie d’Halifax, ont déclaré le mois dernier à La Presse Canadienne qu’un autre retard dans l’élargissement des critères pourrait forcer les personnes qui souffrent de manière intolérable à devoir aller devant les tribunaux, comme d’autres l’ont fait par le passé.

Le gouvernement fédéral a légalisé l’aide médicale à mourir après une décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2015, qui a jugé que la partie du Code criminel interdisant aux médecins de l’administrer dans les situations où une personne était atteinte d’une « une maladie grave et irrémédiable » était inconstitutionnelle, qu’il s’agisse d’une affection, d’une maladie ou d’un handicap.

La loi a été révisée en 2021 à la suite d’une décision judiciaire de 2019 de la Cour supérieure du Québec, qui a jugé inconstitutionnel le fait d’exiger que l’aide médicale à mourir soit limitée à une personne dont la mort naturelle était « raisonnablement prévisible ».

Or, lors d’un débat sur le projet de loi visant à modifier la législation sur l’aide médicale à mourir afin de refléter cette décision, le Sénat a également conclu qu’il fallait inclure ceux dont le seul problème médical invoqué est une maladie mentale. La Chambre des communes a accepté ce changement et le projet de loi a été adopté.

Les réactions ont été immédiates.

Plus de 30 professeurs de droit ont signé l’année dernière une lettre ouverte dans laquelle ils affirmaient qu’il était « imprudent » de suggérer que le droit constitutionnel à l’aide médicale à mourir pour ces patients serait reconnu par les tribunaux.

John Scully a affirmé lundi que si le gouvernement canadien décidait de retarder à nouveau cet élargissement des critères, la seule option qu’il lui reste serait le suicide. Il dit que cela équivaudrait à « une trahison envers toute personne qui souffre terriblement de maladie mentale ».

Besoin d’aide ?

Si vous ou quelqu’un que vous connaissez pensez au suicide, de l’aide est disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en appelant Talk Suicide Canada (1-833-456-4566) ou en envoyant un texto au 45 645 le soir. Les résidents du Québec peuvent appeler le 1-866-APPELLE (1-866-277-3553) ou visiter suicide.ca pour obtenir de l’aide par texto ou en ligne.